23 Les relais bretons et normands : La Pomme
The XIXth century is that of the choice of the identity crest line, especially among the elites, which separates the proponents of a Hyperborean and Celtic source as irrigating European civilization with a cyclical vision of human history and those who consider themselves as descendants of the Greco-Roman civilization, with a vision of eternal progress in human trajectory, a line that we find after 1918 in Oswald Spengler in The decline of the West when he divides the European world between Dyonisiacs, the world night and forests and Apollinians, the solar world and open spaces.
This cultural duality is found in Michel Bouquet's education: a childhood, a Breton adolescence, surrounded by people who spoke Breton and French, and a classical school education, where he rubbed shoulders with Latin and Greco-Roman culture. On the one hand, the emotional feeling which will lead to a painting of nostalgia for the landscapes of childhood, the coastal rivers of Lorient being the archetype, let us think that his first known drawing dating from 1827 represents the Blavet valley, and that throughout his career, he will represent the Scorff Valley in multiple pictorial forms, going so far as to create a poem in his name, all this education bathed in the writings of Ossian who knows, during this period when create definitive affects, a prodigious success - Bonaparte himself was a fervent admirer, and de Fontanes wrote to him that he was told that he always had a copy in his pocket before the battle - writings of Ossian which show and reproduce the cave of Fingal - Ossian's father - in the north of Scotland in the 1850s. On the other hand, a Greco-Roman culture that he knew in high school, that he finds in his readings - he has read the Latin authors - and that he will discover the ors of his travels in the Mediterranean.
Le XIXème siècle est celui du choix de la ligne de crête identitaire, surtout chez les élites, qui sépare les tenants d’une source hyperboréenne et celtique comme irriguant la civilisation européenne avec une vision cyclique de l’histoire humaine et celles qui se considèrent comme descendants de la civilisation gréco-romaine, avec une vision d’éternel progrès de la trajectoire humaine, ligne que l’on retrouve après 1918 chez Oswald Spengler dans Le déclin de l’Occident lorsqu’il partage le monde européen entre Dyonisiaques, le monde de la nuit et des forêts et Apolliniens, le monde solaire et des espaces ouverts.
Cette dualité de culture se retrouve dans l’éducation de Michel Bouquet : une enfance, une adolescence bretonne, entouré de personnes qui parlaient breton et français, et une éducation scolaire classique, où il se frotte au latin et à la culture gréco-romaine. D’un côté le ressenti émotionnel qui vont aboutir à une peinture de la nostalgie des paysages de l’enfance, les fleuves côtiers de Lorient en étant l’archétype, songeons que son premier dessin connu datant de 1827 représente la vallée du Blavet, et que tout au long de sa carrière, il va représenter sous de multiples formes picturales la Vallée du Scorff, allant jusqu’à créer un poème à son nom, toute cette éducation baignant dans les écrits d’Ossian qui connaît, pendant cette période où se créent des affects définitifs, un succès prodigieux – Bonaparte lui-même en était un fervent admirateur, et de Fontanes lui écrit qu’on dit de lui qu’il a toujours un exemplaire dans sa poche avant la bataille – écrits d’Ossian qui lui font visiter et reproduire la grotte de Fingal – père d’Ossian – dans le nord de l’Ecosse dans les années 1850. De l’autre une culture gréco-romaine qu’il a connue lycéen, qu’il trouve dans ses lectures – il a lu les auteurs latins – et qu’il va découvrir lors de ses voyages en méditerranée.
Michel Bouquet est né au moment où le celtisme se trouve sur une zone de fracture intellectuelle. Le courant celtomane s’appuyait sur des écrits d’un barde écossais, Ossian du IIIème siècle ap JC, dont Ingres lui-même avait transposé picturalement le mythe fondateur « Le songe d’Ossian » en 1813 – Bouquet est alors âgé de 6 ans – , or ce mythe a été durement touché par le fait qu’un certain nombre de ces textes se soient révélés apocryphes, son auteur, un maître d’école écossais James Mac Pherson les ayant largement réécrits.
Le même procès en réécriture rebondira à partir du milieu du XIXème siècle avec les textes de la littérature orale bretonne collectés par Théodore Hersart de la Villemarqué, procès mené par Renan, Luzel et Roth, trois intellectuels passionnés de la matière de Bretagne avec lesquels Michel Bouquet échangeait dans les dîners celtiques.
Mais ces joutes culturelles, littéraires ou scientifiques ne mettent pas un terme au besoin d’identité profond des populations qui, confrontées à l’irruption de la modernité urbaine et des langues des touristes des gigantesques zones urbanisées par les révolutions industrielles, anglaises, françaises, américaines, allemandes, dans des espaces de langues vernaculaires résiduelles comme le breton, vont chercher comme tout équilibre identitaire qui se sent menacé, à se fédérer au travers d’un panceltisme celtique : dès 1838 La Villemarqué est initié comme barde au sein d’un collège néodruidique du Pays de Galles.
Le même phénomène continuera au début du XXème siècle avec la poétesse lorientaise Madeleine Desroseaux, qui sera immergée dans le Scorff, nouveau Jourdain christo-celtique, et reconnue comme Bardesse. Sérusier est dans cette veine avec l’Annonciation, la Crucifixion, la Résurrection, le Baptême du Christ et la Transfiguration dans l’église paroissiale de Châteauneuf du Faou, et son pastiche de baptême celto-druidique.
Le Scorff, Jourdain panceltique
Michel Bouquet, Les bords du Scorff, huile sur toile, 71 x 101 cm, sans date, © vente lot 373, Dobiaschofsky Auktionen AG, Berne, 8 novembre 2013
A ceux-là Bouquet offre une vision réinventée du paysage classique : le pastoral ne se fait plus dans un cadre historique gréco-latinisé, mais dans un paysage celtique réel, la vallée du Scorff, transformée en paysage mythique des origines de la nation bretonne, avec un pâtre, certes, mais un pâtre breton, en accord avec la poésie de Brizeux, lorientais comme lui, quatre ans d’écart séparant les deux hommes.
Michel Bouquet, Les bords du Scorff, huile sur toile, 71 x 101 cm, sans date, © vente lot 373, Dobiaschofsky Auktionen AG, Berne, 8 novembre 2013
Voici la nouvelle saison.
Que chantes-tu, jeune pâtre ?
Cher petit pâtre, que chante aussi
Le petit oiseau sur la lande ?
L’oiseau tout plein de joie
Chante et chante son ami ;
Sur la lande ainsi que chaque oiseau,
Chaque pâtre chante sa douce.
Le paysage n’est pas ici un accumulation de détails, mais une somme référentielle pour le mouvement breton en pleine expansion. La poétique de cet espace s’inscrit dans une peinture bretonne idéologiquement assumée, qui est très proche du naturalisme écossais plutôt qu’anglais puisque c’est cette terre que Michel Bouquet entre toutes préfère. Le pâtre ne fait que se fondre dans un tout, il est partie intégrante de la nature de même que ses animaux. L’homme n’est pas supérieur à cette nature, il en est une simple composante.
Ajoutons à cela que Bouquet voit dans sa longue carrière, de 1827 à 1890, le paysage se transformer radicalement sous les coups de boutoir de la première et de la seconde révolution industrielles, et de ses crises économiques. Il voit la Bretagne passer d’une psychologie d’enclave à forte identité linguistique et culturelle à un espace de plus en plus ouvert, traversé par les courants de transports de plus en plus rapides et de flux de personnes de plus en plus importants.
