Conclusion
1. Se relancer constamment par l’alliance de la recherche technique et de la stratégie commerciale.
Quand Michel Bouquet expose pour la première fois, c’est en 1834, année des Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix, des Ages de la vie de Caspar-David Friedrich, La citadelle de Volterra de Corot et du Portrait du comte Molé d’Ingres. L’année de son décès – en 1890 – Van Gogh réalise le Champ de blé avec des corbeaux et son Eglise d’Auvers-sur-Oise, Seurat Le cirque , Odilon Redon, Les yeux clos, et Gauguin son Autoportrait au Christ jaune. C’est dire quel siècle pictural Michel Bouquet a traversé.
Bouquet c’est vendre, mais pas se vendre.
Quel était le talent de bouquet ? Il savait vendre ses productions car il disposait d’un atout : il était fils de marchand ce que n’étaient pas la plupart des peintres qui avaient besoin d’un entremetteur, le marchand.
Michel Bouquet est un artiste indépendant, il n’a jamais fait partie d’un groupe ou d’une école picturale reconnue. C’est probablement pourquoi il est ignoré par les historiens de l’art qui pensent très souvent en termes d’écoles, d’avant-garde, de rupture, de linéarité vers une progression de l’art comme s’il y en avait une.
S’il n’a pas évolué vers une peinture de type impressionniste, il en a fréquenté la plupart des lieux soit de type pré-impressionniste, la vallée de Chevreuse, Fontainebleau, Rambouillet, la forêt de Compiègne, le Limousin, soit par les impressionnistes eux-mêmes : la Bretagne, les bords de la Marne, la Seine à Carrière-Saint-Denis, la Normandie, Etretat, Trouville, Yport, Cherbourg, la plage de Villers, la plage de Brighton.
Bouquet connaissait naturellement Durand-Ruel, a exposé chez lui, mais n’a certainement pas voulu traiter avec lui, au regard des contrats léonins qu’il faisait signer aux artistes.
Nous sommes prisonniers pour cette période du prisme des Goncourt. Ne pouvons-nous pas voir avec nos propres yeux ? Avons-nous besoin de bésicles ? Michel Bouquet n’est pas un peintre extraordinaire, sauf quand il se donne le temps et les moyens.
Une œuvre devient une création institutionnelle, témoin d’un pouvoir symbolique, intellectuel, politique, voire financier, donc Bouquet fait un effort, il passe beaucoup de temps et d’efforts à réaliser son oeuvre.
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103 x 188cm, 1845.
Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet.
En 1835, selon Gudin, la vérité d’un tableau c’est que tous les éléments doivent participer à la vérité ici le drame, donc même les nuages, les eaux, le ciel, les rayons du soleil doivent être porteurs du drame; grandeur et poésie sont attendues d’un paysage. L’observation de la nature, la fidélité de l’ensemble et des détails, les rayons du soleil glissant sur l’herbe ou dorant la cime des chênes séculaires, Bouquet est fidèle à ce qu’il voit.
Il est conscient pour les avoir fréquentés personnellement ou picturalement de l’écart qu’il y a entre lui et ceux qu’on a choisis comme étant des grands Delacroix, Couture, Dumas ou autres, etc. C’est un très bon technicien de la nature, évitant le portrait, et quelqu’un qui est capable de donner des émotions dans le milieu et l’époque qu’il s’est choisis.
Ce qui lui importe c’est d’avoir des revenus réguliers.
Pour exemple, songeons qu’il vend en une seule exposition en 1858 ses oeuvres pour plus de 1100 francs ! Pour comparaison, Jules Simon dans L’ouvrière déclare qu’une minorité d’entre les ouvrières gagne deux francs par jour, la très grande majorité n’en touchant même pas la moitié.
