19 La trame relationnelle parisienne du café de la Roche : un véritable Parnasse rochefoucaldien
This space of sociability has two essential functions in the eyes of Michel Bouquet.
The first is that you can talk freely about art with your peers, who by their very presence legitimizes the artistic value of the painter.
The second is that this network functions as a chain of mutual aid in a context of increased artistic competition given the explosion in the number of people who made a living from the arts, whether pictorial, statuary, musical, literary or architectural. . This cenacle, because it is one, in the senses of the muses they like to approach, shows that Michel Bouquet was perfectly aware of all artistic trends and that he knew a number of actors.
Michel Bouquet in the last thirty years of his life has always lived in a narrow area, that of Montmartre. He successively lived at 77 rue Pigalle from 1859 to 1867, then 11 place Pigalle from 1867 to 1869 to reach the apartment he occupied from 1870 until his death, at 56 rue de la Rochefoucauld, in the heart of New Athens.
It is thus located less than 100 meters from the house of Ary Scheffer whose daughter Cornelia had bought a work by Michel Bouquet, and whose brother had married the daughter of Ernest Renan. It is very likely that Michel Bouquet visited this house. He knew Renan well, having come to attend the cremation of his body on his death in 1890. Gustave Moreau's mansion is a stone's throw away in the same street. The New Athens painters 'district is a breeding ground for creators: 160 of the 530 workshops listed by the Artists' Directory are located in this district.
The Montmartre café named La Rochefoucaud, at the corner of rue Notre-Dame de Lorette and rue de la Rochefoucaud, in the 9th arrondissement, hosted every evening for more than 25 years until the 1880s a group of men of various professions, including Michel Bouquet.
Cet espace de sociabilité a deux fonctions essentielles aux yeux de Michel Bouquet.
La première c’est qu’on peut y parler librement d’art avec ses pairs, qui par leur seule présence légitiment la valeur artistique du peintre.
La seconde, c’est que ce réseau fonctionne comme une chaîne d’entraide dans un contexte de concurrence artistique accru eu égard à l’explosion du nombre de personnes qui vivaient des arts qu’ils soient picturaux, statuaires, musicaux, littéraires ou architecturaux. Ce cénacle, car c’en est un, aux sens des muses qu’ils aiment aborder, montre que Michel Bouquet était parfaitement au courant de toutes les tendances artistiques et qu’il en connaissait nombre d’acteurs.
Michel Bouquet dans les trente dernières années de sa vie a toujours habité dans un périmètre étroit, celui de Montmartre. Il a successivement vécu au 77 rue Pigalle de 1859 à 1867, puis 11 place Pigalle de 1867 à 1869 pour rejoindre l’appartement qu’il occupera à partir de 1870 jusqu’à sa mort, le 56 rue de la Rochefoucauld, au coeur de La Nouvelle Athènes.
Il se trouve ainsi situé à moins de 100 mètres de la maison d’Ary Scheffer dont la fille Cornelia avait acheté une oeuvre de Michel Bouquet, et dont le frère avait épousé la fille d’Ernest Renan. Il est très vraisemblable que Michel Bouquet se soit rendu dans cette maison. Il connaissait bien Renan, celui-ci étant venu assister à la crémation de son corps à sa mort en 1890. L’hôtel particulier de Gustave Moreau est à deux pas dans la même rue. Le quartier des peintres de la Nouvelle Athènes est une pépinière de créateurs : 160 des 530 ateliers recensés par l’Annuaire des artistes sont localisés dans ce quartier.
Le café de Montmartre nommé La Rochefoucaud, au coin de la rue Notre-Dame de Lorette et de la rue de la Rochefoucaud, dans le 9e arrondissement, a accueilli tous les soirs pendant plus de 25 ans jusque dans les années 1880 un groupe d’hommes de professions variées, dont faisait partie Michel Bouquet.
Café de la Rochefoucaud et salles de réunion au premier étage
Le café La Rochefoucaud et les salles de réunion du Parnasse Rochefoucaldien au premier étage, Photographie, 2019 © Google Maps
En 1853 son premier noyau comptait Alfred de Musset et Théophile Gautier dans ses rangs. Ces derniers venaient du cénacle « Le Divan » de la rue Le Pelletier qui avait connu des remous internes importants après le coup d’état de décembre 1852 par le futur Napoléon III.
Habitant juste à côté, Michel Bouquet fréquente assidûment ce café accolé à son immeuble, dans lequel il possède un appartement, au 56 rue de la Rochefoucaud.
