Bouquet 13 Les réseaux relationnels : l’aristocratie et la vie mondaine

 

13 Les réseaux relationnels : l’aristocratie et la vie mondaine

 

The purchase by King Louis-Philippe in person of one of his paintings, and the distinguished honor of seeing one of his works furnish the king's private apartments at the Saint-Cloud Palace, is a founding act in his artistic career. This choice will open for him the doors of the highest aristocracy in matters of purchase and consideration, bonds that he will know how to cultivate until the end of his life.

Indeed, throughout his career as an artist, he will frequent and be received in aristocratic circles, be they French, Turkish, Moldovan or Wallachian, English and Scottish. For example in Moldavia-Wallachia, he is accompanied during his travels by the French consul Adolphe Billecocq who introduces him to the local aristocracies. It is part of the aristocratic taste for hunting, for woodcock in Brittany, for small game and deer, for hounds in the forest of Fontainebleau, and even for bears in Moldavia!

He saw beautiful artistic fortunes rise like that of Meissonier, his contemporary sharing the same existential shooting window, from 1815 to 1891, as a reminder Bouquet from 1807 to 1890,

L’achat par le roi Louis-Philippe en personne d’une de ses toiles, et l’honneur insigne de voir une de ses oeuvres meubler les appartements privés du roi au palais de Saint-Cloud est un acte fondateur dans sa carrière artistique. Ce choix va lui ouvrir les portes de la plus haute aristocratie en matière d’achat et de considération, liens qu’il saura cultiver jusqu’à la fin de sa vie.

En effet, tout au long de sa carrière d’artiste, il fréquentera et sera reçu dans les milieux aristocratiques qu’ils soient français, turcs, moldaves ou valaques, anglais et écossais. Par exemple en Moldavie-Valachie, il est accompagné lors de ses déplacements par le consul de France Adolphe Billecocq qui le présente aux aristocraties locales. Il participe du goût aristocratique de la chasse, à la bécasse en Bretagne, au petit gibier et au cerf, à courre en forêt de Fontainebleau, et même à l’ours en Moldavie !

Il voit s’élever de belles fortunes artistiques comme celle de Meissonier, son contemporain partageant la même fenêtre de tir existentielle, de 1815 à 1891, pour rappel Bouquet de 1807 à 1890,

 

Robert Jefferson Bingham, Maison de Jean-Louis Ernest Meissonier à Poissy, Célébrités du XIXe siècle, Photographie, entre 1860 et 1875 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

un Meissonier spécialisé dans la mise en scène des batailles napoléoniennes, alors qu’un autoportrait longtemps gardé par sa femme, montre tout le potentiel auquel il a renoncé.

Jean-Louis Ernest Meissonier, Autoportrait, Huile sur toile, 19x13cm, vers 1871 © images-art.fr, Musée d’Orsay

 

En aucun cas Michel Bouquet ne sera dans ses créations aussi courtisan. Il peint ce qui lui plaît : la nature. Certaines amitiés ne se démentiront jamais tout au long de sa vie, c’est le cas du lien très fort qui le relie à un membre de l’aristocratie militaire de Napoléon Ier, un descendant direct du Maréchal Lannes, le duc de Montebello.

 

1 L’hôtel particulier du duc de Montebello à Paris

Voilà un espace où il a ses entrées et dans lequel ses oeuvres sont exposées.

Ancien Hôtel particulier du duc de Montebello, Paris © Google earth

 

En 1826 la duchesse de Montebello, veuve du maréchal Lannes, achète cet extraordinaire hôtel parisien situé au 73 rue de Varenne dans le septième arrondissement. C’est un hôtel avec une longue façade encadrée de deux ailes et qui comprend un rez-de-chaussée, un premier étage et une attique surmontée d’une balustrade. La façade fait plus de quarante mètres de longueur.

Façade du château de la duchesse de Montebello © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

La duchesse mourut à Paris en 1856. La décoration intérieure de cet hôtel comprenait quatre œuvres de Michel Bouquet dans la salle à manger, quatre faïences sur email cru stannifère, de format médaillon. En effet le duc de Montebello était un de ses amis. La famille fréquentait les artistes. La mère du duc avait été portraiturée par Pierre-Paul Prud’hon et Eugène Isabey.

Portrait de Louise de Guéheneuc, épouse du général de brigade Jean Lannes

Pierre-Paul Prud’hon, Portrait de Louise de Guéheneuc, épouse du général de brigade Jean Lannes, Huile sur toile, 55x48cm, s.d. © vente lot 80, Bonhams, Londres, 2013

 

Portrait de Louise de Guéheneuc, épouse du général de brigade Jean Lannes

    Eugène Isabey, Portrait de Louise de Guéheneuc, épouse du général de brigade Jean Lannes, miniature sur ivoire, 3,7 x 4,6 cm, 1802 © images-art.fr, Musée du Louvre

 

Eugène Isabey, avec lequel Michel Bouquet avait concouru à l’exposition de Rouen en 1838. Les récompenses décernées aux artistes l’issue de la sixième exposition annuelle des beaux-arts à Rouen avaient été les suivantes :  » Histoire, Médaille d’or Ary Scheffer ; Marines, Médailles d’or  Eugène Isabey et Théodore Gudin, mention honorable, Morel-Fatio ; Paysages, Médaille d’or Cabat, deuxième rappel de médaille d’or, Paul Huet ; médaille d’argent, J. Dupré ; médaille de Bronze, Gué et Michel Bouquet,  » in Journal des artistes, n° 13, annonces et compte-rendus des expositions , 23 septembre 1838, p. 180. Les cinq premiers peintres cités connaissent très bien Michel Bouquet.

 

2 Le château de Mareuil sur Ay appartenant au duc de Montebello

L’inventaire du château retrouvé dans l’inventaire du fonds français de la Bibliothèque nationale, département des estampes, fait apparaître un certain nombre de productions artistiques réalisées par Michel Bouquet. on y trouve des lithographies comme Dans la cour du monastère de Kimpo-longo en Moldavie-Valachie, chez Goupil, 1843 : dis dessins de paysages valaques gravés sur bois ;  l’intégralité de  The Tourist’s Ramble in the Highlands, Paris, Lemercier 1851, deux planches importantes du Château de Mareuil-sur-Ay, siège du commerce des vins de champagne de la maison Montebello, Lemercier, 1850.

 

Le château de M. de Montebello, Mareuil sur Ay, 1910 © Collection Particulière

 

En 1830 c’est le fils aîné de la duchesse de Montebello, Napoléon-Auguste, Duc de Montebello, polytechnicien, le Lucien Leuwen de Stendhal, diplomate et ami de Michel Bouquet, au point de lui permettre d’emmener son fils à Roscoff, et aussi, ce qui est non négligeable dans les commandes artistiques impériales, frère du comte Gustave Olivier Lannes de Montebello, aide de camp de Napoléon III.

Atelier Nadar, Louis Napoléon Lannes, 1801-1874, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 14,5 x 10,5 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

qui rachète ce domaine comportant une centaine d’hectares de vignes de Champagne. Il s’associe avec deux de ses frères, Alfred,  Comte de Montebello, et Gustave, baron de Montebello, pour fonder en 1834 la Maison de champagne Alfred de Montebello qui vendra ses vins jusqu’en Russie, le duc ayant été invité par Napoléon III lors de la réception d’Alexandre III à Paris. Michel Bouquet est invité dans ce milieu aristocratique, et il en fera un dessin.

 

Une maison de négoce très rentable avec des succursales internationales, Hambourg, Londres, Dublin.