Il sait s’adapter à un public qui choisit le beau dans l’utile. choisi par Gudin pour exécuter une part de la gigantesque commande du roi des français Louis-Philippe, il restera fidèle à ce dernier jusqu’à sa mort le à Claremont House, dans le Surrey. Il en est de même pour Gudin, mort le 11 avril 1880 à Boulogne-Billancourt. Sa fidélité est intacte. Il emmènera le fils aîné de la duchesse de Montebello, Napoléon-Auguste, Duc de Montebello, polytechnicien, le Lucien Leuwen de Stendhal, diplomate et ami de Michel Bouquet, à Roscoff. Sa diplomatie et le fait qu’il sache garder toutes ses amitiés et relations de tous genres, Roi, princes de la cour d’Angleterre et de la Cour des Gikha, ducs dont le Duc d’Aumale, président du Conseil Général de l’Oise, et approché pour la présidence de la République en 1873, des barons tel Gudin, et des maires et chefs d’entreprise, des médecins, la joyeuse bande de Keremma et tant d’autres..
Et n’oublions pas sa relation avec Bodelio et Brizeux qui traduisent bien le lien qu’il eut avec la pauvreté et la Bretagne.
Michel Bouquet a caché sa vie comme l’alchimiste à son four, mais c’est pour mieux répandre son esprit.
Jusqu’au bout il suivra cette stratégie
1889 Album de lithographies par les peintre eux-mêmes, Compositions et reproductions par Abraham, Bernier, Barillot, Michel Bouquet, Cassagne, Chaplin, Paul Collin, Eugène Cicéri, Jules Didier, Dubufe, Faivre, Guillon, Guillemet, Laurens, Lhermitte, Sirouy, Trayer, Vayson, Vergnier, Yon, Zurer, 25 planches, 40x37cm, dans un élégant carton, 30 francs, in Catalogue 1889 Oléographies, chromolithographies, lithographies, photographies, gravures, héliogravures, photogravures, Maison d’édition Sanguinetti, J. Duret successeur, Paris, 1889.
1890 L’univers illustré, 08 février 1890 notice biographique
L’art français vient de faire une perte importante en la personne de l’excellent peintre céramiste Michel Bouquet.
1890 Furetières dans le Soleil du 28 janvier 1890 : « Un autre artiste arrivé à l’extrême limite de l’âge s’en est allé aussi cette semaine dans l’autre monde. Je veux parler du vieux Bouquet, plus connu au surplus dans le monde des ateliers que du public. Il avait dit-on beaucoup parcouru l’Europe vivant au jour le jour de son travail, brossant une Marine ici, bâclant là un portrait, un dessin, mais économe encore plus que laborieux. Si bien que sur le tard il était arrivé à une fortune très respectable, consacrant les dernières années de sa vie à des essais très intéressants de peinture sur faïence. On a trouvé chez lui des milliers de tentatives de cette nature. L’homme privé avait dû être de bonheur un original, un être à part, car dans le fameux tableau de Couture Les Romains de la décadence, c’est lui qui servait de modèle pour le philosophe qui contemple d’un œil morne des saturnales de ces joyeux contemporains. Le temps ne diminua pas ses étrangetés de caractère et de tempérament. Il fut l’un des précurseurs de la crémation et appartenait il y a vieille date à une société fondée en vue de faire triompher ce mode de conservation des restes des morts. Aussi avait-il pris les plus grandes précautions pour que son corps fut incinéré. Ces vœux ont été réalisés et ses amis ont été conviés par lettre funéraire assistée : aux convois et services crématoires de Monsieur Bouquet. »
2 Son enterrement.
1890 Son corps a, sur sa volonté été incinéré. Lors de cette cérémonie, un dernier adieu a été fait à Michel Bouquet par Emile Durand, auteur d’une biographie sur Le Poète national de la Petite-Russie, Tarass-Grigoriévitch Chevtchenko, Revue des deux Mondes, 1876, Tome 15 et des Entretiens avec le peintre Jean-Jacques Henner.
Jules Simon et Renan assistaient à la cérémonie.
Jules Simon
Jules Simon photographié par Charles Galot.
Ernest Renan par le célèbre artiste suédois Anders Zorn
Anders Zorn, Ernest Renan, Estampe, 22 x 34 cm, 1892 © Gallica.bnf.fr / BnF
Ses cendres ont été transportées dans le caveau familial de Lorient où reposaient déjà sa sœur, sa mère et son père. La tombe est aujourd’hui dans un piteux état.
