12 Les achats et commandes royales et impériales après Versailles
Pour vivre un artiste dépend souvent des commandes officielles. C’est le cas de Théodore Gudin.
Dès son arrivée à Paris, la chance ou le talent de Michel Bouquet a été de fréquenter l’atelier d’un favori des rois Charles X et Louis-Philippe, Théodore Gudin. Mais sa personnalité particulière et son art du relationnel font qu’il va réussir le tour de force de se faire accepter par les cercles aristocratiques ; puis, alors que les frontières entre ces deux mondes deviennent de plus en plus poreuses au cours du XIXe siècle, presque concomitamment par les milieux de la très haute bourgeoisie. On peut d’ailleurs se demander, lui qui a eu l’éducation d’un enfant de marchand lorientais – certes faite aussi de sociabilité et d’urbanité due à une certaine aisance – où il a pu puiser cet art si consommé de la séduction des élites. Il y a un côté mitterrandien chez Michel Bouquet.
Choisi par Gudin pour exécuter une partie des toiles destinées à la galerie des marines à Versailles, il a su séduire non seulement son maître en peinture, mais aussi les décideurs aristocratiques en matière d’achat pour le roi Louis-Philippe, puisqu’il a l’honneur de voir une de ses toiles meubler les appartements privés du roi au palais de Saint-Cloud.
1 Le marchepied Versailles : la gloire de voir un de ses tableaux acheté par le roi Louis-Philippe pour le château royal de Saint-Cloud en 1841
Une huile sur toile de Michel Bouquet est placée en 1841 dans les appartements mêmes du Roi Louis-Philippe au Château de Saint-Cloud. Il s’agit du Paysage, Effet de soleil couchant présenté au Salon de 1839, n° 226 du livret du Salon, qui voisine avec la Vue de l’étang de Ville-d’Avray de Louis Cabat, dans le vestibule du Roi donnant sur le salon de l’Aurore et l’escalier de la Reine, in Notice des peintures et sculptures placées dans les appartements du Palais de Saint-Cloud, Paris, Vinchon, 1841, p. 29.
Il fait ainsi partie des 150 peintures et sculptures qui ornent ce château royal, dont Boucher, Canaletto, Coypel, Garneray, Giorgione, Guardi, Gudin, une Vue prise au large du port de Lorient, Charles Lebrun, Lesueur, Mignard, Natoire, Nogret, Pigalle, Ary Scheffer, Van der Meulen, Vernet.
Etienne Allegrain, 1644-1736, Vue cavalière du château, jardins bas et de la ville de Saint-Cloud, 3000 x 3830 cm, s.d. © images-art.fr, Château de Versailles, Photographie Gérard Blot
Grâce à son talent reconnu au plus haut niveau, Louis-Philippe en personne ayant acheté une de ses toiles, puis par la suite, grâce surtout à ses relations et à son entregent, Michel Bouquet obtient des commandes officielles sous le roi des français Louis-Philippe, puis sous l’empereur des français Napoléon III.
2 Une place privilégiée pour cette toile de Michel Bouquet dans les appartements privés de Louis-Philippe Ier, Roi des français
William Wyld 1806-1889, Le château de Saint-Cloud en 1855, huile sur toile, Aquarelle et gouache, 32 x 46 cm, 1855 © Windsor Castle, Royal Library
Nous connaissons l’existence en 1841 d’une huile sur toile de Michel Bouquet, Paysage, Effet de soleil couchant, qui est placée dans les appartements mêmes du Roi Louis-Philippe au Château de Saint-Cloud.
Le tableau de Michel Bouquet était placé dans les appartements mêmes du roi Louis-Philippe. La mention en est faite dans la Notice des peintures et sculptures placées dans les appartements du Palais de Saint-Cloud, Paris, Vinchon, 1842. Cette huile sur toile, Paysage, effet de soleil couchant présenté par Michel Bouquet au Salon de 1839, n° 226 du livret du Salon, qui voisine avec la Vue de l’étang de Ville-d’Avray de Louis Cabat, est accrochée dans le vestibule du Roi donnant sur le salon de l’Aurore et sur l’escalier de la Reine. C’est dire le succès auquel est arrivé le peintre, et surtout les retombées qu’il peut espérer de la part de la cour, qui voudra également afficher chez elle un peintre dont le talent est reconnu par Sa Majesté elle-même.