Le 56, immeuble de pierre de taille où réside Michel Bouquet, le café La Rochefoucaud est accolé à droite
Immeuble occupé par Michel Bouquet et le café La Rochefoucaud adjacent, Photographie, 2019 © Google Maps
Ce café est un des lieux de rendez-vous préféré des peintres dits académiques, des artistes dits convenables comme Jean-Jacques Henner, Fernand Cormon, Henri Harpignies. On y rencontre au rez-de-chaussée les appelés réalistes à partir de 1860, les ainsi nommés symbolistes et impressionnistes, qui ne faisaient pas que s’ignorer réciproquement.
Il était fréquenté par Degas qui y échangeait des propos acides avec Gustave Moreau – non par opposition picturale, mais par aversion personnelle réciproque pendant une certaine période – par Renoir, Forain, le sculpteur Carrier Belleuse, Maupassant, Gervex qui a connu une éclatante carrière de peintre mondain, Fantin-Latour, Manet, Baudelaire.
On pouvait y rencontrer les fielleux Goncourt en 1861, qui en ont laissé une description sévère, celle du rez-de-chaussée seulement, n’ayant jamais été admis au premier étage.
Passé neuf heures du soir, le maître des lieux qui continuait à servir ses clients au rez-de-chaussée empêchait les intrus, notamment le public de la salle du rez-de-chaussée, de monter en leur criant « Pas là-haut, Monsieur, pas là-haut !… c’est une Société ! ».
L’espace était ainsi privatisé au profit d’une société qui cooptait ses membres. Il ne s’agissait donc pas d’un café littéraire, ouvert au public, ni d’un salon mondain, mais d’un espace réservé à des membres choisis dans un espace clos, ce qui écartait ainsi les importuns, et exclusivement masculin. Le qualifier de littéraire est un peu court, les artistes étant majoritaires, peintres et musiciens. S’il comptait parmi ses membres des hommes de la presse, il y avait aussi des architectes, des philosophes, des photographes, et des scientifiques.
C’est un espace particulier, différent d’un cénacle adulant un maître de type mallarméen, car il n’y a pas dans la Société de La Roche de maître ou de gourou, mais des hommes conscients de leur valeur respective, entretenant entre eux des relations égalitaires. Le terme employé par le propriétaire du café qui leur loue les deux pièces du premier étage est « une Société », c’est-à-dire « un groupe de personnes entretenant des relations, qui se réunissent pour se distraire, pour le plaisir de la conversation ».
Mais il ne s’agit pas d’un échange de mondanités souvent superficielles de type salon, encore qu’il faille sérieusement nuancer ce propos typique d’une représentation primaire de la lutte des classes, mais d’un espace de réflexion. C’est de cette définition que se rapproche le groupe dont faisait partie Michel Bouquet car, selon Schanne, ces hommes « échangeaient leurs points de vue ». Alexandre Schanne qualifie en outre les escaliers du café qui menaient au premier étage de Degrés du Parnasse, preuve que les réunions et les débats étaient de qualité.
La qualification de Parnasse fait aussi référence aux Recueils poétiques d’Alphonse Lemerre parus à partir de 1866 qui promouvait un art uniquement tourné vers la beauté, exempt d’engagement politique, valorisant un concept fondamental pour la Société celui du travail, souvent acharné, qui conduisait au travers de recherches très approfondies l’artiste sur le chemin de la maîtrise de son art et donc de la beauté, rejoignant en cela le mot de ralliement d’un des premiers membres du cénacle disparu du Divan, Théophile Gauthier : « L’art pour l’art ».
Une philosophie que Michel Bouquet partageait totalement, lui qui voyait dans la maîtrise technique, celle du pastel ou celle de la faïence au grand feu autant de défis pour passer de la matière à l’harmonie.
Les membres de cette espace de sociabilité se réunissaient donc au premier étage pour bavarder, se donner des informations utiles, analyser et débattre de la scène artistique parisienne, des dernières tendances, entre consommations d’un bock, d’une absinthe ou d’une bouteille de vin, fumer la pipe, et ceci dans deux pièces, une grande et une petite.