La mer, espace repoussoir en 1807, qui n’était accessible qu’aux populations indigènes ou aux classes très aisées de la société urbaine rennaise ou parisienne est devenue pendant la vie de Michel Bouquet un espace attractif, de contemplation, d’harmonie, de respect, mais aussi de bruit, de fureur, et d’effroi romantique, puis conseillé par les médecins hygiénistes, un espace où les dépressifs ou souffreteux de toutes natures viennent chercher un climat qui répondra à leurs soucis physiques. C’est d’ailleurs le cas de Bouquet, qui, s’il connaît bien la Bretagne, a choisi de séjourner définitivement à Roscoff, en raison de la qualité médicale réelle ou supposée du climat.
Nombreuses sont les Sociétés bretonnes et les Revues bretonnes auxquelles Michel Bouquet participe.
I La Pomme et le comité Brizeux
II La Revue de Bretagne et de Vendée, illustrée de Bretagne et d’Anjou
III Le dîner celtique
I La Pomme : un milieu intellectuel et artistique, mais surtout un concentré de décideurs politiques
© Source gallica.bnf.fr / BnF
1 La Pomme, un milieu intellectuel et artistique
La Pomme, Société exclusivement composée de Bretons et de Normands a été fondée à Paris le 12 avril 1877 – Michel Bouquet est alors âgé de 70 ans – par le peintre Paul Sébillot, né à Matignon dans les Côtes d’Armor,un peintre de paysage comme Michel Bouquet, mais aussi un homme très attiré par l’ethnographie bretonne.
En 1881, à l’âge de 38 ans, il a déjà écrit Essai sur le patois gallot en 1876, Les Traditions, superstitions et légendes de la Haute-Bretagne en 1880, mis en place une approche scientifique pour le récolement des cultures orales Essai de questionnaire pour servir à recueillir les traditions, les superstitions et les légendes en 1880, puis publié dans la foulée les Contes populaires de la Haute-Bretagne et la même année les Contes des paysans et des pêcheurs en 1881.
Anonyme, Portrait de Paul Sébillot, Photographie des Ecoles, 1894 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Paul Sébillot, Essai sur le patois Gallot, Revue de linguistique et de philologie comparée, 1876, Tome XII, page 78 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Paul Sébillot, L’embouchure du Trieux, Roch Hir, Huile sur toile, 160 x 230 cm, 1879 © Images-art.fr, Musée d’art et d’histoire des Côtes d’Armor, Saint-Brieuc
A la Pomme on trouve aussi un élève d’Augustin Feyen, le peintre Bertin ainsi que le caricaturiste du Monde illustré Léonce Petit, de Taden, encore les Côtes d’Armor,
On y trouve également l’archéologue et préhistorien Henri Raison du Cleuziou, originaire de Lannion et auteur de La création de l’homme et les premiers âges de l’humanité, Paris 1847, p.4 dans lequel il s’intéresse à l’épistémologie de la recherche préhistorique, ce que Thomas Kühn appelait le changement de paradigme scientifique, c’est-à-dire la difficile mise en place de la révolution conceptuelle qui prend peu à peu scientifiquement et administrativement le pas sur l’ancienne conception de l’origine même de l’espèce humaine
« Boucher de Perthes avait été précédé dans ses découvertes par celles de Tournal (1828), Christol (1829), Ami Boué la même année, Emilien Dumas (1831), le docteur Pitore (1832), Schmerling (1833), Joly (1835), Aymard (1844). Tous ces chercheurs avaient trouvé des ossements humains datant de l’époque quaternaire, mais l’autorité de Cuvier avait imposé silence sur ces découvertes, et ce n’est qu’à partir de 1847 que l’indépendante persévérance de Boucher de Perthes conduisit à la victoire. Les successeurs de Cuvier, Elie de Beaumont lui-même, Flourens et les naturalistes très classiques étaient encore plus acharnés que le maître à éteindre les découvertes ou à les tourner en ridicule. Malgré ces obstacle, la vérité a fini par triompher, et aujourd’hui la préhistoire s’est imposée comme science ».
Il s’intéressait également à l’art, et dès 1865 avait écrit un ouvrage sur Delacroix, L’oeuvre de Delacroix, Marpon, Paris, 1865 et n’avait pas hésité à pratiquer la vulgarisation scientifique sous la Troisième république, au profit du plus grand nombre
Henri du Cleuziou, La création de l’homme et les premiers âges de l’humanité, Bibliothèque scientifique et populaire, Flammarion, 1887 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Michel Bouquet n’est pas avec lui en terre inconnue puisque du Cleuziou commettra deux ouvrages sur le Pays du Léon si cher à l’artiste, celui-ci résidant chaque été à Roscoff, face à la mer.
Henri du Cleuziou, Le Pays de Léon, Paris, 1886 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Henri du Cleuziou y raconte une anecdote extraordinaire, qui montre la continuité entre les cultes païens, notamment la lustration romaine du Ier siècle après JC – un rite de purification qui a pour but de libérer de toute influence maléfique – et leur interprétation chrétienne en Bretagne à la fin du XIXème siècle
« C’était par une belle matinée d’un mois d’août à Saint-Laurent-du-Pouldour.
D’abord, descendit une femme les épaules nues, à peine couvertes par un mouchoir à carreaux qu’elle enleva d’un geste brusque quand elle se fut assise sous le jet qui descend du haut de la piscine. Alors, après une courte prière, elle rejeta tout son corps en arrière, et hardiment, présentant sa poitrine au courant, reçut en plein coeur la douche bienfaisante. Un cri douloureux s’échappa de ses lèvres, mais résistant fièvreusement au mal, trois fois elle recommença l’épreuve. Reprenant alors son vêtement, et , se livrant aux mains de ses compagnes, endossa son justin, plaça sur sa chevelure renouée sa coiffe blanche, et s’en fut prier à la chapelle. Plusieurs autres jeunes filles la suivirent, imitant son exemple et répétant
Sant Lorans hon presero, haga lamo digancomp ar boan isili
« Que Saint laurent nous préserve, et qu’il enlève de dessus nous le mal de nos membres »
Du Cleuziou, présent à cette scène, en a fait un dessin
Henri du Cleuziou, Bretagne, le pays de Léon, La France artistique et pittoresque, Paris, 1886, p.8 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Sont présents également un secrétaire de l’institut agronomique, Chesnel ; un administrateur des chambres syndicales de Paris, Nicole, le poète Léon Durocher, auteur de Clairons et Binious, Edouard Krug, G. Sauvage, A. Le Bihan, le compositeur E. Durand, l’auteur du Biniou et du Cidre Breton, Léon Séché, Directeur de la Revue de Bretagne et d’Anjou, le compositeur Toulmouche, auteur d’opérettes comme Ah ! le bon billet donné au théâtre Renaissance en 1882
ou La Veillée de Noces présentée aux Menus-Plaisirs en 1888
Frédéric-Michel Toulmouche 1850 1919, La Veillée de Noces, Opéra comique en 3 actes, librettistes Alexandre Bisson et Bureau Jattiot, Paris, 1889 © Source gallica.bnf.fr / BnF
un statuaire, Étienne Leroux
Etienne Leroux dans son atelier © Dominique Mollicone, Wikipédia
Etienne Leroux, Monument à Louis Braille, Pierre et bronze, 1887 © Dominique Mollicone, Wikipédia
un peintre, Léonce Petit
Atelier Nadar, Léonce Petit, Photographie, Tirage de démonstration, après 1880 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Léonce Petit, un des créateurs de la bande dessinée
Léonce Petit, Histoires campagnardes, s.d. © Source gallica.bnf.fr / BnF
un colonel, Lucas, un avocat, Chéradame, un publiciste, Chénard. Mais il n’y a pas que des écrivains, des scientifiques ou des artistes à La Pomme.