Départ des expéditions du Champagne Montebello à Mareuil-sur-Ay, près Epernay, carte postale, s.d. © Collection particulière

 

Michel Bouquet, Départ des expéditions du Champagne Montebello à Mareuil-sur-Ay, près Epernay, deux planches imprimées, Lemercier, vers 1850 © Collection particulière

 

Comment est-il entré en contact avec le duc ? Par l’intermédiaire de sa femme, Marie-Eleonor Jenkinson ? Fille d’un baronnet anglais, elle était une bonne aquarelliste, dont le portrait ci-dessous, une belle dame à le ferronière, est d’un élève de Jacques-Louis David habitant également le quartier de La Nouvelle Athènes, square d’Orléans, et rival de Winterhalter, Marie-Claude Dubufe.

 

Marie-Claude Dubufe, Marie-Eleonor Jenkinson, seconde duchesse de Montebello, Huile sur toile, 99 x 80 cm © vente Sotheby, 19 juin 2006

 

Ajoutons que la comtesse de Montebello fait partie des dames d’honneur de la maison de l’impératrice Eugénie. Elle figure sur ce portrait de Winterhalter commandé pour l’Exposition universelle de 1855

 

Franz Xaver Winterhalter, L’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur, Huile sur toile, 295 x 420 cm, 1855 © Château de Compiègne

 

L’intimité et l’estime sont telles avec le duc qu’il est choisi pour devenir le maître de peinture de son fils Napoléon-Camille Lannes de Montebello , qui va exposer un pastel intitulé Paysage d’automne au Salon de Paris avec la mention élève de M.M. Bouquet.

Fréquentait-il le château de style Louis XII que la duchesse de Montebello avait fait construire à Trouville ?  Une station balnéaire où  les artistes venaient fréquemment faire des séjours, accompagnant leurs mécènes ou amis dans leur villégiature d’été.

 Mais la faveur dont bénéficie Michel Bouquet va peut-être se retourner contre lui lors de la révolution de 1848. Peut-être, car cela ne l’empêche pas de participer au salon de 1848, celui dont l’organisation se fait pour la première fois de l’histoire du Salon par élection des jurys.

 

Election du jury chargé de recevoir les tableaux pour l’exposition en 1848

© Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Michel Bouquet est présent au Salon de 1848

Michel Bouquet, Recueil des ouvrages de peinture, sculpture du Salon de 1848, Paris, 1848 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Michel Bouquet, Recueil des ouvrages de peinture, sculpture du Salon de 1848, Paris, 1848 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Toujours est-il qu’il subit des dommages collatéraux importants pendant ces journées révolutionnaires de 1848. Les clameurs des foules font écho aux fusillades.  Des émeutiers suivis de pillards défoncent les portes de son atelier du 13 rue Lafayette, pour s’emparer d’armes qu’il collectionnait sur des panoplies, mais et c’est là le drame, des pillards détruisent ou font main basse sur ses travaux. Quand il découvre l’atelier,  il ne reste que peu de choses de récupérable. Les murs qui étaient couverts de toiles sont maintenant dénudés.

Disparues les oeuvres, pastels ou huiles sur toile, qu’il n’avait pas voulu vendre parce qu’il les chérissait particulièrement. Envolés les dessins, les croquis, les esquisses, ces milliers de traces picturales qui étaient la mémoire de ses différents voyages. Le travail d’une vie de peintre, sur une vingtaine d’années, est parti en fumée. Découragé, il ne proposera aucune oeuvre aux salons de 1849 et de 1850. Son ami Gavarni, un des artistes les plus en vue de la place de Paris,  voyant son abattement, lui proposera un tour en Ecosse. « Ne trouvez-vous pas, dit le dessinateur au peintre, que le thermomètre monte bien haut ici et que les émanations de la fournaise nous auront vite desséchés, si nous n’avisons à nous en éloigner au plus tôt ? »

 

3  Des plaques émaillées de Michel Bouquet dans un Hôtel particulier, rue Saint-Lazare

Jules Noriac raconte dans le quotidien Le XIXème siècle du 30 janvier 1872 qu’il y avait autrefois rue Saint-Lazare, un grand hôtel style Louis XVI, qui faisait l’admiration de sa jeunesse.

« Il était habité par un vieux gentilhomme de la bonne roche, le Marquis de * , Grand seigneur fort original, comme on le verra par la suite. En elle-même cette splendide demeure n’avait rien de plus extraordinaire que tant d’autres, et pourtant nous ne pouvions passer devant sans nous arrêter, émerveillés. Nous restions quelquefois trois ou quatre minutes, dans l’espoir de voir la grande porte s’entrouvrir. Et lorsque cet événement banal arrivait, nos regards se portaient avec curiosité dans la grande cour, jusqu’au vestibule. À gauche était la loge de Suisse, un vrai suisse, en perruque et en chapeau à cornes, rasé avec soin et galonné de même.

A droite les écuries, les remises et la sellerie. Un monde de valets étrillaient de magnifiques chevaux, lavaient les voitures, polissaient les cuivreries dorées des harnais. Malgré tout cela, la cour était admirable de propreté, on eût dit qu’une fée avait procédé elle-même avec le plus grand soin à la toilette de chacun des pavés.

Un jour, le hasard nous permit d’entrer dans la splendide demeure. Tout était charmant, le salon était en vraie laque de Chine à relief d’or, presque aussi splendide que le salon de l’hôtel de Pontalbas, qui comme on sait, est le roi du genre. Les deux petits salons de tous les jours étaient du style Louis XVI le plus pur, c’est-à-dire l’élégance dans la simplicité. Les appartements étaient meublés avec un goût suivi, une distinction irréprochable. Au second étage, une immense salle, véritable musée, renfermait, délicieusement rangées, des armes de tous les temps et de tous les pays. On comprenait que le maître qui avait su réunir de pareils trésors était chasseur et avait été soldat. À chaque pas, on rencontrait une livrée nombreuse et discrète. Pas un bruit, pas un mot n’eût troublé le calme de cette aristocratique demeure, si de temps à autre des éclats de rire joyeux ne se fussent envolés du jardin comme une nuée de cigales.

Sous les grands arbres, la fille du marquis et ses amies, quoique grandes demoiselles, jouaient comme des enfants. Au fond de la grande allée, dans un petit bâtiment grec, le fils, l’héritier du nom faisait des armes avec de jeunes patriciens, ses camarades.

Il y a vingt ans de cela.

Un jour la jeune fille se maria. Le fils, en possession du bien de sa mère, se mit à mener la grande vie, c’est-à-dire à dissiper sa fortune. Pendant dix ans le père vécu seul, abandonné, et il pleura plus d’une fois sur sa postérité ingrate et oublieuse. Enfin un jour, fatigué de sa solitude, il se remaria.

Le second mariage est le Sedan des vieillards. À partir de ce jour, tout alla mal. La nouvelle femme, cupide, de basse extraction du reste, n’eut plus qu’un but, prendre tout l’argent possible pour elle au détriment des enfants. Elle vendit les armes, vendit l’argenterie, les bronzes. Les toiles d’Ingres, de Delacroix, de Meissonnier, de Decamps, et de tant d’autres arrivèrent à l’hôtel des ventes, en compagnie des admirables plaques de faïence émaillées de Michel Bouquet, les seuls chefs-d’œuvre que le temps ne puisse pas mordre. Aux choses d’art succédèrent les objets de curiosité et même une partie du mobilier.

Les biens ruraux furent aussi vendus et transformés en actions au porteur enfermées dans un coffre-fort. Madame armée d’une clé secrète, les comptait souvent, habituant ses mains crochues à les enlever, afin de n’être pas empruntées au dernier soupir du vieillard. Enfin le Marquis mourut.