Ce n’était pas un groupe qui rentrait dans le cadre habituel des historiens de l’art amateurs d’exclusions pour mieux leur permettre de créer des groupes artistiques antagonistes, mais un lieu où l’on rencontrait des naturalistes classiques comme Michel Bouquet si tant est qu’on puisse lui accoler ce qualificatif, mais aussi des amis de Courbet, de Manet, de Baudelaire, des peintres régionalistes, un élève de François Rude, des compositeurs classiques comme Quidant et Ravina, Aimé Millet – un maître de Louis Majorelle fils d’un fabricant de meubles, de Berthe Morisot fille d’un préfet, ou du sculpteur Pompon fils d’un compagnon du devoir menuisier ébéniste – des poètes, des auteurs d’opérettes, des défenseurs de Degas.
C’était une Société brillante sans a priori artistiques, que Schaunard a partagé entre assidus, fréquents et rares. Michel Bouquet était rangé dans la catégorie des assidus.
La composition de la société montre qu’il ne s’agissait pas d’un groupe bravant les institutions, mais au contraire d’un groupe parfaitement intégré à celles-ci, bénéficiant de commandes officielles, et connaissant tous le succès dans leurs domaines respectifs.
S’y côtoyaient des roturiers et des aristocrates, des habitués des salons tels Michel Bouquet ou le pianiste Charles-Wilfrid de Bériot et des membres de la Bohème comme Murger, seuls le talent et la réussite professionnelle visible à l’échelle parisienne apparaissant comme le critère de sélection des membres.
S’il mangeait souvent le soir au rez-de-chaussée avec son gendre le peintre Gérôme, l’extraordinaire entrepreneur qu’était Goupil, à l’affût permanent de toutes les nouvelles techniques qui pouvaient lui assurer la fortune dans la vente des arts, qui employait Théo et Vincent Van Gogh, montait de temps en temps au premier rejoindre cette société. C’était un des vecteurs de la promotion de l’artiste Michel Bouquet, qui a exposé dans sa galerie pour y lancer sa campagne de promotion de ses créations en faïence au grand feu en 1864 : « Un public nombreux se pressait hier à la porte de M. Goupil pour examiner une faïence d’assez grande dimension, peinte sur émail cru. Ce qui nous surprend, ce n’est pas de voir un paysage sur faïence. On en fait souvent entrer, et des plus jolis, dans la décoration de fabrique ; mais ceux-là ne sont jamais d’un coloris ni bien vrai, ni bien varié. Nous avons constaté au contraire dans l’essai de M. Michel Bouquet, une énergie de couleur et des variétés de tons qui promettent de nouvelles et précieuses ressources à la peinture du paysage. » In l’Union des Arts, 6 février 1864, p.93
Le photographe Nadar faisait également partie de ce cénacle. Son atelier a tiré un portrait de Michel Bouquet.
Atelier de Nadar, Portrait de Michel Bouquet, épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre, contrecollée sur papier canson, 10 x 6 cm, 1870 © mages-art.fr, Musée d’Orsay
A ce groupe, très soudé selon Schaunard, s’adjoignaient régulièrement d’autres personnages.
Il y avait des hommes de la presse : A. Arnaud, le secrétaire du Monde illustré, revue née en 1829 qui promouvait un humanisme hérité des Lumières et rédacteur de divers journaux ;
Albert de Lasalle, chroniqueur du Monde illustré et du Charivari, critique musical et historien de la musique, qui signale notamment en 1877 l’ouvrage de Nietzsche sur Wagner, Richard Wagner à Bayreuth, Considérations inactuelles IV, 1876
Portait d’Albert de La Salle, Le Monde illustré, 1886 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Albert de Lasalle et C. Troinan, La musique à Paris, Paris, 1863 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Boniface , le rédacteur du Constitutionnel ; Bourin, rédacteur du Figaro ;
Clément Caraguel, rédacteur du Charivari, le premier journal faisant mention d’un Michel Bouquet dans les années 1830, et feuilletonniste dramatique des Débats
Atelier Nadar, Clément Caraguel, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 8,5 x 5,8 cm, après 1857 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Nadar, Caricature de Clément Caraguel, Dessain au fusain rehaussé de gouache, sur papier brun, 23,2 x 15,5 cm, après 1850 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Caraguel dont Aurélien Scholl rappelle quelques années plus tard dans Le Gaulois à l’occasion de son décès en 1882 qu’il faisait partie de l’ancien cercle littéraire, le Divan Le Pelletier créé en 1846 « A cette époque, ce n’était chaque soir que théories transcendantes sur l’art et discussions politiques de très haute portée.