Il y a aussi des journalistes comme Tailliez du Petit Journal, Charles Frémine, du Rappel, C. Cnivet du Soleil,
2 Un milieu fréquenté par les hommes politiques
Michel Bouquet est nommé Commissaire de la Pomme à partir de 1880. C’est dire s’il est apprécié dans ce milieu, la plupart des autres commissaires étant des hommes politiques. En effet, en dehors de Michel Bouquet, parmi les 8 autres commissaires, on trouve quatre députés :
Armez, député des Côtes du nord, 1ère circonscription de Saint-Brieuc, centre gauche. Une anecdote : sa famille possédait la tête du cardinal de Richelieu depuis le viol de son tombeau par les révolutionnaires et le remit à l’Etat en décembre 1886, pour être replacée officiellement dans le tombeau créé par Girardon, dans l’église de la Sorbonne, à Paris.
Louis Armez 1838-1917 © Assemblée nationale
Louis Hémon, né à Quimper, député du Finistère,
Louis Hémon 1844-1914 © Assemblée nationale
Les députés Laissant et La Vieille n’étaient pas les moins assidus.
Le secrétaire de La Pomme Armand Dayot, né à Paimpol, est un attaché au cabinet du sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, devient dans les années suivantes Inspecteur général des Beaux-Arts. Spécialiste de l’histoire de l’art au XVIIe siècle – Chardin et Fragonard – c’est un homme aux talents multiples : historien, critique d’art, historien d’art, journaliste, homme de lettres, organisateur d’expositions. En 1890 il est admis au sein de la Société des gens de lettres ; sa candidature est patronnée par Jules Simon, le monde est petit.
L’année suivante il est fait Chevalier de la Légion d’honneur, parrainé par Ernest Renan, le monde est vraiment très petit. Auteur d’un Napoléon par l’Image récompensé par l’Académie française, il va mettre en oeuvre une luxueuse Histoire de France par l’image, publiée chez Flammarion de 1895 à 1914, qui à partir d’objets de toutes natures, peintures, sculptures, dessins, lithographies, médailles, autographes, objets du quotidien, met en perspective les grands événements de l’histoire de France, du Moyen Âge à la Commune de Paris en 1870. Puis il crée en 1899 la Ligue des Bleus de Bretagne, qui succède aux Bretons de Paris et enfin fonde L’Art et les Artistes, revue mensuelle d’art ancien et moderne en 1905.
Un personnage comme Michel Bouquet les aime : du talent, une très grande capacité de travail, une carrière hors-norme et surtout un homme qui par la largeur de son approche intellectuelle – autant admirateur de Chardin que de Degas – refuse de se soumettre à tout a priori doctrinal sur le plan esthétique. Un homme libre.
Armand Dayot, 1851-1934 © Inha
Avec un tel entregent il intervient dans de nombreuses revues ou écrit à la demande des préfaces pour les thèmes qu’il affectionne comme en 1898 pour l’ouvrage de Pierre Lemonnier
Armand Dayot, Préface à Ceux de la mer, in Pierre Lemonnier, Paris, 1898
Dans les années suivantes, vont s’adjoindre à La Pomme un sénateur d’Ille et Vilaine, Edgar Le Bastard, entrepreneur dans le secteur de la tannerie à Rennes , qui donne un essor considérable à son entreprise, et devient président de la chambre de commerce de la même ville. Elu sénateur il appartient à la gauche républicaine, vote pour les lois Jules Ferry sur l’enseignement, la presse et le droit de réunion
Edgar Le Bastard 1836-1891 © Archives municipales de la ville de Rennes
d’autres députés s’y adjoignent encore, comme Henry,
ou Hippolyte Caurant, né au Faou dans le Finistère, élu député dans la 1ère circonscription de Châteaulin, centre gauche
et surtout Waldeck-Rousseau, qui étrenne alors une très brillante carrière politique, puisque son nom figure toujours à l’heure actuelle dans tous les manuels d’histoire.
Atelier Nadar, Waldeck-Rousseau, Photographie, tirage de démonstration, après 1880 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Waldeck-Rousseau, Associations et congrégations, Discours, Paris, 1901 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Né à Nantes, député de l’Ille et Vilaine, circonscription de Rennes en 1879, Waldeck-Rousseau, ministre de l’Intérieur augmenté des cultes dans le 2e cabinet Jules Ferry en 1883, est l’homme de la légalisation des syndicats en 1884 avec la loi qui porte son nom, ainsi que de la mise en place le la loi sur les associations du 1er juillet 1901, loi qui est le fondement toujours en vigueur de toutes les associations à but non lucratif existant en France, plus d’un million actuellement en activité.
Chef du gouvernement, il a eu à gérer l’affaire Dreyfus, a été ministre de Gambetta et de Jules Ferry, sans compter le gouvernement dit de Défense républicaine qu’il dirigera avec un représentant de la droite, le général de Galliffet, et en même temps avec le socialiste Millerand. Il est le détenteur du cabinet le plus long de la Troisième République, trois ans, alors que ceux-ci duraient en moyenne 230 jours.
Cette association met en lumière l’entregent dont dispose Michel Bouquet, dans les milieux politiques, ou ministériels.
3 Les promoteurs de la culture bretonne et normande
Si les normands s’y sont joints, c’est qu’il n’a pas échappé à tous ces hommes dont la plupart sont des lettrés d’un très haut niveau que les peuples gaulois qui étaient soudés par leurs systèmes d’alliances défensifs comprenaient les Osismes ( pour simplifier le Finistère actuel ), les Vénètes ( le Morbihan ), les Riedones ( l’Ile et Vilaine), les Coriosolites ( les Côtes d’Armor ) , c’est-à-dire la Bretagne et la Normandie actuelles. Tous savent que cette alliance défensive et d’entraide réciproque a été activement mise en oeuvre contre César.
Sur ce modèle de fraternité britto-normande, les membres de la Pomme élisent chaque année un nouveau président, et ce de manière alternative : Bretons et Normands se succèdent ainsi fraternellement à la Présidence. Les présidents successifs seron E. Boursin, l’auteur du Père Gérard, le breton P. Sébillot, Charles Monselet, l’homme qui a promu la Contes de la Haute-Bretagne, Laisant, Nicole, l’ancien député du Morbihan Le Maguet, du sénateur de l’Orne de Marcère, du sénateur de Rennes Le Bastard, etc.
En attendant, la Pomme est aussi une réunion de bons vivants qui aiment festoyer
En 1876 Le Constitutionnel titre « Le deuxième banquet de la Revue des Poètes a eu lieu au restaurant Lafitte, rue Taranne.
On passa la Seine et on alla s’installer au Palais-Royal, puis au restaurant de la Terrasse, puis chez Notta ; un moment on repassa la Seine pour expérimenter Lapérouse ; actuellement on est revenu à Notta. Quelquefois la table se décore de mets locaux. …de vraies fouaces de Nantes, de la maison des Ménard, les grands fouaciers ! M. Henry a apporté une fois de Caen ces délicieuses terrinées dont on peut dire qu’on n’a pas idée de çà à Paris.