Après six mois on mit l’hôtel en vente, le bel hôtel ! Hélas ! L’herbe croissait déjà entre les pavés de la cour. Cependant bien que la mise à prix fut portée à 800 000 Francs, il se présentait des acquéreurs qui offraient le million. Mais il fallait le feu des enchères. Les enfants étaient décidés à tout sacrifier pour que la marâtre n’eut pas la demeure de leur père. La marâtre fit un procès. Les enfants firent un procès à la marâtre. La vente fut reculée. Après trois ans, les procès vidés, le fils avait dévoré une grande partie de sa fortune. Sa sœur lui fit un procès, le frère fit un procès à sa sœur. Enfin après trois autres années, la vente de l’hôtel fut ordonnée. Les visiteurs affluèrent. Hélas que de changements ! La belle avait l’air d’un cloaque, les murs de l’hôtel étaient sales et décrépis, les cheminées en ruine. Le grand escalier avait ses marches ébréchées, sa rampe rouillée. Le beau salon de laque était écaillée, les dorures étaient noires, les rideaux effrangés. À 800 000 Francs, la mise à prix ne fut pas couverte. Remis en vente à 600 000 Francs, la guerre empêcha les acquéreurs de se présenter. Après la guerre, la défaite. Après la défaite, le siège. Après le siège, la capitulation. Après la capitulation, la commune. Après la commune, d’autres défaites, d’autres hontes.

Enfin, la semaine dernière, l’hôtel fut adjugé, non pas à la marâtre, qu’un bandit a ruiné ; non pas au fils qui s’est ruiné lui-même ; non pas à la fille qui ne pense plus à cela. L’hôtel a été adjugé pour 400 000 Francs à une compagnie de spéculateurs étrangers qui vont tout démolir et se partager le terrain, puis le vendre par parcelles. Notre vénérable maître Jacottot ou le fondateur de l’enseignement universel, a dit : « Tout est dans tout. » Comme il avait raison !

Depuis que nous avons assisté à la triste fin de cette demeure seigneuriale, nous avions envie de vous raconter cette histoire, parce qu’elle ressemble étrangement à une plus grande histoire que vous savez ( la défaite de 1870 contre les allemands et la perte de l’Alsace-Lorraine ) et dont le dénouement pourrait bien être le même, si les enfants de la grande famille n’y prennent garde. Jules Noriac, Le XIXème siècle, journal quotidien, politique et littéraire, 30 janvier 1872.

 

4 Le comte Werlé à Reims

Cette triste histoire nous montre que les oeuvres de Michel Bouquet étaient appréciées par la haute aristocratie la plus ancienne et la plus raffinée, comme la baronne Betty de Rotschild ou par la plus récente, le fils de Mathieu Werlé, Charles devenu comte de Werlé à Reims par son mariage avec une fille du duc de Montebello . Le père de ce dernier est à lui tout seul un exemple du self-made man du XIXe siècle comme on les aime tant aux Etats-Unis.

 

Mathieu Werlé

Anonyme, Portrait de Mathieu Werlé , s.d. © Assemblée nationale française

 

De son nom initial Mathieu Werlé, qui n’est pas français, grand, basané, les cheveux blonds, rares et bouclés, l’œil bleu, possédant la voix claire du commandement, ce Mathieu Werlé va réussir à gravir tous les échelons, depuis 1828 où il officie comme simple employé de commerce de la maison de vins de Champagne Veuve Cliquot-Ponsardin jusqu’à celle de dirigeant de la société en 1866 après l’avoir prodigieusement développée en l’ayant inscrite de plein pied dans la mondialisation en conquérant les marchés britanniques et américains. Naturalisé français dès 1831, il réussit le tour de force de devenir le président de la chambre de commerce de Reims, puis celui du très fermé Syndicat des vins de Champagne, enfin maire de Reims et député.

 

Hôtel particulier du comte de Werlé

Hôtel particulier du Marc, Reims © Veuve-Cliquot

 

Un autre type de capitaine d’industrie, celui des bulles, qui devait bien se reconnaître dans Michel Bouquet, le capitaine d’industrie de la picturalité. Sa fille épousera un financier. Les oeuvres du peintre sont encore possédées aujourd’hui par un autre capitaine d’industrie, celui des traders et de la finance, à Reims.

Sa femme devait également apprécier Michel Bouquet car ils avaient les mêmes inclinations pour l’aide aux plus déshérités  »  Mme Werlé était une femme très charitable et surtout très modeste, aimant à faire le bien sans ostentation et sans bruit. D’ un abord très facile et doux, elle ranimait toujours par des paroles bienveillantes les pauvres qui dans le besoin venaient lui demander assistance ; aussi était-elle aimée des classes indigentes, qu’elle secourait toujours de sa bourse. Le lendemain de sa mort, M. Werlé a donné au bureau de bienfaisance 2 000 fr. pour faire distribuer des vivres aux indigents. Il a également fait don de 100 000 fr. à la Maison de Retraite pour l’agrandissement de cet hospice des vieillards. » in Eugène Dupont, La vie rémoise,

Rappelons que toute sa vie Michel Bouquet a participé à des ventes de charité, et organisé des comités de soutien aux victimes de la vie, notamment en Bretagne, dans la région de Morlaix et de Roscoff.

 

5 La baronne Betty de Rothschild

Nous savons qu’elle a acheté des oeuvres de Michel Bouquet, mais pour l’instant nous n’avons aucun renseignement sur leur identité.

 

6 Marie Augustine Herard de Villiers, baronne de Moutons

Dans le sud de la région parisienne, Michel Bouquet soutient financièrement l’orphelinat Sainte-Hélène, un château donné aux sœurs de la Compagnie des Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul par Marie Augustine Herard de Villiers, batonne de Moutons. Ce domaine n’est pas sans épaisseur historique. Il a été construit par un avocat à la cour, Pierre-Nicolas Berryer qui a défendu le Maréchal Ney lors de son procès et qui devait ainsi être resté en relation avec la famille du duc de Montebello. Prise dans le tourbillon de l’essor financier et capitaliste des années 1830 en France, elle est rachetée par un agent de change parisien, époux de Marie-Augustine.

Le drame s’est abattu sur cette famille lorsqu’ils perdent leur unique fille, Hélène, décédée à l’âge de 10 ans. Puis ayant eu la douleur de perdre également son mari en 1861, elle en fait don à la condition que la propriété porte le nom de sa fille disparue, Hélène, et qu’elle soit consacrée aux jeunes filles pauvres, orphelines ou malades, ce qui sera le cas pendant plus d’un siècle. Sauf erreur, nous n’avons pas lu grand chose sur les grands-bourgeois impressionnistes au sujet des oeuvres créées par eux pour les pauvres et les déshérités de la vie.

 

 Asile et Maison de convalescence Sainte-Hélène, Epinay-sous-Sénart © Collection particulière

 

 Asile et Maison de convalescence Sainte-Hélène, Epinay-sous-Sénart © Collection particulière

 

Michel Bouquet participe régulièrement à L’Oeuvre des jeunes Convalescentes d’Epinay-sous-Sénart en offrant ses créations pour  une loterie destinée à améliorer la vie quotidienne des jeunes malades et les entourer d’un personnel soignant professionnel, dont les médecins de l’hôpital Sainte-Eugénie. En 1864, il donne ainsi un dessin au suif et plusieurs faïences au profit de cette oeuvre philanthropique. Il s’assure du concours d’autres artistes parmi ses amis et connaissances comme Louise Becq de Ferrières qui offre un pastel représentant une Tête d’enfant, le célèbre céramiste et faïencier Claudius Popelin à qui Théophile Gautier a consacré un de ses poèmes, une Sainte-Hélène, en émail, avec paillons, la faïencière Madame Bosset, une coupe en terre cuite de Leenhoff, un pot à tabac en terre émaillée de Francastel, une peinture sur lave d’une femme du monde ( l’auteur ayant requis l’anonymat), des cristaux et vitraux de Maes et Dubois-Mortelet. Dans cette même loterie  deux magnifiques vases de Sèvres sont offerts par le couple impérial, Napoléon III et sa femme Eugénie de Montijo.