Quand je fus présenté au Divan, on n’y voyait plus qu’à de rares intervalles Alfred de Musset, déjà sombre et vieilli. Aujourd’hui Léon Gozlan, Gérard de Nerval sont déjà loin. Survivent Théodore de Banville, Théophile Gautier, le sculpteur Millet, Alfred Busquet, Nadar et quelques seigneurs sans importance ».
Les trois dernier nommés appartiennent à la Société de la Rochefoucaud. C’est dans les « quelques seigneurs sans importance » qu’on pourrait trouver Michel Bouquet, qui vivait à 800 mètres de là. A-t-il fait partie du cénacle du Divan Le Pelletier ? Nous l’ignorons. En tout cas Scholl, qui est réputé pour être un violent polémiste, et à ce titre, très redouté, fait partie de la Société de la Roche.
Atelier Nadar, Portrait d’Aurélien Scholl, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 8,5 x 5,8 cm, après 1870 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Les Goncourt ne sont pas vraiment appréciés de ces hommes. En témoigne l’épitaphe anticipée qui fut faite en 1858 à leur sujet
« Edmond et Jules dort ici ;
Ce caveau froid est sa demeure.
Tous deux est mort à la même heure ;
Sa plume est enterrée aussi. »
le monde de la littérature avec les hommes de lettres Georges Bell † 1889, décédé un an avant Michel Bouquet
Georges Bell, Etude littéraire sur Méry, Paris, © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Etienne Carjat, Georges Bell, Photographies positives, 1865 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Guichardet le Directeur de la somptueuse revue Beaux-Arts. Le texte ci-dessous de Charles Monselet, un autre membre du cénacle de La Roche, donne une idée de l’ambiance qui pouvait régner au premier étage du café de la Rochefoucaud.
« Guichardet a de l’appétit et de l’esprit. Viveur élégant et splendide, il a frayé jadis avec Stendhal, avec Balzac, avec Ourliac, Harel, Lireux, avec tous ceux qui ont interrogé la vie à bras-le-corps et qui ont attiré à eux le plus d’émotions. Hier il tenait table avec les deux Musset, ses intimes ; ce matin il a souffleté quelques bouchons de champagne en compagnie de Roger de Beauvoir. Il a été radieux, enchanteur et enchanté. De qui n’est-il pas connu et aimé ? Les peintres l’appellent mon oncle ; les femmes le nomment Oscar.
Il a un rire retentissant qui l’annonce du bas de tous les escaliers. Où soupera-t-il aujourd’hui ? Ou avant de se décider, il entre au café pour prendre l’absinthe. Là encore tant d’amis l’entourent et lui font fête ! Tant de mains se tendent vers les siennes ! Tant de sourires vont au-devant de son sourire ! Pourquoi quitterait-il ce lieu ? Il ne le quittera pas ce soir encore, et ce soir encore, la vie s’écoulera pour lui comme elle s’écoule depuis quinze ans entre le cigare qu’on fume et le camarade qu’on écoute au milieu des éclats de voix, des saillies, des bières brunes et blondes, de toute cette gaieté. » Charles Monselet, Almanach parisien pour l’année 1863, Paris, pp. 20-21. Une revue à laquelle participent Monselet déjà cité, A. de Lasalle, Guichardet, Félicien Maillard, et Baudelaire qui y publie son sonnet Recueillement.
le romancier et chroniqueur au Figaro Jules Noriac † 1882 , également auteur d’opérettes et Directeur du Théâtre des Variétés et des Bouffes-Parisiens,
Alfred Cadart, Jules Noriac, journaliste et romancier, Photographie, 1865 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Jules Noriac, La bêtise humaine, Paris, 1861 © Source gallica.bnf.fr / BnF
le poète et rédacteur en chef de La Silhouette Alfred Busquet † 1883, ardent défenseur de la forêt de Fontainebleau, ce qui devait plaire à Michel Bouquet. Son texte L’Amant de la Forêt figure dans un manifeste à destination des destructeurs des espaces boisés, aux côtés d’Alphonse de Lamartine, de Brizeux, un ami de Michel Bouquet, Théophile Gautier, George Sand, Henry Murger, Charles Monselet, Georges Bell, décidément toujours la même petite équipe ! et à qui le Baron de Gyvès dit un soir lorsqu’ils étaient au Divan Le Pelletier « Tiens ! Je vois trouble ce soir avec tes lunettes » et auquel Busquet répondit » Parbleu ! Je suis gris. » in Aurélien Scholl, Scènes et mensonges parisiens, Paris, 1863
Alfred Busquet, L’amant de la Forêt, 1855 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Nadar, Alfred Busquet, Caricature, Crayon sur papier brun,31x24cm, vers 1855 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Etienne Carjat, poète, dessinateur et photographe † 1906, un soutien de Gustave Courbet, ami de Baudelaire, et auteur d’un célèbre portrait de Rimbaud en 1871, poète qui le blessera d’ailleurs d’un coup de canne-épée lors d’une altercation entre les deux hommes.