Les commissaires de la Pomme, dont Michel Bouquet, ont le droit d’organiser des fêtes de bienfaisance au profit des Bretons et des Normands malheureux. C’est le cas le 8 mai 1879 lorsque l’on procède à une vente d’oeuvres au bénéfice de la veuve du peintre Thirion, organisée par les amis de l’artiste mort pauvre. Elle a lieu à l’hôtel Drouot. Le travail de Michel Bouquet et de ses amis est efficace.
La vente comprendra près de 200 tableaux, aquarelles, dessins, gravures, terres-cuites, faïences, etc. Parmi les noms des donateurs figurent ceux de MM. Gérôme, Léon Glaize, François, Paul Laurens, Henner, Carolus Duran, Falguières, Gaston et Lucien Mélingue, Ribot, Bartholdi, Van Marck, Pasini, Paul Dubois, Jules Breton, M. Cot, Stevens, Goupil, de Jonghe, Leloir, Cabanel, et naturellement Michel Bouquet.
Les impressionnistes comme les membres de la haute bourgeoisie, Manet, Berthe Morisot ou de l’aristocratie, Edgar de Gas, donnent-ils pour les artistes pauvres ?
On ne se contente pas de faire du nombrilo-centralisme parisien, on se réunit également dans les provinces bretonnes et normandes.
Les assises de la Pomme à Rennes en 1881 furent très brillantes sur un cachet bien breton. Le bureau et des artistes dont Michel Bouquet quittèrent Paris le samedi 19 juillet par le train de 9h32 Gare Montparnasse, ce qui doit lui rappeler des souvenirs, lui qui mettait une semaine pour aller de Lorient à Paris en 1827. Ils s’arrêtèrent à Chartres pour visiter la cathédrale. À midi déjeuner au buffet de la gare, puis départ à 13h17 pour Rennes où ils arrivèrent à 18h12. Pour leur accueil, Émile Durand avait organisé avec le concours des artistes de la ville, un chœur qui chanta et fort bien Les enfants d’Armorique, de Brizeux, musique de Berlioz.
Oui, nous sommes encore les hommes d’Armorique,
La race courageuse et pourtant pacifique,
La race sur le dos portant de longs cheveux,
Que rien n’a pu dompter quand elle a dit: « Je veux. »
Nous avons un cœur franc pour détester les traîtres;
Nous adorons Jésus, le Dieu de nos ancêtres.
Les chansons d’autrefois, toujours nous les chantons.
Non! nous ne sommes pas les derniers des Bretons!
Le vieux sang de tes fils coule encor dans nos veines,
Ô terre de granit, recouverte de chênes!
Pays des vieux Bretons, à toi seul notre amour!
Des bois sont au milieu, la mer est à l’entour.
Auguste Brizeux, Le chant des Bretons, chanté pour la première fois au banquet des Bretons de Paris, en 1837
Il fut très applaudi par le public qui assistait au théâtre de Rennes à la fête de la Pomme. Paul Sébillot proposa d’aller à Cesson, dans une auberge où les étudiants de son temps, 1863-1864, avaient maintes fois festoyé. L’idée plut à Le Bastard, maire de Rennes, pommier presque dès la fondation et le lendemain un omnibus y a amené une douzaine de convives.
L’aubergiste d’alors n’ayant pas été prévenu, il fallut improviser le menu avec les ressources dont il disposait. Il se composait surtout de mets locaux. Monselet déclara ce repas exquis et il fit tant d’honneur au cidre de la maison quand, montant dans la voiture pour venir à Rennes, il dit à Sébillot en souriant : « Cher ami je crois que je suis un peu pompette ».
Les convives n’étaient guère qu’une douzaine : Le Bastard, l’excellent journaliste Bertrand Robineau, le sculpteur Étienne Roux, le peintre céramiste Michel Bouquet, le doyen alors de la Pomme. Les fêtes durèrent tout le week-end les samedi 19 juillet et dimanche 20 juillet 1881. Ces fêtes se partageaient entre des discours, des vins d’honneur, des concours artistiques et littéraires, des concerts offerts aux habitants de Rennes, et un banquet offert à la Pomme par la municipalité. Le lundi 21 juillet à neuf heures on visite des musées puis déjeuner offert par la Pomme à Monsieur le maire de de la municipalité de Rennes. » in L’Ouest-Eclair du 16 juillet 1913
4 Le programme des fêtes rennaises de 1881 est copieux. Quoi de plus réjouissant pour un artiste de 74 ans ?
Le bureau et les artistes quitteront Paris le samedi 19 juillet par le train de 9h32 , gare Montparnasse. On s’arrêtera à Chartres pour visiter la cathédrale. A midi déjeuner au buffet de la gare et départ à 13h17 pour Rennes, où on arrivera à 18h12.
Samedi 19 juillet
A 20 heures 30 à la salle des fêtes du Lycée
Conférence par Victor Margueritte sur La Femme nouvelle. Une quête sera faite au profit de l’oeuvre des Colonies de vacances de Rennes
Dimanche 20 juillet
Rendez-vous des Pommiers à la salle des Conférences, rue Hoche, n°30, à 9heures et demie
Réception de la Société par la Municipalité, les délégations de la Société d’Instruction populaire, de la Société artistique et littéraire de Bretagne, des Sociétés d’anciens militaires, etc. et formation du cortège qui parcourra les rues de la ville en s’arrêtant aux points suivants
Palais de justice ( ancien Parlement de Bretagne ) Discours de M. Dottin, doyen de la Faculté des Lettres
Hôtel de Ville ( devant le groupe Union de la Bretagne à la France ) Discours de M. Le Braz, professeur à la Faculté des Lettres
Champ de Mars ( devant le monument des soldats morts pour la Patrie) Discours de M. Berthaut, homme de lettres
Thabor ( devant la statue de Duguesclin) Discours de M. Levatois, avocat, Président des Normands de Paris
Remarquons qu’aucun de ces bâtiments ou de ces monuments n’est choisi au hasard.
A 11 heures et demie, à la salle de Conférences. Un vin d’honneur est offert par la Municipalité
A 14 heures, salle des fêtes du Lycée, Assises de la Pomme
Discours de Jean Boucher, président de la Pomme
Discours de Janvier, maire de Rennes
Rapport sur le concours artistique et littéraire par Robert Campion, homme de lettres
Proclamation des lauréats du concours
Grand concert offert aux habitants de Rennes par La Pomme, avec le concours d’artistes de l’Opéra-Comique et celui de la Musique municipale
A 20 heures Banquet offert à La Pomme par la Municipalité, salons Gaze rue de Penhoët.
L’orchestre du Conservatoire se fera entendre pendant le banquet.
Lundi 21 juillet.
A 9 heures, visite des musées et du palais de justice ( ancien parlement de Bretagne)
A 11 heures, départ pour Cesson
A 12 heures Déjeuner offert par La Pomme à M. le Maire, à la Municipalité de Rennes et aux collaborateurs de ces Assises
A 14 heures Excursion aux Buttes de Bray
A 16 heure Retour à Rennes
L’ambiance y est très animée
« Le cidre est un poison et l’auberge est un bouge »
Le curé dit cela ; mais est-ce pour des riens
Qu’il a le crâne chauve et le bout du nez rouge ?