 

7  Une plaque émaillée de Michel Bouquet dans le château de la Vieuville , Mayenne

Un exemple des univers dans lesquels évoluait de temps à autre Michel Bouquet

Le château

Château de la Vieuville, Mayenne © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

L’entrée et l’escalier principal

Château de la Vieuville, Mayenne © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

Le salon de musique

Château de la Vieuville, Mayenne © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

Le grand salon

Château de la Vieuville, Mayenne © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

Le grand salon

Château de la Vieuville, Mayenne © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

La salle à manger

Château de la Vieuville, Mayenne © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

 

Et, placé dans la chapelle, aux côtés de L’appel de Saint-Pierre de Tobias Verhaecht, 1561-1631, panneau de chêne en deux planches, 55x78cm, une oeuvre de Michel Bouquet. Une oeuvre qui facilitait l’appel à la contemplation mystique pour les propriétaires ? Ou bien une forme d’ex-voto, car cette oeuvre a été achetée dans le cadre d’une vente de bienfaisance.

Michel Bouquet, Les rochers dans la forêt, Faïence sur émail cru stannifère, 25,5 cm de diamètre, janvier 1881 © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

 

8 Des relations aristocratiques avec lesquelles il semble entretenir des liens d’amitié

Il avait l’habitude d’être reçu parfois pendant une durée assez longue, chez des connaissances qu’il qualifie d’amis. En témoigne une lettre du 11 mai 1865 écrite et signée par lui « Mon cher et aimable président, je suis désolé de ne pouvoir assister à notre réunion du 13 mai, arrivé d’hier de la campagne où j’ai passé une quinzaine chez un de mes bons amis, M. de Montigny. »

 

Michel Bouquet, Lettre du 11 mai 1865 © Institut National de l’Histoire de l’Art

 

Il fréquente le couple Aimé Napoléon Becq de Fouquières dont la seconde femme, Louise Becq de Fouquières, expose au Salon, ainsi que leurs enfants dont plus particulièrement leur fils Louis Il leur offrira deux dessins, dédicacés de manière charmante, à l’un et à l’une, née de Groiseillez.

Souvenir du 23 septembre 1873

Michel Bouquet, Souvenir du 23 septembre 1873, A Madame H. Becq de Fouquieres, Lavis et gouache, 12 x 20 cm, 1873 © Collection particulière

 

La femme d’Aimé, Louise Becq de Fouquières, 1824 – 1891, est issue d’une famille d’artistes et hauts fonctionnaires. Elle a notamment dessiné au pastel en 1869 un portrait de jeune bretonne fouesnantaise, de toute beauté. Un ascendant a été auditeur au Conseil d’Etat, un autre Prix de Rome en 1815.

 

Louise Marie Becq de Fouquières, Jeune femme bretonne de Fouesnant, Pastel, 47 x 37 cm, 1869 © vente Stephen Ongpin Fine Arts, 2018

 

Son frère Alfred Dedreux est peintre portraitiste et animalier, surtout du cheval, et apprécié pour cette raison par les aristocraties française et anglaise ; il suivra Louis- Philippe en exil en Angleterre. Napoléon III dont il fera un portrait à cheval était un de ses soutiens inconditionnels. Le réseau relationnel de Michel Bouquet s’inscrit dans la logique de ses rencontres successives, au plus haut niveau.

 

 

 

 

 

 

Robert Jefferson Bingham, Portrait d’Alfred de Dreux, Célébrités du XIXe siècle, Photographie positive sur papier albuminé, d’après un négatif sur verre au collodion, 9x7cm, entre 1860 et 1875 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Alfred de Dreux, Visite de S. M. Louis Philippe, à S. M. la Reine Victoria, au Château de Windsor, Octobre 1844. A Scene in Windsor-Park, lithographie en camaïeu, épreuve partiellement coloriée, 42,9 x 57,7 cm, 1844 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Enfant, Alfred de Dreux a été portraituré par Géricault, un ami de la famille. Quant au mari d’Hélène, Louis Becq de Fouquières, il exerce la profession d’homme de lettres, un milieu que Michel Bouquet fréquentait également. Louis est un spécialiste de la poésie française des XVIe et XVIIe siècles, notamment Ronsard, du Bellay, Chénier et l’auteur d’une étude sur Aspasie de Milet, la compagne de Périclès.

 

Dédicace

Michel Bouquet, Souvenir du 23 septembre 1873, A Madame H. Becq de Fouquieres, Lavis et gouache, 12x20cm, 1873 © Collection particulière

 

9 Des relations aristocratiques avec lesquelles il semble entretenir des liens de clientèle

Il vend un dessin à la nièce de la comtesse de Tonquédec, Côtes d’Armor. La lettre ci-dessous en fait mention.

 

Michel Bouquet, Lettre concernant Mlle de Souspirou, s.d. © Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Ms 3061, f. 190

 

Michel Bouquet, Lettre concernant Mlle de Souspirou, s.d. © Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Ms 3061, f. 190

 

Le château de Tonquédec, chef-d’oeuvre d’art militaire du Moyen-Age est situé à une dizaine de kilomètres au sud de Lannion. Victorine de Souspiron dont il est question dans cette lettre, nièce de la comtesse de Tonquédec, a hérité de ce château en ruines.

N’ayant pas les moyens de l’entretenir ou de le réhabiliter, elle le vendra en 1879 à un marchand de biens qui envisageait de l’exploiter comme une carrière de pierres. Finalement le projet n’aboutit pas et le château est racheté par un marquis. Nous ne savons pas si le dessin du château de Tonquédec réalisé par Michel Bouquet est antérieur ou postérieur à cette vente. Par la mention de l’adresse nous savons qu’il est postérieur à 1870. Nous savons également qu’il a exécuté, dans une gamme de gris bleutés, une magnifique huile sur toile de ce même château.

 

Michel Bouquet, Le château de Tonquedec, Côtes d’Armor, Huile sur toile, s.d. © Collection particulière

 

10 Des relations avec le duc d’Aumale, descendant du Grand Condé, longtemps célèbre exilé

Henri d’Orléans, duc d’Aumale,  cinquième et avant-dernier fils du roi Louis-Philippe, plusieurs fois cité par Proust dans A la recherche du temps perdu lui achète ce paysage

Michel Bouquet, Paysannes avec un troupeau de vaches, carton, peinture à l’huile, 39x62cm,  1886 © Musée Condé, Chantilly

 

Le château de Chantilly

Château de Chantilly © http://www.survoldefrance.fr, Photographie Vincent Tournaire

 

Michel Bouquet lui offre également un cadeau tout à fait original. Il s’agit d’un alguier, c’est-à-dire un herbier de mer composé de véritables spécimens d’algues apposés sur le papier. Ce curieux ouvrage de 102 feuillets s’intitule Plantes marines, Souvenirs des côtes de Normandie et de Bretagne , 313 x 235mm, Armes d’Orléans sur le titre, reliure chagrin bleu fleurdelysé, et il figure toujours dans la Bibliothèque de Condé.

 

Bibliothèque de Condé et archives du château de Chantilly

Archives et bibliothèque © www.institut-de-france.fr

 

11 La fréquentation des salons mondains parisiens

Michel Bouquet fréquentait les salons de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie. En 1884 Jules Noriac, Paris tel qu’il est, Calmann-Levy, 1884. p. 277 raconte une anecdote à ce sujet :

 » Qui disait donc, je vous prie, que l’esprit se perdait en France ? Michel Bouquet, le peintre que vous savez, est un artiste de grande valeur, fort estimé de ses confrères. Ces admirables plaques peintes sur émail cru lui ont valu une réputation universelle. L’Angleterre le flatte, l’Amérique lui sourit, la Russie lui fait des avances et la Hollande l’adopterait volontiers. Un autre homme s’en tiendrait là et se trouverait satisfait. Et bien non, Michel Bouquet ne se contente pas pour si peu. Le soir, le peintre disparaît pour faire place à un philosophe aimable, un conteur charmant. Il nous racontait hier un mot adorable de finesse, jugez-en :

« Je causais avec une dame du monde, nous disait-il, et je lui demandai : « Voyons, vous qui avez toutes les grâces, infiniment d’esprit et une grande fortune, c’est-à-dire vous qui avez dû goûter à toutes les joies et tous les bonheurs inimaginables, dites-moi, je vous prie quel est selon vous le plus beau jour de la vie ? La dame réfléchit..