Etienne Carjat, Autoportrait photographique, 1865 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Etienne Carjat, Carte de visite d’Arthur Rimbaud, Reproduction photographique vers 1912 de l’original photo-carte de visite Succession Paul Claudel, 6 x 10 cm, 1871 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Charles Monselet † 1888, homme de lettres et critique théâtral du Monde illustré, surnommé le roi des gastronomes,
Charles Monselet, Promenades d’un homme de lettres, Paris, 1889 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Nadar, Portrait de Charles Monselet, Dessin au fusain rehaussé de gouache, sur papier brun, 23,1 x 15,1 cm, après 1850 © Source gallica.bnf.fr / BnF
le poète et romancier Murger † 1861, qui venait aussi d’à côté, au 48 rue Notre-Dame de Lorette, ancien membre de La société des buveurs d’eau, des artistes trop pauvres pour s’offrir autre chose au bar, un temps secrétaire du comte Iakov Nikolaïevitch Tolstoï 1797-1867, auteur d’un célèbre roman Scènes de la Bohème, dont Giaccomo Puccini en fera un opéra célèbre sous le nom de La Bohème en 1896 et qui avait l’habitude de venir vers 11 heures du soir à la Rochefoucauld ; anecdote qui aurait ravi Michel Bouquet, il a son nom porté par un arbre remarquable dans la forêt de Fontainebleau, à l’est de la Mare aux fées.
Henry Murger, Scènes de la vie de Bohême, Paris, 1851 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Petit et Trinquart, Portrait d’Henry Murger, Photographie, tirage sur papier albuminé, 8x5cm, vers 1855 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Murger, Monselet, Théophile Gautier, Firmin Maillard que l’on retrouvera à Roscoff où Michel Bouquet possède une maison écrivent dans la même publication. Tout ce petit monde investit les mêmes lieux de la production littéraire et artistique.
Léopold Flameng, Paris qui vient, Publication artistique, Paris, 1860 © Source gallica.bnf.fr / BnF
l’homme de lettres Pelloquet, Azevedo, critique musical de l’Opinion nationale,
l’auteur Eugène Bercioux, parolier pour Offenbach dans La bonne d’enfant, qui possédait dans sa collection personnelle des tableaux de Ziem, mais pas de Michel Bouquet
Maître Baton, opérette en 1 acte, paroles de Eugène Bercioux, 1858 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Il y était également en contact avec le monde de la musique notamment le violoncelliste Abel Bonjour, le pianiste-compositeur Alfred Quidant † 1893, dont les sergents Bertrand de la littérature, les Goncourt, craignaient l’ironie féroce
Atelier Nadar, Alfred Quidant, Photographie positive sur papier albuminé d’après négatif sur verre, 22,3 x 16,2 cm, après 1860 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Alfred Quidant, Grand Galop d’étude, 1851
le compositeur Jean-Henri Ravina † 1906,
Adolphe Menut, Jean-Henri Ravina, Lithographie, 34,5 x 26,5 cm, après 1850 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Petit, Jean-Henri ravina, Carte de visite, Paris, après 1880 © Collection particulière
Jean-Henri Ravina, Etudes mignonnes Opus 60 6, Allegro ma tranquilla
Jean-Henri Ravina, Etude, op. 50, n° 22
le compositeur et organiste Devin-Duvivier † 1907, élève d’Halévy, partenaire de Bizet et de Saint-Saens. Il a vécu dans l’intimité de Wagner lors de l’apparition en France de Tannhaüser, mais dont la mésentente débouchera sur un procès entre Devin-Duvivier et le même Wagner
Puisque rien ne t'arrête en cet heureux pays, Ni l'ombre du palmier, ni le jaune maïs, Ni le repos, ni l'abondance, Ni de voir à ta voix battre le jeune sein De nos sœurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim Couronne un coteau de sa danse,
Alphonse Devin-Duvivier, Les adieux de l’hôtesse arabe, Poésie de Victor Hugo, Paris, Hartmann, 1868 © Source gallica.bnf.fr / BnF
le violoniste Léonard, l’altiste Mas, le professeur de violon au Conservatoire Maurin,
le pianiste et compositeur Charles-Wilfrid de Bériot † 1914, qui dans une lettre invite une personne à une soirée où seront présents des artistes distingués, Michel Bouquet répondant à cette appellation, et des musiciens amateurs. Les soirées de Michel Bouquet ne devaient pas être ennuyeuses.