La Pomme, mai 1883
Michel Bouquet qui a porté si haut la peinture sur faïence et qui met dans des plats d’admirables paysages, M. Bouquet, le bien-nommé, fait succéder une note attendrie à la note gaie en égrenant quelques-unes de ses plus suaves idylles. L’ex-directeur de l’Athénée comique, le joyeux Montrouge, qui est un normand pur-sang, ne se fait pas prier pour entonner une ronde du pays.
Un jour, on a mangé des tripes, de succulentes tripes, que l’on était allé chercher, non pas à Caen, mais rue de la Grande-Truanderie, à la renommée ! Quels cris d’enthousiasme du côté des Normands ! Il s’en trouva des Fécampeux, trois, quatre pour déclamer sur-le-champ ces vers de Gustave Le Vavasseur, poète exquis et maire de la Lande-de-Lougé dans l’Orne :
En cuisine ont également
Leurs types :
Rouen son sucre doux et croquant,
Vire ses andouilles, et Caen,
ses tripes !
Bientôt le restaurant Lafitte à Paris devint trop petit. Il s’agit du restaurant Laffitte 20 rue des Italiens et non de son homonyme rue Taranne où l’on rencontrait un ami de Bouquet et Jules Vallès
Au cours de quelques dîners, la Pomme a compris qu’elle avait un rôle plus sérieux à jouer, un rôle tout indiqué : elle a créé des concours littéraires destinés à célébrer la Normandie et la Bretagne, comme le Concours de Fécamp du 29 août 1880, qui présente en première partie une étude en prose sur Flaubert
« Sur l’initiative de MM. Chesnel et Michel Bouquet, nous allons inaugurer un album d’ordre intérieur, concernant les originaux mêmes de nos meilleurs écrivains et dessinateurs. Michel Bouquet récite, puis fait publier un poème : Les Bords du Scorff, La Pomme, Société littéraire et artistique, mai 1883
Le jeudi 15 novembre 1883, le 68e dîner de la Pomme a eu lieu au Grand café hollandais ( Palais-Royal ) , où les Pommiers sont disposés à former un cercle permanent. Le maître de l’établissement, M. Guilbert, natif de Vaubadon, près Bayeux, est membre de la Société.
La réunion était présidée par M. Laisant, député, et la commission représentée par MM. E. Boursin, Le Maguet, Nicole, présidents honoraires ; Michel Bouquet, Emile Durand, le député Edmond Henri ; le sénateur Le Bastard ; Lenglier ; l’archiviste M. Chesnel, de retour de l’Asie Mineure ; le secrétaire trésorier Emile Asse.
Membres présents : MM. Le docteur Barré, le docteur Duval, Raoul Fournier, Hercouet frères, Maillard, Pressard, Emile Tiphaigne, Marcellin Tiphaigne. Nouveaux adhérents : le peintre Bertin, né à Fécamp, élève de Cabanel
Le peintre Bertin
Bertin, Autoportrait, s.d. © Gallica.bnf.fr / BnF
Puis viennent les avocats comme Fabre. Une délégation de l’Association républicaine du Calvados sera une pépinière d’adhérents : MM. Cravoisier, Président ; de Busschère, Conin, Fulgence, et surtout le tripier artiste Pharamond,
L’histoire de ce restaurant est liée au destin d’Alexandre Pharamond, tripier normand inspiré qui s’installe en 1832 au carreau des Halles. En 1854, le quartier connait une profonde transformation avec l’érection des célèbres pavillons de Victor Baltard. Leur construction durera quinze ans. Les tripes à la mode de Caen de la famille Pharamond remportent un tel succès qu’en 1879 ils ouvrent au 24 rue de la Grande Truanderie un restaurant doté d’un atelier tripier d’envergure célébrant la gastronomie normande. Parmi les invités, on distingue
M. Elie Sorin, poète, écrivain, journaliste et bibliothécaire de la ville d’Angers
© gallica.bnf.fr / BnF
© gallica.bnf.fr / BnF
et Henri Luet, lauréats ; le directeur du Beaumarchais Jeannin, Gilland de l’Opéra, Gavelle cousin du secrétaire. M. Kaempfen, directeur des Beaux-Arts s’était excusé de n’avoir pu venir.
Sur la proposition de Michel Bouquet, MM. Elie Sorin et Henri Huet, lauréat, ont été naturalisés bretons-normands, à raison de leurs remarquables compositions, qu’ils ont dites eux-mêmes. M. Huet y a joint une ode à Rotrou, que nous publierons quelque jour. Habilement accompagné par M. Emile Durand, M. Gilland nous a charmés à diverses reprises.
MM. Michel Bouquet, Edmond Henri, Emile Asse sont venus à la rescousse, et M. E. Boursin a terminé au milieu de nos refrains la liturgique Angelina dont nous possédons enfin la musique écrite.
Deux ans plus tard, le 3 février 1885 Le Rappel fait état d’une belle soirée « Hier, banquet mensuel de « La Pomme » au restaurant Corazza, un établissement fréquenté par les Jacobins sous la Révolution , notamment Collot d’Herbois qui massacra les Lyonnais et l’ex-capucin Chabot qui rédigea le Catéchisme des Sans-culottes.
On y renouvelait le comité pour 1885. M. de Lariboisière, le jeune et sympathique député républicain d’Ille-et-Vilaine, a été élu président en remplacement de M. Boursin, dont les pouvoirs étaient expirés.
Ferdinand de Lariboisière
Portrait de Ferdinand Baston de Lariboisière © Assemblée Nationale
Ferdinand de Lariboisière est le fils d’un personnage peu commun, je veux parler ici du comte de La Riboisière qui, jeune polytechnicien a vu la bataille de Wagram, participé à la campagne de Russie, puis été nommé chambellan de l’Empereur Napoléon Ier en 1813, pour devenir l’officier d’ordonnance de l’empereur pendant les Cent-Jours, et dont Gros en personne a fait un portrait.
Honoré de lariboisière
Antoine-Jean Baron Gros, Portrait du comte Honoré de la Riboisière, Huile sur toile, 73 x 59 cm, Signée en bas à gauche, 1815 © vente Galerie Jean-François Heim, Bâle, Suisse
Honoré était lui-même fils du commandant en chef de l’artillerie napoléonienne qui, à cette fonction, a participé à Eylau Dantzig, Wagram, Smolensk et à la Moskowa. Le courant bonapartiste est très présent dans le srelations de Michel Bouquet. N’oublions pas quun de ses amis intimes était le duc de Montebello, fils du maréchal Lannes, mort au combat à la bataille de Lobau en 1809.
Revenons à la Pomme et à ses pommiers.
Les membres de la commission sont le sénateur Le Bastard, ; les députés Louis Hémon, Armez, Edmond Henry, Gaurant, Waldeck-Rousseau ; le statuaire Etienne Leroux, les peintres Michel Bouquet et Armand Cassagne, le proviseur du Lycée Charlemagne
Charles Lenglier et le compositeur de musique Emile Durand ont vu leur mandat prorogé.