Le plus beau jour de la vie ? Fit-elle

oui…

c’est la veille. »

Une oeuvre de Jean Béraud, invité avec Michel Bouquet pour un dîner intime organisé lors de la remise de la légion d’honneur à Alphonse de Neuville le 10 mars 1882

Jean Béraud, La soirée, Autour du piano, vers 1880, huile sur toile, 35 x 27 cm © images-art.fr

 

Peut-être fréquentait-il aussi le salon de la demi-mondaine Jeanne de Tourbey, future comtesse de Loynes, une femme absolument magnifique, qui après avoir ruiné deux énormes fortunes sur la place parisienne était depuis 1858 la maîtresse en titre du Prince Napoléon, Napoléon Joseph Charles Bonaparte dit Plon Plon, fils du roi de Westphalie Jérôme Bonaparte, frère de l’empereur Napoléon Ier et à ce titre cousin de l’empereur Napoléon III.

 

La sublime Jeanne de Tourbey, Comtesse de Loynes

Eugène Emmanuel Amaury-Duval, Jeanne de Tourbey, Comtesse de Loynes,  Huile sur toile, 100 x 83cm, 1862 © images-art.fr, Musée d’orsay

 

Jeanne de Tourbey  vivait au 28 rue de l’Arcade, à moins de 800 mètres de l’appartement de l’artiste et y recevait exclusivement des hommes, souvent de Lettres, dont Ernest Renan, Théophile Gautier, que Michel Bouquet connaissait personnellement. Quant au Prince Napoléon, Michel Bouquet avait exécuté  en 1861 une commande impériale d’un épisode historique concernant son père Jérôme Bonaparte, intitulée Le vaisseau le Vétéran commandé par S.A.I. Le prince Jérôme entre dans la baie de Concarneau le 25 août 1806, Huile sur toile, 82x117cm, Salon de 1861, n° 367 du livret du Salon, dont Napoléon III en personne fera cadeau au Musée de Brest. Les affinités de Michel Bouquet avec la maison impériale étaient plus qu’électives.

A ce titre, il est fort probable qu’il ait également fréquenté  le salon de la princesse Mathilde, fille du roi de Westphalie Jérôme Bonaparte, et donc soeur du Prince Napoléon, qui recevait une fois par semaine dans ses hôtels particuliers successifs – au 10 rue de Courcelles de 1849 à 1857, puis au 24 de 1857 à 1870 et enfin au 20 rue de Berri  à partir de 1871 – bon nombre des amis de Bouquet, dans le domaine des Lettres le mercredi, dont Ernest Renan, et dans le domaine des Arts le vendredi, dont Gustave Doré, qui faisait partie du même cénacle que Bouquet, celui du café de la Rochefoucaud, ainsi que Gavarni, dont Michel Bouquet était très proche, puisqu’ils avaient fait tous deux un long voyage en Ecosse en 1848.

La princesse Mathilde Bonaparte

Atelier Nadar, Princesse Mathilde Bonaparte, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre ; 8,5 x 5,8 cm, s.d. © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

En outre, depuis 1846 et jusqu’en 1869 – près de 25 ans quand même – la princesse Mathilde a été la maîtresse d’Émilien de Nieuwerkerke, intendant des beaux-arts de la Maison de l’empereur, et à ce titre responsable des commandes de tableaux, sculptures et gravures sur les fonds de la liste civile, le monde est petit…

Le comte Émilien de Nieuwerkerke

Anonyme, Comte Emilen de Nieuwerkerke, Portraits d’artistes et de compositeurs, Photographie positive sur papier albuminé d’après des négatifs sur verre au collodion, format carte de visite, 1875 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Eugène Giraud, Comte Emilen de Nieuwerkerke, Les soirées du Louvre, Aquarelle, 51×37 cm, 1851-1870  © Source gallica.bnf.fr / BnF

Argument supplémentaire, la princesse Marie Cantacuzène – d’origine roumaine, dont la Moldavie et la Valachie, un pays où l’artiste était resté un an – venait souvent, et Michel Bouquet partageait au 77 rue Pigalle les mêmes ateliers que son amant pendant 40 ans, avant de devenir son époux, Puvis de Chavannes.

 

Le salon de conversation de la princesse Mathilde

Auguste Anastasi, Réception de S. A. I. la Princesse Mathilde, Le salon de conversation, Gravure sur bois, 22,1×31,3 cm, L’Illustration, 1867 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

« Au commencement des soirées, les conversations s’établissaient dans les groupes qui se forment et se transforment de minute en minute, d’un salon à un autre salon, à mesure que l’on voit arriver un ami ou une notabilité. Puis lorsque la princesse Mathilde a accueilli tous ses invités avec cette grâce parfaite qui lui est naturelle, que Son Altesse a complimenté celui-ci de son dernier ouvrage, causé avec celui-là de la pièce en succès au théâtre, et pris part aux conversations les plus intéressantes avec l’entrain et la supériorité de son esprit, on vient donner le signal de la partie musicale. »  Félix Savard, Soirées de S.A.I. la princesse Mathilde , Revue artistique et littéraire, Paris, 5 rue de Bréa, 1863, Tome V, p 87

Salons de la princesse Matilde, Concert dans la grande serre

Cosson Smeeton, Réception de la Princesse Mathilde, Concert dans la grande serre, Gravure sur bois ; 22,3×31,4 cm, L’Illustration, 1867 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

12 Etre membre d’un cercle très fermé : le Cercle des Arts

Toutes ces relations trouvent pour partie leur explication par l’appartenance de Michel Bouquet  au Cercle des Arts en 1836 – il est âgé de 29 ans – alors qu’il habitait rue Tronchot. Un cercle présidé par le comte de Lariboisière, assisté de Mérimée en personne.

 

Prosper Mérimée

Nadar, Caricature de Prosper Mérimée, Dessin au fusain rehaussé de gouache, sur papier brun, 22,8 x 15,4 cm © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Prosper Mérimée, Georges Bizet, Carmen, Eau-forte en couleurs, 19 x 13,5 cm © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Le Cercle des arts est non seulement une réunion d’artistes peintres, mais aussi de gens de lettres et d’amateurs d’art. Michel Bouquet a toujours adoré fréquenter tous les milieux artistiques, et pas seulement ceux de la peinture.

Situé au 12 rue de Choiseul dans un splendide immeuble en pierre de taille, ce cercle était ouvert tous les jours de 10h du matin à une heure après minuit. Le nombre des membres était fixé à 400 en 1841, de quoi faire des rencontres amicales ou utiles, c’est selon.

 

12 rue de Choiseul, Paris © Google

 

L’admission y était soumise à l’accord d’au moins 25 membres, quinze jours après présentation de l’impétrant par deux parrains. Entrer dans ce cercle sous-entendait donc détenir avant même que d’y espérer mettre les pieds un réseau relationnel et d’estime déjà conséquent. La cotisation, payable à l’avance était fixée à 100 francs, soit trois mois de salaire d’un ouvrier.