Auteur inconnu, Charles-Wilfrid de Bériot, Photographie, 22 x 15 cm, après 1880 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Charles-Wilfrid de Bériot, Lettre, manuscrit autographe, après 1860 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Charles-Wilfrid de Bériot, Concerto n°2 pour piano et orchestre, 1881
Le monde des arts plastiques y était naturellement représenté avec le sculpteur, élève de François Rude, Jules Franceschi, auteur d’un buste du compositeur lorientais Victor Massé et de nombreuses statues, dont La Peinture et Le jeune soldat polonais Miecyslaw Kamienski, tué à la bataille de Magenta en 1859 qui vit la victoire de l’armée franco-sarde sur l’armée autrichienne, ce qui permit à la France d’intégrer définitivement la Savoie et Nice à la France
Anonyme, Portrait de Jules Franceschi, Album de 116 photographies positives sur papier albuminé d’après des négatifs sur verre au collodion, format carte de visite, après 1855 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Jules Franceschi, La peinture, Jardin du Luxembourg, 1888 © R. Desenclos, Paristoric ; Jules Franceschi, Le jeune soldat polonais Miecyslaw Kamienski, Bronze, 1861 © Château de Montrésor, Photographie
Rouen, France. La même statue se trouve sur le tombeau familial à Montmartre, une concession à perpétuité.
Le peintre et statuaire Aimé Millet, qui a pour élèves Louis Majorelle, Berthe Morisot, François Pompon. Il exposait de temps en temps rue de la Rochefoucaud. D’un de ses bustes, il dit à un de ses amis « Je suis enthousiasmé. J’ai mon coquin de bonhomme qui est vivant. Il vous regarde. L’oreille écoute. Il me fait peur. On lui offrirait un cigare ». Et d’ une sculpture d’ Ariane « Tu voudrais l’épouser ! Tu verras ! » Aimé Millet est également l’auteur du tombeau de Murger, d’un groupe statuaire sur l’opéra Garnier et d’un monumental Vercingétorix.
Atelier Nadar, Aimé Millet, Photographie, épreuve sur papier albuminé, 22.5 × 15.7 cm (8 7/8 × 6 3/16 in.), 1858 © Getty Center, Los Angeles
Aimé Millet, Apollon, la Poésie et la Musique, Toit de l’Opéra Garnier, 1860-1868 © Jastrow, Wikipedia
Charles Marville, Vercingétorix par Aimé Millet, Photographie, épreuve sur papier albuminé, 35 x 24 cm, 1865 © images-art.fr, Paris, Musée d’Orsay
Le sculpteur Ludovic Durand † 1905, né à Saint-Brieuc, auteur de nombreuses statues dont Le Tâcheron, que vous pouvez visionner en 3D ci-dessous, et le buste de Charles Cornic, à Morlaix, détruit par le régime de Vichy
Ludovic Durand, La Poésie, bronze, tombe de Joseph Méry, poète, romancier, auteur dramatique 1797-1867, Cimetière Montmartre © anetcha-parisienne.blogspot.com ; Ludovic Durand, Le tâcheron, Marbre, H. 1,62 m , 1900 © images-art.fr, Paris, Musée d’Orsay, Tarbes, Jardin Massey ; Ludovic Durand, Charles Cornic, Buste, Bronze, puis marbre, 0,60 x 0,60 cm © images-art.fr, Paris, Musée d’Orsay. Pour ces dernières images, voir à ce sujet 2002, Prével-Montagne, Corinne, La représentation des grands hommes dans la sculpture publique commémorative en Bretagne 1685-1945. Les pratiques, les sculpteurs, leurs œuvres, Thèse de Doctorat Rennes 2 sous la direction de Jean-Yves Andrieux, quatre volumes, t. IV, cat.F 10, p.102-104
Le sculpteur Camille Demesmay † 1890,
Nadar, Caricature de Camille Demesmay, Dessin au fusain rehaussé de gouache, sur papier brun, 22,9×15,4 cm, vers 1850 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Camille Demesmay, Louise d’Orléans, Mademoiselle de Montpensier, jardin du Luxembourg © Wikiphidias
le peintre André-Charles Voillemot † 1893, le blond coloriste Voillemot, avec sa tignasse d’Apollon roussi, auteur d’un portrait de Juliette Drouet, un intime de la famille Hugo qui avait à peine 100 mètres à parcourir, venant de l’avenue Frochot