Emile Durand, né à Saint-Brieuc, l’auteur de Sourires de Bretagne, Fantaisie pour hautbois, violon et clarinette en 1888 est ce professeur qui eut pour élève un certain Claude Debussy, et dont il a dit « Debussy serait un excellent élève s’il était moins brouillon, moins léger. »
Le musicien et compositeur Emile Durand
Carjat, Portrait d’Emile Durand, Photographie positive sur papier, d’après négatif sur verre, 9 x 5 cm, 1860 © Gallica.bnf.fr / BnF
Le journaliste Charles Frémine a été adjoint à l’unanimité à cette commission. Un concert a suivi le dîner. Puis on a entendu et applaudi Charles Monselet, Paul Sébillot et le journaliste Elie Sorin qui a dit le Mont-Saint-Michel, un poème patriotique en l’honneur de l’Alsace Lorraine perdue
Puis, abordant enfin dans un pieux silence
Sur le Grand-Bè sublime où dort Châteaubriand,
Ecoutez ! Car voici que vient de l’Orient,
Comme un soupir lointain l’écho de sa romance…
L’Alsace dit « Combien j’ai douce souvenance. »
Et la Lorraine attend et lui répond toujours :
« Ma sœur, qu’ils étaient beaux les jours de France ! »
5 La même année 1885 on fête le huitième concours poétique de la Pomme, à Paramé en Bretagne.
Dîner intime à l’hôtel du Parc. Demain à midi, grand banquet. Pendant le repas, nous aurons des joueurs de biniou et de bombarde. La ville est pavoisée, la fête promet d’être brillante.
« Il y avait fête hier 19 août 1885, à Paramé, pour célébrer le huitième concours poétique de la Pomme. La municipalité de Paramé s’est portée au-devant des Pommiers sur la terrasse du Casino où le cidre d’honneur leur a été offert. Les gens de lettres des Pommiers ont tenu leurs assises dans la salle des fêtes du casino.
M. Leconte de Lisle, qui est d’origine créole, présidait cette réunion de Bretons et de Normands. Il était assisté de MM. E. Boursin et Paul Sébillot, présidents honoraires. Citons parmi les lauréats du concours M. Robert Surcouf, descendant du fameux corsaire, MM. Emile Durand et Leballe, musiciens.
Un banquet de cinquante couverts a terminé la fête. Assistaient à la cérémonie MM. Boursin, Paul Nicole, Lemaguet, M. Le Bastard, sénateur, MM. Armez, Louis Hémon, Edmond Henry députés, Etienne Leroux, statuaires, les peintres Michel Bouquet, Paul Sébillot,
le peintre Armand Cassagne
© Gallica.bnf.fr / BnF
le sénateur Le Bastard ; les députés Armez, Lemaguet, Louis Hémon, Edmond Henry in Le Gaulois littéraire et politique, 18 août 1885.
Deux ans plus tard, le 17 février 1887, soit trois ans avant la mort de Michel Bouquet « le prochain dîner mensuel de la Pomme alieu après-demain vendredi, à sept heures, au café Corazza ». La commission de 1887 est ainsi composée : M. Leconte de Lisle président ; faut-il encore le présenter ?
Le poète Leconte de Lisle
Atelier Nadar, Portrait de Leconte de Lisle, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 14 x 10 cm, entre 1875 et 1895 © Gallica.bnf.fr / BnF
Sont présents MM. Paul Sébillot, Boursin, Charles Monselet, Lemaguet, Paul Nicole, Laisant, de Lariboisière, de Marcère, présidents honoraires. MM. Le Bastard, Caurant, Louis Hémon, Edmond Henry, Michel Bouquet, Etienne Leroux, Charles Lenglier, Armand Cassagne,
Emile Durand
© Gallica.bnf.fr / BnF
Charles Frémine, Alphonse Lemerre, Krüg,
Armand Dayot, critique d’art, historien d’art, fondateur de la revue L’Art et les artistes
Lemordant architecte, Jean Boucher sculpteur, Monument à Armand Dayot, Granit et bronze, (fondu en 1943), Paimpol, 1937 © Fonds Debuisson, Musée d’Orsay ; Auteur inconnu à ce jour, Monument à Armand Mayot, Granit, s.d. © Le Télégramme, 2011 ; Armand Dayot, L’Art et les artistes, n° 67, 1909 © Collection particulière
Armand Dayot, Histoire contemporaine par l’Image, 1789-1872, Flammarion, s.d. © Collection partiuclière ; Hamonic éditeur, Armand Dayot, Araok, Carte postale, s.d. © Collection particulière
Paul Collin, Poubelle, Tiphaigne. MM. le docteur Edmond Barré, secrétaire, Hercouët, trésorier, Fournier, archiviste.
Hier soir 20 juin , chez Gilette, joyeuse réunion des « Pommiers », sous la présidence de M. de Marcère. Parmi les convives, MM. Laisant, Charles Monselet, Elie Sorin, Nicole, Boursin, Etienne Leroux, Armand Bayot, Emile Lemoine, Lemaguet, Pelouse, Pradel, Michel Bouquet, Duperron, maire de Flers. C’est le 22 août à Flers que se tiendront les fêtes annuelles de la « Pomme », dont nous avons donné le programme.
6 On repart en province, mais cette fois-ci à Lorient en 1888
Le comité de la Société littéraire et artistique la Pomme convoqué hier 27 mars 1888 chez son président, M. Christophe, gouverneur du Crédit foncier, a décidé d’envoyer une députation aux fêtes qui doivent avoir lieu cet été à Lorient, à l’occasion de l’érection de la statue du poète Brizeux, mort en 1858.
Cette délégation se composera de deux délégués bretons, MM. Michel Bouquet et Paul Sébillot, et de trois délégués normands, MM. Alphonse Lemerre, Charles Frémine et Paul Nicole.
Dans cette réunion, à laquelle assistait le préfet de la Seine, M. Poubelle, de Marcère, le sculpteur Etienne Leroux, le peintre Krug, Boursin, le docteur Collin, le journaliste Jean de Nivelle du Soleil, etc., la « Pomme » a également décidé de prendre l’initiative d’un « congrès des anciennes provinces » qui s’ouvrirait en 1889.
Les sociétés provinciales, littéraires et artistiques, la Cigale, la Soupe aux choux, etc., établies à Paris, seront prochainement convoquées par la « Pomme », qui leur soumettra un programme à ce sujet et sollicitera leur concours.
En 1858, la population et la municipalité de la Ville de Lorient avaient déjà rendu hommage à son poète en faisant édifier un tombeau dans un cimetière lorientais. Cet édifice funéraire a pu être construit grâce à une souscription publique, à l’initiative de du Bouetiez de Kerorguen, membre du Conseil général du Morbihan et ami de François Jégou, l’historien remarquable de Lorient. Il s’agit au vu de l’image certainement du cimetière de Carnel, qui existait déjà en 1736. Le fond à droite permet de reconnaître la tour de la découverte, le port de commerce de la ville à une époque où Nouvelle-Ville était encore en remblais – qui sont d’ailleurs présents sur l’estampe – et les projets urbains seulement à l’état de plans. Le cadre est magnifique. Le titre de Lorient la Jolie n’était pas usurpé.
Monument de César Daly, Buste d’Antoine Etex, Tombeau de Brizeux près Lorient, Le Monde Illustré, 1858 © Gallica.bnf.fr / BnF
Auguste Pélage Brizeux est mort à l’âge de 55 ans. Michel Bouquet va lui survivre 32 ans de plus. Le prénom de Pélage vient du breton Morgan – né de la mer.
Le poème Marie qui l’a rendu si célèbre fut d’abord publié en 1832, et ce de manière anonyme, sous la dénomination de Roman. Ce n’est que 10 ans plus tard que son nom d’auteur apparaîtra sur les éditions, alors que ce poème était déjà devenu célèbre en Bretagne.