Son neveu E. Le Roux , rédacteur au Ministère des Finances, conduisait le deuil.
1894 le Petit journal, parti social français, 26 août 1894. Lorient. Ce matin on a inauguré en présence de nombreuses notabilités littéraires et artistiques une plaque commémorative en bronze à la mémoire de Michel Bouquet. Cette plaque est posée sur la maison natale du célèbre peintre céramiste, à l’angle des rues Paul Bert et des Fontaines. On lit cette inscription : « Michel Bouquet, peintre céramiste, est né en cette maison le 17 octobre 1807. »
La rue Saint-Onésime située Nouvelle ville portera désormais le nom de rue Michel Bouquet in Conseil municipal du jeudi 30 mars 1894
Si Bouquet est qualifié selon les historiens de l’art de petit maître, il a fait de grands tableaux
4. Il a enfin pu rejoindre sa famille.
Il partage aujourd’hui l’ombre destinée à son ami Brizeux : sub tegmine querci, à l’ombre du chêne.
Il repose à côté de Brizeux et bénéficie au cimetière de Carnel de l’ombre du même chêne
« Vous mettrez sur ma tombe un chêne, un chêne sombre,
Et le rossignol noir soupirera dans l’ombre :
« C’est un barde qu’ici la mort vient d’enfermer.
Il aimait son pays et le faisait aimer. »
Brizeux
Il repose avec son père, sa mère, sa soeur. Le frère et la soeur se vouaient une affection commune. Il est rare de voir toute une famille réunie.
5. Michel Bouquet a voué sa vie au minéral et au végétal
A gauche, le tronc du chêne de Brizeux, à droite, la tombe de Michel Bouquet
Tombe de Michel Bouquet à Lorient, Cimetière de Carnel, Lot 29, Lorient, Photographie, 2019, © Collection particulière
Le lierre en remerciement le salue
Tombe de Michel Bouquet à Lorient, Cimetière de Carnel, Lot 29, Lorient, Photographie, 2019 © Collection particulière ; Michel Bouquet, Plat à reptiles, papillons et feuillages, Peinture sur email cru stannifère, Faïence au grand feu, don de l’artiste, 1862 © images-art.fr, Musée des Arts décoratifs, inv. UC 1046
Les plantules l’étreignent
Tombe de Michel Bouquet à Lorient, Cimetière de Carnel, Lot 29, Lorient, Photographie, 2019, © Collection particulière
Le bel et vivace aujourd’hui
Tombe de Michel Bouquet à Lorient, Cimetière de Carnel, Lot 29, Lorient, Photographie, 2019 © Collection particulière ; Michel Bouquet, Halte de chasse dans la forêt de Fontainebleau, Huile sur toile, 41 x 58 cm, Salon de 1847, n° 196 du livret du Salon, 1847 © Norton Simon Museum
Le lierre s’invite à une autre place
Tombe de Michel Bouquet à Lorient, Cimetière de Carnel, Lot 29, Lorient, Photographie, 2019 © Collection particulière ; Michel Bouquet, Plat à reptiles, papillons et feuillages, Peinture sur email cru stannifère, Faïence au grand feu, don de l’artiste, 1862 © images-art.fr, Musée des Arts décoratifs, inv. UC 1046
Le chêne qui lie les deux amis, Brizeux derrière l’arbre et Bouquet au premier plan
Tombes de Michel Bouquet et de Brizeux à Lorient, cimetière de Carnel, Lot 29, Photographie, 2019 © Collection particulière ; Michel Bouquet, Retour du troupeau, Peinture sur émail cru stannifère, faïence au grand feu, 29 x 49 cm, 1869 © Musée municipal de la Ville de Lorient
Chantons tous le chêne, roi des grands bois !
Chantons tous, jeunes gens, et chantons les arbres verts
Cruel est celui qui coupe les chênes :
Avec son feuillage touffu un chêne de cent ans,
Et avec ses cheveux longs sur le cou un Breton,
Sont comme deux frères : deux frères sans mentir.
Brizeux