André-Charles Voillemot, Velléda, 230x140cm, 1869 © Musée des Beaux-arts de Rennes ; Mulnier, Portrait de André-Charles Voillemot, Photographie, Album de 51 photographies positives sur papier albuminé, ancienne collection MoreauNélaton, format carte de visite, 11,2 cm © Source gallica.bnf.fr / BnF
Le peintre animalier Théodore Jourdan † 1908, qui habitait à moins de 400 mètres, au 46 rue Lepic
Théodore Jourdan, La chevrière et son âne, huile sur toile, 147 x 196 cm, 1904 © Musée de L’Empéri à Salon-de-Provence ; Théodore Jourdan, Troupeau de moutons en avant-garde du troupeau, huile sur toile, 181 x 386 cm, 1905 © Musée de L’Empéri à Salon-de-Provence
Charles Monginot, élève de Thomas Couture et ami de Manet
Charles Monginot, Nature morte, huile sur toile, 33 x 45cm, vers 1895 © vente Düsseldorf 2007
Charles Monginot figurant dans un tableau de Manet
Edouart Manet, Charles Monginot dans La Musique aux Tuileries, Huile sur toile, 76 x 118 cm, 1862 © National Gallery, Londres
Edouart Manet, Charles Monginot dans La Musique aux Tuileries, Huile sur toile, 76 x 118 cm, 1862 © National Gallery, Londres
Charles Monginot par Nadar
Nadar, Caricature de Charles Monginot, Dessin, avant 1870 © Source gallica.bnf.fr / BnF
le peintre Camille Alfred Papst † 1898,
Camille Alfred Papst, Une noce en Alsace, huile sur toile, s.d. © Musée Unterlinden, Colmar ; Antoine Meyer, Portrait de Camille Alfred Papst, Photographie, 1886 © Bibliothèque universitaire de Strasbourg
et Charles François-Marchal † 1877, dernier amant de Georges Sand, auteur d’une toile qui est une véritable dénonciation de l’esclavage domestique
Robert Jefferson Bingham, Portrait de Charles François-Marchal, Photographie, avant 1870 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Charles François-Marchal, La foire aux servantes, huile sur toile, 1864 © Musée du Pays de Hanau, Bouxwiller, dépôt du musée d’Orsay, Paris, Photographie M. Chérot/Sycoparc
Le peintre, graveur et illustrateur Gustave Doré † 1883,
Anonyme, Portrait de Gustave Doré, Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, 8,8 x 5,3 cm, 1880 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Pierre Petit, Gustave Doré, Photographie sur papier salé, 27x21cm, après 1860 © Musée d’art moderne et contemporain, Strasbourg ; Gustave Doré, Lac en Ecosse après l’orage, Huile sur toile, 90 x 130 cm,vers 1875 © Ville de Grenoble /Musée de Grenoble – J.L. Lacroix
le peintre et caricaturiste Louis-Emile Benassit † 1902, qui mettait son talent, et son travail, au service de la publicité de son ami de cénacle, le photographe Carjat et une suite de 12 dessins exécutés en hommage à Stéphane Mallarmé
Carjat & Cie, Portrait de Louis-Emile Benassit, Carte de visite, Tirage sur papier albuminé © mages-art.fr, Musée Carnavalet ; Louis-Emile Benassit, Ouverture le 20 avril prochain Photographie Carjat et Cie, 56 rue Laffitte, Affiche © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Léopold Dauphin, Musique de, Monsieur Polichinelle en voyage, Ballet enfantin pour théâtre de marionnettes, A mon petit ami Anatole Stéphane Mallarmé, Paris, 1879 © Source gallica.bnf.fr / BnF
le graveur Alexandre Pothey † 1882, mais aussi rédacteur judiciaire dans différents journaux, ardent défenseur de Degas
Alexandre Pothey, Nadar, Diogène, 30 novembre 1856 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Nadar, Portrait d’Alexandre Pothey, Photographie sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 14×10,5 cm © Source gallica.bnf.fr / BnF
les architectes Bonnameau, Ch. Couteau, Emile Petit, Chabouillé, Léon Dupré, membre du comité de direction de l’Encyclopédie d’architecture