Brizeux est un pré-adolescent lorsqu’il fait la connaissance de Marie.
Quelques extraits de cette première édition
Chaque jour, vers midi, par un ciel chaud et lourd,
Elle arrivait pieds nus à l’église du bourg.
Dans les beaux mois d’été, lorsque au bord d’une haie
On réveille en passant un lézard qui s’effraie,
Quand les grains des épis commencent à durcir,
Les herbes à sécher, les mûres à noircir.
Savais-je en ce temps-là pourquoi mon coeur l’aimait,
Si ses yeux étaient noirs, si sa voix me charmait, ou sa taille élancée, ou sa peau brune et pure ?
Non, j’aimais une jeune et belle créature,
Et sans chercher comment, sans rien me demander,
L’office se passait à nous bien regarder.
La première édition de Marie en 1832
Anonyme, Marie, Roman, Paris, Auffray, Canel Libraire, 1832 © Collection particulière
Anonyme, Marie, Roman, Paris, Auffray, Canel Libraire, 1832 © Collection particulière
Ce que l’on sait moins, et comme nous travaillons ici essentiellement sur l’oeuvre artistique du peintre Michel Bouquet, c’est que dans ce même volume figure un poème dédié à Ingres
A M. Ingres
Chacun a son poète, et chacun a sa beauté :
De ce moule où le monde en naissant fut jeté
Des types merveilleux sortirent ; le poète
Comme dans un cristal dans ses chants les reflète
(…)
Et les artistes saints, créateurs après Dieu,
animés de son souffle, éclairés de son feu,
Durent par les couleurs, et le marbre et la lyre,
Rendre de l’univers ce qu’ils y savent lire.
(…)
Chanter, peindre, sculpter, c’est ravir au tombeau
Ce que la main divine a créé de plus beau ;
Chanter, c’est prier Dieu ; peindre, c’est rendre hommage
A celui qui forma l’homme à sa propre image
Comment ne pas mettre ce poème en relation avec le Songe d’Ossian d’Ingres ?
Mais il y a deux versions de ce Songe, la première exécutée en 1812, donc sous l’Empire napoléonien, sous la forme d’un dessin qui nous est parvenu, la seconde, l’huile sur toile de 1813 reprise et modifiée par Ingres lui-même plus de 20 ans après la chute de Napoléon Ier.
La version de 1812
La barde Ossian est appuyé sur sa harpe, Télen en breton, sa femme (décédée) se tient à gauche, son fils est à droite, armé et casqué. Placé au-dessus et en arrière, le père d’Ossian, Fingal, dont Michel Bouquet visitera la fameuse grotte du même nom en Ecosse et en fera une de ses dernières huiles sur toile en 1886
Ingres, Le songe d’Ossian, Dessin préparatoire, Encre, aquarelle, rehauts de blancs, 26 x 21 cm, 1812 © Photographie Thierry Le Mage, Département des Arts graphiques, Paris, Musée du Louvre
La version de 1832, l’année de la première édition de Marie. Il est probable que Brizeux ait soit vu Ingres en train de procéder aux modifications de la toile initiale, soit admiré la toile une fois terminée.
Ingres, Le songe d’Ossian, Huile sur toile, 348 x 275 cm, 1813 retouché au début des années 1830 © Musée Ingres, Montauban
La grotte de Fingal, explorée, dessinée sur place, puis transposée avec la technique de la lithographie sur papier, puis celle de l’huile sur une toile par Michel Bouquet
Fingal’s cave, view from entrance , Staffa
Quatre variations successives sur le thème de la géométrie naturelle et de la caverne : un clin d’oeil à la pensée pythagoricienne et platonicienne ?
Michel Bouquet, The Tourist’s Ramble in the Highlands, Lithography, London, Paris, circa 1850 © Médiathèques de Quimper Bretagne Occidentale
Fingal’s cave, from the interior, Staffa
Michel Bouquet, The Tourist’s Ramble in the Highlands, Lithography, London, Paris, circa 1850 © Médiathèques de Quimper Bretagne Occidentale
Un songe d’Ossian qui a marqué – tout comme Bonaparte qui avait emmené un exemplaire de l’ouvrage de Mc Pherson à Sainte-Hélène – Michel Bouquet tout au long de sa vie, puisqu’il a peint la toile ci-dessous quatre ans avant sa mort
La grotte de Fingal vue de l’intérieur
Michel Bouquet, Grotte de Fingal en Ecosse, 100 x 70cm, Huile sur toile, Salon de 1886, n° 315 du livret du Salon © vente Quimper, 15 décembre 2012
Trois ans auparavant, en 1829, alors que Michel Bouquet et Brizeux se connaissaient déjà, ce dernier avait publié les Mémoires de la duchesse de la Vallière, en deux volumes, toujours anonymes, et ces deux ouvrages étaient rédigés uniquement en français. Quatre ans plus tard, en 1836 Brizeux fait alors paraître un ouvrage rédigé en breton, Barzonek pè Kanououen ar Vretonad ( Bardit ou Chant des Bretons).
Un demi-siècle plus tard, en 1888, soir deux ans avant sa mort, Michel Bouquet se rend à Lorient pour préparer les festivités en l’honneur de Brizeux, une semaine avant les dates officielles des 9 et 10 septembre.
Le 3 septembre 1888 a lieu la séance solennelle annuelle de la Société La Pomme au théâtre municipal de Lorient, avec remise du prix au lauréat du concours l’Eloge à Victor Massé, en présence de Michel Bouquet.
A l’époque le maire de la Ville de Lorient était déjà accusé de se désintéresser de cet évènement « Qu’a fait personnellement le maire M. Roux-Lavergne, président du Comité local pour l’inauguration du monument ? A-t-il seulement ouvert une souscription parmi ses administrés ou plus sépcialement parmi ses électeurs ? Il n’a rien fait, absolument rien ». Mais L’Avenir du Morbihan, 5 septembre 1888 était dans son rôle puisque c’était un journal d’opposition.
Il n’empêche que la municipalité a voté une subvention de 16 000 francs pour l’organisation de cet évènement, ce qui est considérable.
Les fêtes commémorant le poète breton Brizeux ont en effet non seulement fait l’objet d’une organisation remarquable de la municipalité de Lorient, mais aussi d’un élan de coeur des lorientaises et des lorientais qui ont tenu par la variété des spectacles présentés à manifester leur émotion à celui qui avait bercé leur enfance avec Marie.
Pensez que les fêtes se déroulent sur deux jours, les 9 et 10 septembre 1888 !
Le dimanche 9 septembre tôt le matin, toutes les rues, tous les édifices publics, toutes les places de la ville sont décorées. En fin de matinée, vers 11 heures, le conseil municipal de la ville en personne se déplace jusqu’à la gare de Lorient , escorté par les pompiers de la ville en grande tenue ainsi que par les membres d’une société de gymnastique.
Les édiles entourés d’une foule de curieux accueillent à la descente du train le peintre Michel Bouquet, commissaire de la Pomme âgé de 81 ans, Jules Simon, le lorientais agrégé de philosophie devenu ministre, sept ans de moins que Michel Bouquet, opposant célèbre à Napoléon III.