Les pièces de réception étaient décorées d’oeuvres des membres. Le Cercle disposait d’un salon de lecture avec livres et journaux, et de salles de jeux, à l’exclusion des jeux d’argent. Tous les soirs il y avait la possibilité de dîner, pour 6 francs, à 18 heures précises, par tables de 12 personnes.

Le Cercle se protégeait des comportements inconvenants et des éléments extérieurs non reconnus. Les membres devaient laisser dans l’antichambre les redingotes, manteaux, cannes et les parapluies, etc. Il était permis de fumer dans une seule salle seulement, avec une interdiction absolue dans les espaces réservés aux dîners.

Lors des réunions générales de conversation, le membre devait se faire annoncer par une des personnes de service. Tout étranger qui demandait un membre du cercle ne pouvait être reçu que dans le premier salon. Toute discussion politique était interdite.

En faisaient partie en 1841 pour les peintres : outre Michel Bouquet,

le paysagiste Théodore d’Alligny, neuf ans de plus que Michel Bouquet, peintre de Barbizon et de Marlotte comme Michel Bouquet, dont le dessin ci-dessous est un très beau témoignage de la conservation du mausolée dédiée à une famille gauloise romanisée de Saint-Remy de Provence (Glanum) sous Auguste, vers 30 avant J.C.

Théodore Caruelle d’Aligny, Mausolée de Saint-Remy de Provence, Dessin à la plume et lavis à l’encre brune, 28,5×44,5 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

Aimé Napoléon Victor Becq de Fouquières, quatre ans de moins que Michel Bouquet, avait épousé la soeur du peintre animalier Alfred de Dreux, voir ci-dessus. Leur très longue amitié commence certainement ici. Elle durera de 1841 à 1880, date de la mort d’Aimé.

Le paysagiste Edouard Bertin, dont le père a été à jamais immortalisé par Ingres,  dix ans de plus que Michel Bouquet, élève de Girodet et d’Ingres, inspecteur des Beaux-arts depuis 8 ans, un paysagiste avec lequel, même si Bertin était un peu bourru, Michel Bouquet devait échanger fructueusement. Le second revenait d’un périple autour de la méditerranée tandis que le premier s’apprêtait à suivre le même parcours dans les années suivantes. mais au contraire de Bouquet qui n’aimait tant que la douceur des côteaux, la quiétude des petits vallons, les arbres légèrement ondulants sous la brise, Bertin n’avait de goût que pour les arborescences tourmentées, les ravinements sauvages et âpres, les précipices qui exerçaient sur lui une attraction irrésistible.

Pierre-Louis Delaval, Portrait d’Edouard Bertin, Huile sur toile, 66 x 54 cm, 1815 © Vente, lot 90, Sotheby’s Paris, 21 juin 2012 ; Atelier Nadar, Edouard Bertin, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 8,5 x 6 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Edouard Bertin, Vue des carrières de la Cervara, environs de Rome, Huile sur toile, 180 x 150 cm, s.d. © Musée de Carcassonne

 

Eugène Cicéri, six ans de moins que Michel Bouquet, neveu du peintre Eugène Isabey, portraitiste de la duchesse de Montebello, un ami de Michel Bouquet, qui lui apprendra l’art de la lithographie lors de l’édition de l’Album Valaque, Vues et costumes pit­toresques de la Valachie dessinés d’après nature Paris, Goupil et Vibert en 1843

 

Giraud, Portrait d’Eugène Cicéri, images-art.fr, Le Louvre ; Eugène Cicéri, Vieux château de Brest, Finistère, Dessin à la mine de plomb et rehauts de craie blanche sur papier beige, 27,3×39,4 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Eugène Cicéri, Carnac, Lithographie 40 x 31 cm, 1845 © Collection particulière

 

Léon Coignet, treize ans de plus que Michel Bouquet, prix de Rome 1817, un ami de Géricault, dont Michel Bouquet a conservé deux dessins de ce dernier jusqu’à sa mort, aujourd’hui au Musée municipal de Lorient. Il est l’auteur d’un magnifique portrait d’Etna Michallon, un paysagiste extraordinaire malheureusement mort à l’âge de 25 ans,  et de l’immortelle Scène de Juillet 1830 ou Les Drapeaux en 1830.

Léon Cogniet, Autoportrait, Huile sur toile, 60,1 x 50,4 cm, 1817, Orléans, Musée des Beaux-Arts © François Lauginie ; Léon Cogniet, Pièce allégorique sur les différents drapeaux de la France, Lithographie, 29 juillet 1830 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Jules Coignet, neuf ans de plus que Michel Bouquet, élève du paysagiste Victor-Bertin,

 

Anonyme, Portrait de Jules Coignet, Gravure, s.d. © White Images / Scala, Florence ; Jules Coignet, Ruines de Baalbeck, Huile sur toile, 94 x 160 cm, 1846 © Musée des Augustins, Toulouse ; Jules Coignet, Le chêne au dolmen dans la forêt de Brocéliande, Huile sur toile, 55 x 45 cm, 1836 © Musée des Beaux-arts de Quimper

 

Morel-Fatio, trois ans de moins que Michel Bouquet,  compère de la peinture à l’hectare mise en oeuvre par Théodore Gudin au château de Versailles entre 1836 et 1839

Atelier Nadar, Portrait de Morel-Fatio, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 8,5×5,8 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; E. Giraud, Morel-Fatio, Les Soirées du Louvre, Aquarelle, 47,4 x 35,8 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Morel-Fatio, Attaque du Fort de Hango (Finlande) par les vapeurs anglais, Dragon et Magicienne, 22 mai 1854, Lithographie en couleur, 19×27,8 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Adolphe Couveley, cinq ans de plus que Michel Bouquet, l’autre galérien des travaux forcés de Versailles qui vont assurer à tous trois leur carrière

Dantan Jeune, Adolphe Couveley, Sculpture, H. 22 cm, 1844 © images-art.fr ; Adolphe Couveley, La danse des paysans bretons, Aquarelle, 1836 © Musée du Havre

 

Adrien Dauzats, trois ans de plus, lié à Michel Bouquet par une amitié qui ne se démentira jamais

Emile Lassale, Dauzats, Lithographie, 25×18 cm, L’artiste s.d. © INHA ; Atelier Nadar, Dauzats, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 22,3×16,2 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Nadar, Caricature de Dauzats, Dessin rehaussé de gouache, sur papier brun, 23,3×14,9 cm, après 1850 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Adrien Dauzats, Vue des alignements de carnac, Lithographie, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, par MM. Ch. Nodier, J. Taylor et Alph. de Cailleux, 1845 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Paul Delaroche, dix ans de plus que Michel Bouquet, un portraitiste prodigieux

Neurdein, Paul Delaroche, Photographie sur plaque de verre, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Paul Delaroche, Portrait d’Henriette Sonntag, Huile sur toile, 73x60cm, 1831 © Musée de l’Hermitage, Saint-Petersbourg

 

Amaury-Duval, un an de moins que Michel Bouquet, auteur d’un portrait de Brizeux en 1833 et d’un dessin de femme nue, genre que Michel Bouquet ne dédaignait pas de collectionner

Atelier de Nadar, Portrait du peintre Amaury-Duval, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 20 x 12,5 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Amaury-Duval, Portrait de Brizeux, estampe, 12x8cm, Texte de Philippe Busoni, l’associé de Brizeux, Extrait d’un Journal, 1833 © Bibliothèque de Bordeaux, Source gallica.bnf.fr / BnF ; Amaury-Duval, Femme nue allongée, Gravure de Dansel d’après le tableau d’Amaury-Duval, s.d.  © Bibliothèque de Bordeaux, Source gallica.bnf.fr / BnF

 

le peintre orientaliste Prosper Marilhat, quatre ans de moins que Michel Bouquet, mais aussi comme tous les autres un peintre soumis aux commandes officielles du pouvoir, en l’occurrence ici, royal et dont le talent éclate dans les tons ocres qu’il affectionne particulièrement