l’aquarelliste et graveur en taille douce Victor Florence Pollet † 1882, Prix de Rome de 1838, photographié ci-dessous par son ami et membre du cénacle Carjat
Pollet, Portrait d’Adolphe Sax, Gravure au burin, 23 x 14 cm, Bida, Dessinateur, 1845 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Carjat & Cie, Portrait de Victor-Florence Pollet, tirage sur papier albuminé, © Musée carnavalet ; Victor-Florence Pollet, Séléné et Endymion, Aquarelle, après 1850 © Victoria et Albert Museum, Londres
le fils de Victor Hugo, le journaliste et photographe Charles Hugo † 1871
Nadar, Portrait de Charles Hugo, Photographie positive sur papier albuminé : d’après négatif sur verre au gélatinobromure d’argent, 22,6 x 16,8 cm, avant 1860 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Charles Hugo, Victor Hugo écrivant, assis à sa table, Daguerréotype, 12×9 cm (plaque), 1845 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Alexandre Schanne, créateur d’animaux jouets pour enfants, peintre, musicien, compositeur de la symphonie Sur l’influence du bleu dans les arts
Léon Dehaisne, Portrait d’Alexandre Schanne, Huile sur toile, 24 x 18 cm, 1880 © Images-art.fr, Musée Carnavalet
l’écrivain Edouard Chantepie
Edouard Chantepie, La figure féminine, L’esprit de la mort, Paris, 1861 © Source gallica.bnf.fr / BnF
le photographe Nadar qui disait : mais à quoi servent les peintres ? La grosse affaire est là.
Nadar, Autoportrait, Photographie, Epreuve sur papier salé à partir d’un négatif sur plaque de verre, 20.5×17 cm, (8 1/16 × 6 11/16 in.), vers 1855 © Paul Getty Museum
et de temps en temps passait le redoutable Aurélien Scholl, journaliste au Figaro avec Monselet et Noriac, le bretteur – à la plume et à l’épée – le plus redouté de Paris, écrivain protéiforme, l’auteur de l‘Art de rendre les femmes fidèles, et qui partageait la même maîtresse que Clemenceau
Atelier Nadar, Portrait d’Aurélien Scholl, Photographie positive sur papier albuminé, d’après négatif sur verre, 8,5 x 5,8 cm, après 1870 © Source gallica.bnf.fr / BnF ; Aurélien Scholl, L’art de rendre les femmes fidèles, Paris, 1860 © Source gallica.bnf.fr / BnF
Y faisait aussi une intrusion le monde de la médecine avec, pour les angoissés chroniques qu’étaient la plupart des artistes, le médecin de Laplace, et la science avec l’ingénieur Thévenet. On n’y parlait jamais de politique.
Ce cénacle rochefoucaldien s’est élargi et modifié par adjonctions successives ou disparitions sur une longue période, plus de 25 ans entre la fin des années 1850 et les années 1880.
Ce réseau, car c’en est un, fonctionnait sur un principe de trois cercles.
Le premier, un noyau central d’une quarantaine de personnes dont Michel Bouquet, qui se voyaient très souvent dans les salles du premier étage et étaient très liées.
Un second cercle, d’une vingtaine de membres, qui venaient fréquemment, et qui était très proche du premier.
Enfin un troisième cercle, des personnalités qui ne faisaient que de temps à autre une apparition, soit une cinquantaine de personnes.
Au bas mot le réseau du cénacle rochefoucaldien comptait plus de 110 personnes. Tous étaient des hommes en vue dans la capitale parisienne, à un titre ou à un autre, dans le monde du journalisme, de la presse, des spectacles, de la littérature, des arts, de la musique, des sciences. Un tel réseau, par sa puissance médiatique, sa capacité d’entregent, permettait à des carrières de se faire et de perdurer dans le temps.
Nous avons certainement là un des facteurs explicatifs, mais pas le seul, de la longévité picturale de Michel Bouquet, au plus haut niveau de réputation artistique. Car pour le peintre, il s’agit, et tous les acteurs qui ont happé la Lumière le savent, de durer.
C’est son cas dans les années 1870.