Jules Simon
Atelier Nadar, Portrait de Jules Simon, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 14 x 10 cm, avant 1895 © Gallica.bnf.fr / BnF
Ils accueillent également un autre agrégé de philosophie, Ernest Renan, l’auteur passionné de la Bretagne qui a écrit L’Âme bretonne en 1854, le docteur en histoire dont la thèse porte sur le penseur arabo-musulman Averroès, et surtout l’auteur immortel de La Vie de Jésus qui lui a valu la suppression de son cours par un homme par ailleurs absolument remarquable, Victor Duruy – ce même homme qui avait créé les premiers lycées pour jeunes fille – Renan auteur également entre beaucoup d’autres de Prière sur l’Acropole « Quand je vis l’Acropole, j’eus la révélation du divin », et le toujours d’actualité en ce XXIème siècle qui s’annonce bien chaotique : Qu’est-ce qu’une nation ? en 1882.
Ernest Renan par le célèbre artiste suédois Anders Zorn
Anders Zorn, Ernest Renan, Estampe, 22 x 34 cm, 1892 © Gallica.bnf.fr / BnF
Anders Zorn 1860 1920 qu’on a pu admirer au Grand Palais, à Paris en 2017
Anders Zorn, Vacances d’été, aquarelle, 1886 © Collection particulière, Suède
Après une réception à l’hôtel de ville, tout le monde se dirige vers la rue Poissonnière (aujourd’hui juste à côté de la place Polig Montjarret) pour inaugurer sur les coups de 13h30 la pose de plaque commémorative destinée à Brizeux, qui est posée sur sa maison natale. Succèdent à cet évènement des discours, des poésies, des aubades musicales.
Pendant ce temps de 13h à 17h place Alsace-Lorraine ont lieu des concours de danses bretonnes, récompensées pour le premier prix d’une somme de 20 francs. Sur une partie de la place les membres de la Société de gymnastique La Lorientaise exécutent des exercices divers et variés.
A 15h 30 le cortège officiel quitte l’Hôtel de Ville pour se rendre au square de la Nouvelle-Ville où la statue de Brizeux est enfin inaugurée en présence d’une foule très nombreuse, face à la rade de Lorient, avec force discours et musiques militaires.
La statue de Brizeux, face à la mer dans le jardin Brizeux à Lorient
La statue de Brizeux au square de la Nouvelle-ville, Carte postale, avant 1902 © Collection particulière
Aujoud’hui, si le square situé derrière les grandes barres de Lorient Habitat donnant sur la rade et la mer s’appelle toujours Brizeux, la statue a été reléguée dans la jardin Chevassu
Pierre Ogé, Le poète Brizeux, 1888 © Patrimoine de Lorient, Lorient.Bzh
où l’entretiennent Jacques et Laurent
Jacques et Laurent posant devant la statue du poète Brizeux datant de 1888 © Le Télégramme, 6 janvier 2012
Puis tout le monde se dirige vers le Cours des Quais et le Bassin à Flot où ont successivement lieu des jeux publics, terrestres et nautiques.
Enfin un banquet se tient rue Fénelon, à la salle d’asile. Le public y est très nombreux, la municipalité ayant lancé des invitations qui n’étaient pas limitées aux seules élites locales.
Mais la salle située tout près de la place Alsace-lorraine, est grande
Salle d’Asile, rue Fénelon, Plan de Lorient, 1894 © Collection Archives de Lorient
et si le temps est beau, il y a de la place à l’extérieur
Salle d’Asile, Plan de la salle, 1843 © Collection Archives de Lorient
Et pour couronner une si belle journée, on organise une grande fête de nuit, avec de grandes illuminations tout au long du cours de la Bôve, du Théâtre, du Cours des Quais, de la rue du Pont-Tournant, du square de Cherbourg et de l’Hôtel de Ville.
A cela s’ajoutent des concerts et à partir de 22 heures un grand feu d’artifice.
Et pour terminer en beauté, suit une retraite aux flambeaux avec un char d’artifice qui part du Cours des quais, traverse la place Alsace-Lorraine et la rue Victor Massé jusqu’à la grille de l’Arsenal.
Le lendemain, la fête recommence avec une représentation de gala au théâtre où sont lues des poésies de Brizeux, le tout mis en musique par le compositeur E. Durand.
Théâtre de Lorient, Carte postale, circulation avant 1920 © Collection particulière
Lui succède un opéra en trois actes, Don Pasquale.
C’est une vie culturelle très riche qui avait cours à Lorient à la fin du XIXème siècle.
Auguste Lepage dans Les dîners artistiques et littéraires de Paris, rappelle que la Pomme n’a jamais été seulement un espace de sociabilité artistique et littéraire, mais que les hommes politiques en ont toujours fait intrinsèquement partie.
Si parmi les peintres on y rencontre Evariste Luminais, dont les réserves picturales de la Ville de Lorient détiennent encore aujourd’hui une oeuvre, une des rares heureusement qui aient été un peu abîmées par les déménagements successifs auxquels on a soumis cette prestigieuse collection picturale, de culture bretonne pour 200 toiles d’entre elles,
Evariste Luminais, une huile possédée par Michel Bouquet
Evariste Luminais, Sous-bois à la fontaine, Huile sur carton, 47 x 34 cm, avant 1896, acheté par la Ville de Lorient en 1895 © Réserves picturales de la Ville de Lorient, inv. n° 154
d’autres artistes y figurent comme Chaplin, Lesrel, Léonce Petit, Georges Bellenger, Michel Bouquet, Paul Sébillot, les statuaires Étienne Leroux et Legoff, l’aquarelliste Cordier ;
des romanciers, des journalistes Charles Canivet, Charles Monselet critique des théâtres au Monde illustré, Yves Guyot, ancien rédacteur en chef du de feu Le bien public, Louis Enault, critique d’art,
des journalistes Guettier, Morin et Léon Angevin rédacteur du Télégraphe, Hippeau de l’Evénement, Constant Guéroult dans La petite presse, Delalande, Laisant le Directeur de la République radicale,
les poètes Charles Frémine et Raoul Fauvelle, des musiciens, Robert Planquette,
Louis Liard le très célèbre Recteur de l’Académie de Caen proche d’Emile Durkheim et de Louis Pasteur auquel la Sorbonne a rendu hommage en donnant son nom à un amphithéâtre de cette prestigieuse Université,
on trouve tout au long de ces années des hommes politiques comme Jules Simon, de Marcère, anciens ministres, les sénateurs Berthaud et Labiche, le comte de Lariboisière, des députés,
et l’architecture du pouvoir central à savoir Waldeck-Rousseau, Ministre de l’intérieur, Poubelle préfet de la Seine et Camescasse préfet de police,
des hauts fonctionnaires du Ministère des finances , des médecins, des avocats , des militaires dont l’ex-gouverneur de Paris le général Lecointe, le chimiste Naudin.
Une société qui mélange des hommes – et que des hommes – venus d’horizons sociaux divers, mais tous issus de Bretagne ou de Normandie ou concourant à la promotion de ces deux ensembles géographiques et culturels, et dont le relationnel croisé est très efficace pour construire ou entretenir sa carrière.
Voilà certainement, outre son indéniable talent pictural et son remarquable sens commercial, une des raisons qui font que Michel Bouquet ait été un acteur, discret mais très présent, de la scène picturale parisienne de 1835 à 1890.
Michel Bouquet s’intéresse aussi à Roscoff, par amour de la Bretagne et de ses régions adjacentes, mais également en tant que capitaine d’industrie picturale pour y dénicher les acheteurs de ses créations artistiques…