Emplacement probable de la toile de Michel Bouquet ( en rouge )
Plan des appartements du 1er étage de Saint-Cloud à l’époque de Napoléon III © Reconstruisonssaintcloud.fr
Emplacement probable de la toile de Michel Bouquet ( en rouge )
Au premier-plan l’ escalier de la reine Marie-Antoinette, au second plan, le vestibule, au troisième plan derrière les vitres, le salon de l’Aurore
Reconstitution du vestibule, 1er étage de Saint-Cloud © Reconstruisonssaintcloud.fr
fait ainsi partie des 150 peintures et sculptures qui ornent ce château royal, dont Boucher, Canaletto, Coypel, Garneray, Giorgione, Guardi, Gudin, une Vue prise au large du port de Lorient, Charles Lebrun, Lesueur, Mignard, Natoire, Nogret, Pigalle, Ary Scheffer, Van der Meulen, Vernet.
Malheureusement la profonde stupidité d’un officier français qui n’hésita pas en 1870 de donner l’ordre de bombarder le château, alors occupé par le quartier général allemand, aboutit à la destruction totale du palais par un gigantesque incendie. De cette œuvre, si admirée en son temps, nous n’avons plus rien, hormis une reproduction dans la revue l’Artiste, journal de la Littérature et des Beaux-Arts, 1939, tome 3.
Léon Sabatier, dessinateur, Albert Adam, graveur, Château de Saint-Cloud incendié par les prussiens, 33 x 49 cm, inv. G 988.19.106 © Musée historique du domaine de Saint-Cloud
Anonyme, Ruines du château de Saint-Cloud, Photographie, entre 1870 et 1900 © Agence d’images de la Défense
Mais il nous reste peut-être un espoir de retrouver cette oeuvre. En effet des tableaux ont été sauvés de l’incendie et sont actuellement conservés dans les grands musées ou palais nationaux, car dès la nouvelle connue des premiers défaites militaires, l’Impératrice Eugénie avait en effet donné l’ordre de transporter à Paris, au Louvre et au Garde-Meubles, les tableaux et objets d’art qui ornaient le palais. Cette opération dura jusqu’au 19 septembre, moment où les allemands ont occupé le château. Peut-être incluait-elle la toile intitulée Paysage, Effet de soleil couchant, Huile sur toile, Salon de 1839, n° 226 du livret du Salon, Musée Royal ?
Ou a-t-elle été sauvée dans d’autres circonstances et figure-elle dans une collection privée ou dans un musée français ou allemand ? En effet dit Yvan Christ, dans Histoire de Saint-Cloud,www.napoleontrois.fr « Au pillage des Prussiens s’ajouta, en février 1871, à l’issue des combats celui des Français qui firent main basse sur tout ce qui avait pu subsister de l’ancienne splendeur du château. « Maraudeurs d’un côté, Prussiens de l’autre, dit le comte Fleury, « cognèrent, frappèrent, détruisirent pour détruire ce qui ne pouvait être emporter »?
3 Une commande offficielle de Louis-Philippe Ier, Roi des français : la vue du port et de la ville de Lorient en 1845
1845 Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, 103x188cm, Salon de 1845, n° 194 du livret du Salon, Commande de l’Etat du 8 février 1844, Don du Ministère de l’intérieur, 1845 ; in Auguste Castan, Catalogue des peintures, dessins, sculptures et antiquités du Musée de Besançon, n° 40, Besançon, 1886; Inventaire D.845-1-1, Musée de Besançon
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
La terre : une approche quasi-photographique de la ville de Lorient
Vue générale
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Quai des Indes
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
L’abattoir
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Eglise Saint-Louis, Vigie de la tour de la Découverte
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
La colline du Faouedic
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Le parc de l’hôtel Gabriel
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
L’hôpital maritime
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
La caserne des mécaniciens
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
La cale couverte de l’arsenal, La machine à mâter
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
La corvette de trois mâts La Galathée
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Les cales de construction de Caudan
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Bateau à voile, vapeur et roue à aubes, Pontons de l’arsenal
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
L’air : un ciel nuageux du clair au menaçant
Stratocumulus
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Cumulus
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Nimbostratus
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Mouettes
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
pétrels
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
goélands, jamais vide n’est le ciel marin
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
L’eau : le traitement des vagues
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Le sillage conserve un angle constant quelle que soit la vitesse du bateau, Lord Kelvin, On the turbulent motion of water, Nature, XXXVI, 29 septembre 1887
mer qui moutonne
lames, canot à la dérive
goélands carnassiers, introduction de l’effroi dans la toile
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
L’air : le vent qui se lève
Michel Bouquet, Vue du port et de la ville de Lorient, prise de la rade, Huile sur toile, 103x188cm, Salon de 1845 © Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, Photographie C. Choffet
Et hisse le grand foc ! — la loi me le commande.
Largue les garcettes, sans gant !
Étarque à bloc ! — L’homme est libre et la mer est grande.
La femme : un sillage !… Et bon vent !
Tristan Corbière, Les amours jaunes, 1873
4 Une commande de Napoléon III, empereur des français en 1858
Présentée au Salon en 1861, La Grotte de Fingal, dans l’île de Staffa en Ecosse, une Huile sur toile, n° 368 du livret du Salon, a fait l’objet d’une Commande de l’Etat en 1860 après décision ministérielle du 8 mars 1858 et du 14 mai 1860.