Anonyme, Portrait de Marilhat, Lithographie,21 x 17 cm, s.d. © INHA ; Prosper Marilhat, Louis-Philippe et la reine Victoria en promenade aux environs du chateau d’Eu, 6 septembre 1843, Estampe, 14,8×25,8 cm © Source gallica.bnf.fr / BnF; Prosper Marilhat, Vue de Villeneuve-Les-Avignon, Huile sur toile, 39 x 55 cm, 1836 © Musée des Beaux-arts de Reims

 

Horace Vernet, auprès de qui il peut quérir des conseils pour l’approche des troncs tourmentés

Henri Brod, Portrait d’ Horace Vernet, Lithographie, 31 x 24 cm, 1835 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Horace Vernet, La chasse dans les marais pontins, Huile sur toile, 100x137cm, 1833, National Gallery of Art, Washington

 

le statuaire François Rude, sculpteur du Départ des volontaires de l’Arc de triomphe

Sophie Rude, Portrait de François Rude, Huile sur toile, 100 x 81 cm, s.d. © Musée des Beaux-arts de Dijon ; François Rude, Génie féminin jouant du triangle, Dessin, Projet de décor pour le Palais du roi Guillaume à Bruxelles, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

les écrivains : Paul Beyle, consul de France à Civita-Vecchia, c’est-à-dire Stendhal, célèbre depuis un an après l’article élogieux de Balzac sur sa Chartreuse de Parme, et auteur d’un ouvrage non encore publié en 1841, soit un an avant sa mort, Lucien Leuwen déjà rédigé sous forme de manuscrit depuis 1834, publié seulement 60 ans après en 1894, et qui n’est que la description romanesque de la vie d’un ami très proche de Michel Bouquet : le duc de Montebello cité plus haut.

Stendhal, un écrivain pleinement engagé dans les débats littéraires autour du romantisme

Atelier Nadar, Stendhal (Paul Beyle), Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 8,5x 5,8cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF ;  Stendhal, Racine et Shakspeare, n° II, ou Réponse au manifeste contre le romantisme prononcé par M. Auger dans une séance solennelle de l’Institut, Dupont et Roret, Paris, 1825, 104p. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

l’inspecteur général des monuments historiques Prosper Mérimée

Anonyme, Prosper Mérimée, Lithographie, 24×18 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

le pianiste Chopin

George Sand, Dessin attribué à, Portrait de Chopin, Daguerréotype, 9 x 7 cm, vers 1850 © images-art.fr, Musée d’Orsay

 

le directeur de l’académie royale de musique Duponchel, Charles Sauvageot, l’archéologue Bonar

un artiste sociétaire de la Comédie française, Provost

des pairs de France dont le comte Boissy d’Anglas

des banquiers, des inspecteurs des finances, des agents de change, des notaires, des membres de l’Institut comme Adrien de Jussieu, Lacretelle, des auditeurs au Conseil d’Etat comme Legrand de Villers, des juges, de très nombreux avocats

des militaires, un général de brigade, des colonels, des chefs d’escadron comme Chomel, le maréchal de camp Corbet, Penguilly L’Haridon, officier d’artillerie, une connaissance de Michel Bouquet depuis la Société philomatique de Lorient et qui collectionnait les oeuvres d’un ami intime !de Michel Bouquet, Gavarni

des architectes, Caubert, des ingénieurs des Ponts et chaussées, le directeur du chemin de fer d’Orléans Casimir Leconte, des négociants

des médecins comme le docteur Cabarrus, fils d’une femme au destin hors-normes qui a traversé toute l’histoire révolutionnaire, maîtresse, puis femme de Tallien, appelée successivement Notre-Dame de Bon Secours, puis Notre-Dame de Thermidor, maîtresse de Barras, puis maîtresse du banquier Ouvrard, dont elle aura un fils, le docteur Jules Tallien de Cabarrus

le docteur Bixio, qui allait connaître une carrière politique de premier plan lors de la révolution de 1848

le docteur Royer-Collard, agrégé de médecine, nommé membre de l’Académie de médecine l’année suivante

des aristocrates : le comte de Moras, le marquis du Bouzet, le duc de Crussol, le duc de Luynes, plusieurs barons dont le baron des Azars,

Amédée de Gréhan, le fondateur de la célèbre Revue maritime et sous-chef au ministère de la marine, revue dans laquelle Michel Bouquet fera paraître ses gravures sur Port-Louis, Istanbul

le comte d’Houdetot, préfet, pair de France, membre de l’Académie libre des Beaux-arts

Alfred de Montebello, c’est peut-être dans ce Cercle des Arts que Michel Bouquet fait sa connaissance, et avec lequel il entretiendra une amitié durable jusqu’à sa mort

Lord Henry Seymour, célèbre dandy, fondateur du Jockey Club, promoteur des sports équestres

le baron et banquier James de Rothschild, fondateur de la branche de Paris de la famille Rothschild

Un carnet d’adresses que Michel Bouquet saura entretenir et faire fructifier.

 

13 Les soirées du Louvre chez le comte de Nieuwerkerke

Quelques appartements luxueux du Louvre sont mis à la disposition de l’amant de la princesse Mathilde, le surintendant des Beaux-arts de 1852 à 1870, le comte de Nieuwerkerke. Dans ce cadre somptueux, dans lequel ont séjourné nombre de rois de France, de Nieuwerkerke invitait tous les vendredis tout ce qui comptait sur la scène artistique et sociale de Paris, une seule invitation valant invitation pour l’année. On rencontrait dans ces soirées, où l’on était physiquement introduit par le concierge Hénault dévolu à cette charge,

Eugène Giraud, Le concierge Hénault accueillant les invités, Aquarelle, 51,4 x 37,2 cm, Les soirées du Louvre, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

des hommes de lettres, des artistes, des hauts fonctionnaires, des banquiers, des diplomates, des roturiers ou des aristocrates, milieux que Michel Bouquet adorait fréquenter. Il existe un tableau de François Biard représentant une de ces soirées, Musée du Louvre, mais l’artiste n’a représenté que 80 personnes.

Or entre deux cents et quatre cents personnes pouvaient y être invités dans la même soirée. Comme toujours l’échantillon présenté par François Biard se limite aux personnalités qui sont à même d’augmenter au maximum le prestige de celui qui invite, le comte de Nieuwerkerke. Il en est de même pour la série d’images humoristiques présentées par le peintre Eugène Giraud.

Même si nous ne disposons pas d’une image ou d’un texte qui prouverait la présence de Michel Bouquet à ces soirées, il paraît inconcevable qu’il n’y fût pas invité. Nombre de ses protecteurs comme le général Magnan, de ses connaissances comme Dumas père ou fils, Théophile Gautier, Sainte-Beuve, Prosper Mérimée ou même de ses amis comme Morel-Fatio, Eugène Cicéri ou Ernest Renan y sont présents. En outre aucune commande impériale ne se fait sans l’intervention du maître des lieux, le comte de Nieuwerkerke, nommé par Napoléon III décideur tout-puissant de tout ce qui touche aux Beaux-arts en France. Or Michel Bouquet a fait l’objet de deux commandes impériales officielles.

Michel Bouquet, qui peut très bien être l’anonyme ci-dessous, pouvait y rencontrer

Alexandre Dumas père à qui il a offert en 1854 un pastel ;  le général Magnan un de ses protecteurs

Théophile Gautier qui a découvert ses pastels dans le sérail de Constantinople et a souvent fait des commentaires élogieux de ses oeuvres, notamment dans le Salon de 1847 « Dans son pacage en Normandie, Michel Bouquet n’a pas reculé devant les verts, et c’est beau à lui, qui a voyagé  dans les pays du soleil et trempé son pinceau dans cette poudre d’or de l’atmosphère orientale : il a compris que de l’herbe saturée d’eau, que des feuillages baignés des vapeurs humides, ne pouvaient avoir l’ardeur fauve des broussailles sèches et de spalmiers d’El-Kantara.Il s’est résigné à des tons moins incendiaires, gardant son feu pour la Vue prise aux environs de Palerme ».

