Le Haut-Brambien en Pluherlin : un exemple de destruction d’un site mégalithique ?
Joseph Mahé est un personnage qui ne laisse pas indifférent en raison de son esprit de curiosité insatiable. L’une de ses passions a porté sur les Galgals (1), Peulvans, Témènes ou Lichavens que nos contemporains regroupent sous le vocable plus générique de monuments de la préhistoire ou mégalithes.
Même si dans un texte en partie inédit (2) de 1861, Alexandre Guyot-Jomard prend la défense du chanoine Mahé, celui-ci est éreinté par Joël Cornette, dans le tome 1 de son histoire de la Bretagne et des Bretons «Le chanoine Mahé multiplia les hypothèses aventureuses dans son Essai : il voulut démontrer dans les années 1820 que les intervalles vides qui coupent les lignes de pierre renfermaient les files de maison où habitaient les druides avec leurs familles et leurs nombreux élèves (3) ».
Il est également cité défavorablement en 1964 par Annette Laming-Emperaire «En 1825 J. Mahé, chanoine de Vannes, publia un livre de cinq cents pages sur les antiquités du Morbihan dans lequel il soutenait que ce sont les Vénètes qui ont érigé les tumuli, les dolmens, les menhirs, les cromlechs, et autres monuments qui dominent la Bretagne ; les dolmens ont servi de table de sacrifice aux druides, et ces sacrifices sanglants et humains se faisaient devant le peuple assemblé pour lui inspirer à la fois le sentiment de la grandeur et de l’horreur. Même les découvertes d’ossements humains faites dans les mégalithes vers cette époque furent impuissantes à rétablir l’hypothèse déjà vieille depuis plus d’un siècle de très anciennes sépultures (4) ».
Pour autant tout est-il à jeter dans les écrits du chanoine ? Si certaines hypothèses peuvent paraître dépassées aujourd’hui, ne sont-elles pas intrinsèquement liées au contexte historique où la préhistoire n’était qu’une science balbutiante – le mot n’existait d’ailleurs pas (5) – et au faible développement des techniques de recherche scientifique de l’époque ?
En outre si une discipline est sujette depuis le XVIIIe siècle à des modifications importantes tant sur le plan épistémologique que par ses méthodes de recherche aboutissant à des remises en cause radicales, c’est bien la science préhistorique. Le silence des pierres libère la parole des hommes.
Or Joseph Mahé a présenté dans son essai plusieurs planches dont un document iconique portant sur la lande de Haut-Brambien, au nord de Rochefort-en-Terre, document où il répertorie selon lui tous les mégalithes qui sont contenus dans cet espace. Un espace qu’il présente comme supérieur à Carnac, à la fois par le nombre et par la taille des pierres.
Les pierres dont parle Joseph Mahé sont-elles liées à la préhistoire ou s’agit-il tout simplement d’éléments rocheux affleurant à la surface du sol ? Aujourd’hui on ne dénombre plus que quelques rares éléments rocheux sur le terrain, la quasi-totalité des deux mille pierres – nombre avancé par Mahé – a disparu : pourquoi ?
1 Joseph MAHE, Essai sur les Antiquités du département du Morbihan, Vannes, Galles Aîné, Imprimeur du Roi, 1825, p.21.
2 Alexandre GUYOT-JOMARD, A propos d’une promenade sur la lande de Lanvaux par M. FOUQUET, manuscrit MS 369-1, Société Polymathique du Morbihan, 15 novembre 1861, 6 pages, en partie inédit.
3 Joël CORNETTE, Histoire de la Bretagne et des Bretons, Tome 1, Le Seuil, 2005, p.32.
4 Annette LAMING-EMPERAIRE, Origines de l’archéologie préhistorique en France, Editions Picard, Paris, 1964, p.110.
5 Dépendants du CNRS, le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales ainsi que le Trésor de la Langue Française Informatisé (TLF) datent de 1871 le terme en anglais prehistory, et de 1874 l’apparition du terme de même sens en français dans le livre de ZABOROWSKI-MOINDRON Sigismond, De l’ancienneté de l’homme, résumé populaire de la préhistoire, Paris, Baillière, 1874.