Sa présence est attestée dans plusieurs actes administratifs : elle a été mise au Dépôt du Musée de Saint-Malo en 1867, Archives nationales AR317971, puis fait l’objet d’une mention sous le nom de La grotte de Fingal, côtes d’Ecosse, huile sur toile, Identification FH en 1867, Fonds national d’art contemporain ou Saint-Malo, Musée d’histoire et d’ethnographie ; et enfin appelée Vue de la grotte de Fingal, Ecosse, dans la pièce 16 du dossier F/21/4910/A , également en 1867.
Malheureusement cette toile a été détruite par les bombardements lors de la seconde guerre mondiale.
Michel Bouquet, La grotte de Fingall dans l’île de Staffa en Ecosse, commande, prix de l’oeuvre 2000 fr.Dossier 20, cote F/21/121 © Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine
Nous pouvons avoir une idée de ce à quoi elle pouvait ressembler. Fidèle à son habitude, Michel Bouquet exécute souvent des croquis ou des dessins qu’il va convertir en pastel ou en huile sur toile. Il fait d’abord la publicité de ses dessins dans le journal L’Illustration de 1850, accompagné d’un texte de sa main » Nous pénétrons, non sans peine, dans l’intérieur de la cave de Fingal..Tantôt les vagues, marbrées d’écume blanche, montaient jusqu’à nous, et tantôt, en se retirant, ouvraient sous nos pieds des abîmes en nous laissant suspendus au bout d’un pilier. J’ai fait un croquis de l’intérieur de la grotte, perché ainsi, comme un cormoran, mon carton sur mes genoux et les jambes pendantes sur le gouffre ; il se sent de l’émotion fiévreuse que me donnait un spectacle si poétique, et un peu aussi du vertige produit par mon atelier aérien. »
Michel Bouquet, La grotte de Fingall dans l’île de Staffa en Ecosse, Lettres sur l’Ecosse, L’Illustration, 1850 © Bibliothèque de Landévennec
Dix ans plus tard, en juillet 1859, son compatriote nantais Jules Verne allait également visiter cette grotte, qu’il insère dans son roman paru en 1882, Le rayon vert :
« Le «rayon vert» est un phénomène atmosphérique rarissime, décrit dans un prétendu article du ‘’Morning Post’’ : il se produit lorsque le soleil disparaît sur l’horizon le plus pur. Une jeune Écossaise, Miss Helena Campbell, que ses oncles, Samuel et Sébastien Melville, rêvent de marier à l’étrange Aristobulus Ursiclos, a juré de contempler ce splendide rayon avant de songer à se marier, car «ce Rayon-Vert se rapportait à une vieille légende, dont le sens intime lui avait échappé jusqu’alors, légende inexpliquée entre tant d’autres, nées au pays des Highlands, et qui affirme ceci : c’est que ce rayon a pour vertu de faire que celui qui I’a vu ne peut plus se tromper dans les choses de sentiment ; c’est que son apparition détruit illusions et mensonges ; c’est que celui qui a été assez heureux pour I’apercevoir une fois, voit clair dans son coeur et dans celui des autres.»
Pour assister au fabuleux spectacle, Miss Campbell se rend à I’ouest du littoral écossais, sur l’île rocheuse de Staffa où se trouve la grotte de Fingal, et contemple chaque soir le soleil se couchant sur I’horizon dégagé. Mais chaque fois, le ridicule Aristobulus Ursiclos gâche I’observation par quelque maladresse. La jeune fille rencontre un séduisant artiste peintre, Olivier Sinclair, et tombe amoureuse de lui. Au point que, lorsque le rayon vert se laisse enfin observer, elle n’a d’yeux que pour le jeune homme : «Le Rayon-Vert ! le Rayon-Vert ! s’écrièrent d’une commune voix les frères Melvill, Bess et Partridge, dont les regards, pendant un quart de seconde, s’étaient imprégnés de cette incomparable teinte de jade liquide. Seuls, Olivier et Helena n’avaient rien vu du phénomène, qui venait enfin d’apparaître après tant d’infructueuses observations ! Au moment où le soleil dardait son dernier rayon à travers I’espace, leurs regards se croisaient, ils s’oubliaient tous deux dans la même contemplation !… Mais Helena avait vu le rayon noir que lançaient les yeux du jeune homme ; Olivier, le rayon bleu échappé des yeux de la jeune fille ! Le soleil avait entièrement disparu : ni Olivier ni Helena n’avaient vu le Rayon-Vert ».
Autre particularité de cette grotte, sa sonorité. En gaélique, An Uaimh Bhinn, signifie » la grotte mélodieuse ». Félix Mendelssohn qui l’avait visitée lui a consacré en 1832 une Ouverture, La Grotte de Fingal, Opus 26.