Gérôme, le gendre du marchand Goupil chez qui Michel Bouquet exposait, Goupil et Jérôme mangeant le soir au café de La Rochefoucaud, où Michel Bouquet en voisin immédiat se rendait très souvent

Isabey, qui a une aussi longue carrière que la sienne

le peintre Wappers, qui partage les mêmes ateliers que Michel Bouquet, idem pour le peintre Pils

Penguilly L’Haridon qu’il connaît depuis ses débuts à la Société philotechnique de Lorient

Et l’occasion pour lui de côtoyer les très célèbres : Flaubert, Delacroix

Cabanel, Amaury-Duval qu’il retrouve au Cercle des Arts

Horace Vernet qu’il a également connu au Cercle des Arts

Gustave Doré, un ami, qu’il rencontre très souvent dans la Société de la Roche

Viollet-le-Duc, Théophile Gautier un autre soir, en grand équipage

 

Dumas fils, qu’il connaît également

Sainte-Beuve

Eugène Cicéri, l’ami avec lequel il a réalisé l’Album Valaque en 1843

Le tout-puissant comte de Nieuwerkerke qui fait et défait les carrières artistiques…

Eugène Giraud, Les soirées du Louvre, Aquarelles, 51,4 x 37,2 cm, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

 

14 L’aristocratie ottomane : être accroché aux murs du sérail  du Sultan de Constantinople : la description de Théophile Gautier

 

Théophile Gautier, Constantinople, Paris, 1856 © Source gallica.bnf.fr / BnF

Théophile Gautier, Constantinople, Paris, 1856 © Source gallica.bnf.fr / BnF

Théophile Gautier, Constantinople, Paris, 1856 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Dans la Revue de l’Orient, de l’Algérie et des colonies parue en 1849, nous apprenons par un autre visiteur que le sérail  contient deux meubles splendides, de larges fauteuils couverts d’une soie bleue et brodée de feuilles de vigne d’or et d’argent, fabriqués à Lyon et offerts par Louis-Philippe en cadeau au sultan Abdul-Medjid, sultan de la Sublime Porte de 1839, année où Michel Bouquet débarque dans l’empire ottoman, à 1861.

 

Jean Portet ou Sebuh et Ruben Manas, Portrait du sultan Abdul-Medjid Ier, huile sur toile, 81x60cm, vers 1850, s.d.© Pera Museum, Istanbul

 

Dans tout le sérail on ne voit selon ce témoin que deux tableaux, d’un artiste français, Michel Bouquet et représentant, l’un Le port de Bucarest et l’autre une Vue de Constantinople, prise de la Tour de la Jeune Fille. Ils s’accrochent auprès de la porte d’un cabinet qui renferme d’incalculables richesses. Chaque sultan est tenu, à sa mort, de laisser au sérail des objets qui lui ont servi pendant sa vie et c’est là que sont gardés ces legs précieux.

Doit-on en déduire que Michel Bouquet aurait accompagné l’envoi et la réception des meubles de Louis-Philippe, acheteur d’un de ses tableaux, pour le sultan ? Comme Michel Bouquet était rentré directement en France par le Danube après son séjour en Moldavie-Valachie, et donc après avoir vu Bucarest, il faut penser que ces deux oeuvres au pastel, faites après coup en France, ont été envoyées par le Roi Louis-Philippe entre 1841 et 1848 comme cadeau accompagnant les deux meubles.

 

14 L’aristocratie moldo-valaque

 

 14.1  Participer à leurs chasses et à leurs montres militaires

Chasse à l’ours, Michel Bouquet dans la pente avec les chasseurs, carton à dessiner en main

Michel Bouquet, Chasse à l’ours en Moldavie, crayon, lavis et rehauts de blanc © Bibliothèque Centrale Universitaire Lucian Blaga, Cluj, Roumanie

 

Michel Bouquet, Officiers et soldats valaques, Jassy, L’Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Michel Bouquet, Officiers et soldats valaques sur les bords du Pruth, L’illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Et en couleur, comme il aime à le décliner

Michel Bouquet, Officiers et soldats valaques sur les bords du Pruth, L’ Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

14.2  Honorer les monuments de l’histoire religieuse de l’aristocratie moldo-valaque

 

Michel Bouquet, Vue du monastère d’Argis, Lithographie, 25x44cm, Album valaque, 1843

 

Michel Bouquet, Dans la cour du monastère de Kimpo-Longo, Lithographie, 25x44cm, Album valaque, 1843

 

 

Michel Bouquet, Vue de Saint-Georghe Nou à Bucarest, L’Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Croix orthodoxe dans la steppe

Michel Bouquet, La steppe, L’Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Michel Bouquet, Monastère de Niamzo, L’Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Michel Bouquet, Monastère de Néamt, Pierre noire et rehauts de blanc, dessin original © Bibliothèque Centrale Universitaire Lucian Blaga, Cluj, Roumanie

 

14.3 Honorer les monuments de l’ histoire politique des principautés moldo-valaques

Epoque romaine

Michel Bouquet, Restes de la tour Séverin et du pont Trajan sur le Danube, gravure sur acier colorisée, 1848 © Collection particulière

 

Moyen-Age

Michel Bouquet, Forteresse de Niamzo, L’Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Michel Bouquet, Ruines du fort de Saint-Georges à Giurgevo, L’Illustration, 1848 © Bibliothèque bretonne, Abbaye de Landévennec

 

Michel Bouquet, Vue des ruines près du monastère d’Argis, Lithographie, 25 x 44 cm, détail, 1843

 

14 Séduire les aristocraties anglaise et écossaise

Par quels moyens ? En prenant pour motifs leurs châteaux ou des faits marquants de leur histoire

 

 Les lieux de mémoire aristocratiques représentés par Michel Bouquet en Ecosse

 

Le château de la reine d’Angleterre, Balmoral

Michel Bouquet, Le château de Balmoral, Aquarelle, 25x36cm, sd, © Collection particulière

 

Les châteaux habités par la famille royale des Stuarts

 

© Médiathèques de Quimper Bretagne Occidentale

 

Les châteaux abandonnés

© Médiathèques de Quimper Bretagne Occidentale

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Des faits historiques marquants de l’histoire écossaise

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Les ruines d’Iona, symbole du pouvoir religieux aristocratique irlandais, écossais et anglais jusqu’au XVIIe siècle

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La fuite de la reine Marie Stuart

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Michel Bouquet, The Tourist’s Ramble in the Highlands,  London, Paris, circa 1850 © Médiathèques de Quimper Bretagne Occidentale

On peut prendre quelques exemples de dames illustres ; en 1883, la veuve Marmontel vend à Paris une aquarelle, Paysage au bord de l’eau, pour trente francs . En 1895 la veuve Goldschmidt vend deux oeuvres ; L’Etang et L’automne au bord de l’eau, deux peintures sur faïence pour 70 Francs chaque. Et enfin la veuve Moreau-Nelaton vend pour 350 francs une autre faïence Le repos dans la forêt. Mais qu’est-ce donc  que cette peinture sur faïence ?

En tout cas face à la concurrence technique qui explose en matière de peinture à l’huile, et surtout dans son domaine de prédilection qui est la représentation picturale du paysage, Michel Bouquet tente de créer un nouveau marché en utilisant la technique du pastel,  renouant en cela avec la grande tradition des pastels paysagers du XVIIIe siècle.

Bouquet 13 Les réseaux relationnels : l’aristocratie et la vie mondaine