En 1886 Michel Bouquet présente une autre version de la Grotte de Fingal en Ecosse, une huile sur toile de 100x70cm, n° 315 du livret du Salon.
Léon Séché en donne une interprétation dans la Revue de Bretagne et d’Anjou du 30 novembre 1886 : » La Grotte de Fingal du peintre-poète Bouquet nous a plus davantage. Certainement un artiste affamé de succès et comme on dit épris de modernité ou de modernisme aurait poussé au noir ce tableau et ajouté à la difficulté d’un sujet qui semble si dénuée d’intérêt ; mais M. Bouquet a su éviter l’écueil.
Le soleil, en pénétrant dans la grotte fameuse où ce plagiaire de Mac-Pherson a placé les scènes d’Ossian, varie l’effet monotone des basaltes, et le ciel qu’on découvre, bleu et semé de petits nuages dorés, luit au loin plein d’espérance ! »
Michel Bouquet, Grotte de Fingal en Ecosse, huile sur toile, 100x70cm, signée en bas à droite et datée, 1886 © vente Quimper, lot 64, 15 décembre 2012
Si on prolonge l’analyse de Léon Séché, on peut soulever un pan plus méconnu de la pensée bouquetienne, une vision de l’homme qui est celle de Platon dans La Caverne, « Ils tournent le dos à l’entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d’objets au loin derrière eux qu’ils prennent pour la réalité. »
5 Une commande de Napoléon III, empereur des français en 1861.
J’aime la petite pluie
Qui s’essuie
D’un torchon de bleu troué !
Tristan Corbière, Les Amours jaunes, 1873
Avel, avelou, holl avel. Vents, vents, tout n’est que vent. Proverbe breton
Michel Bouquet, Le vaisseau le Vétéran commandé par S.A.I. Le prince Jérôme entre dans la baie de Concarneau le 25 août 1806, Huile sur toile, 82x117cm, Salon de 1861, n° 367 du livret du Salon, Commande de l’Etat, don de l’empereur Napoléon III, dépôt de l’état en 1875 © Musée des Beaux-arts de Brest
Sur le plan de la maîtrise technique de la peinture à l’huile et de la connaissance de la construction d’un bateau de guerre à voiles, honnêtement, qu’a Michel Bouquet à envier au rendu et à la mise en couleur de Willem van de Welde le jeune ?
Un coup de canon
Michel Bouquet, Le vaisseau le Vétéran commandé par S.A.I. Le prince Jérôme entre dans la baie de Concarneau le 25 août 1806, Huile sur toile, 82x117cm, Salon de 1861 © Musée des Beaux-arts de Brest
Le coup de canon
Willem van de Welde le jeune, Le coup de canon, huile sur toile, 78x67cm, 1680 © Rikjmuseum d’Amsterdam
Ces commandes officielles, toujours payées un très bon prix à Michel Bouquet, lui permettent de faire face aux moments difficiles de sa vie d’artiste. Mais cette source va se tarir progressivement, car tout change dans le monde de la vente des oeuvres. D’autres acteurs font leur apparition, les marchands d’art signant des contrats souvent d’exclusivité avec leurs protégés comme Henry Moret avec Durand-Ruel, d’autres concurrents en nombre et en qualité envoient leurs oeuvres sur un marché de l’art qui connaît de sérieuses crises.
Les artistes qui se veulent indépendants des marchands, comme Michel Bouquet l’a toujours été, doivent donc trouver de nouvelles sources de commandes, passer par de nouveaux systèmes de vente, trouver de nouveaux clients potentiels, et à cette fin se créer de nouveaux réseaux relationnels pour faciliter l’écoulement de leurs créations. Il est introduit dans les milieux aristocratiques, pour lesquels l’argent est un certitude telle que le souci d’en gagner leur est complètement étranger, libres de leur temps, nourrissant leur oisiveté mondaine de toutes les formes d’esprit, amateurs d’un art de la nature, sans tomber dans le naturalisme en cette première moitié du XIXe siècle, et surtout admiratifs de la maîtrise technique exceptionnelle d’un peintre.
Ces milieux sont naturellement sensibles à l’effet visuel de la peinture, on n’achète pas ce pour quoi on ne penche pas, mais la personnalité de Michel Bouquet, un homme d’esprit, cultivé, de bonne compagnie et d’un talent rare par la diversité des techniques difficiles qu’il aborde, dont le pastel, et plus tard la faïence au grand feu, font de lui un homme hors du commun, un des meilleurs, en grec ancien les aristoï, ce qui correspond exactement à la valeur cardinale d’intégration des nouveaux venus. Et les milieux aristocratiques agrègent Michel Bouquet.