Bouquet 21 Durer ! Amplifier les succès initiaux rencontrés par ses peintures sur faïence dans les années 1870-1880 Partie 2

 

Bouquet 21  Durer ! Amplifier les succès initiaux rencontrés par ses peintures sur faïence dans les années 1870-1880         Partie 2

 

Lasting for more than twenty years, from 1862 to 1886, at the highest level in the field of painting on earthenware fired on a large fire requires a detailed knowledge of the sales mechanisms, and the constant search for spaces for commercial or institutional promotion.


9 Direct sales to individuals? Undated works

10 Always innovate: sell at a retrospective exhibition dedicated to his work

11 Inspiring followers: becoming the leader of a new generation

11.1 Alfred Beau, 1829-1907

11.2 Gustave Noël, 1823-1881

12 Participate in the globalization of the artistic field: the International Exhibitions of London 1871, Paris 1878, Sydney 1879, Melbourne 1880

13 Remain, despite all this glory and success, sensitive to the misfortunes of others


Durer pendant plus de vingt ans, de 1862 à  1886, au plus haut dans le domaine de la peinture sur faïence cuite au grand feu nécessite une fine connaissance des mécanismes de vente, et la recherche constante des espaces de promotion marchande ou institutionnelle

9 Des ventes directes aux particuliers ? Les oeuvres non datées

10 Toujours innover : vendre lors d’une exposition rétrospective consacrée à son oeuvre

11 Susciter des émules : devenir le chef de file d’une nouvelle génération

11.1 Alfred Beau,  1829-1907

11.2 Gustave Noël,  1823-1881

12 Participer à la mondialisation du champ artistique : les Expositions internationales de Londres 1871, Paris 1878, Sydney 1879 , Melbourne 1880

13 Rester, malgré toute cette gloire et ces succès, sensible aux malheurs des autres

 

 

9 Des ventes directes aux particuliers ? Les oeuvres non datées

Les bords du lac de Genève, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 22 x 40 cm, vente lot 59, Drouot, 2016

Maison en bord de rivière, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 31 cm, vente lot 46, L’esprit du XIXème, Osenat, Fontainebleau, 06 juillet 2014

 

Le peintre de la simplicité humaine

Michel Bouquet, Maison en bord de rivière, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 31 cm, s.d.  © vente lot 46, Osenat, Fontainebleau, 06 juillet 2014

 

Le peintre des petites gens

La maison est bâtie au bord de la rivière ;

Son toit est en paille, elle a des murs en pierre.

Tout près est un courtil où vient jaser l’abeille ;

A ses bourdonnements en été je sommeille ;

Brizeux, La maison de l’aveugle, Les Bretons, Chant XXII, Paris, Masgana, 1845 © Collection particulière

 

L’étonnant rendu de la fraîcheur et de l’humidité

Enfin chère maison, pour ton dernier éloge,

La mer baigne tes pieds ; elle nous sert d’horloge ;

J’écoute son départ, j’écoute son retour :

Le flux et le reflux nous mesurent le jour.

Brizeux, La maison de l’aveugle, Les Bretons, Chant XXII, Paris, Masgana, 1845 © Collection particulière

 

Les affres de la technique : un flot de picots qui n’empêchent pas d’admirer la variété et la profondeur du ciel

Michel Bouquet, Maison en bord de rivière, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 31 cm, s.d. © vente lot 46, Osenat, Fontainebleau, 06 juillet 2014

 

Un paysage dont la technique révèle des recherches menées pendant l’année 1862

Michel Bouquet, Scène pastorale, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 19 x 34 cm, s.d. © vente, lot 252, Pousse-Cornet, Orléans, 2017

 

Une palette de teintes douces

Michel Bouquet, Scène pastorale, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 19 x 34 cm, s.d. © vente, lot 252, Pousse-Cornet, Orléans, 2017

 

Un ciel aux nuages réguliers

 

Un travail de recherche dans l’emploi des couleurs et l’orientation des espaces herbacés

 

Un fond de colline qui augure de ses recherches sur le rendu des volumes avec les oxydes

 

Un plan d’eau calme et harmonieux, des couleurs qui ne sont pas poussées pour l’instant

 

Déjà une belle maîtrise du lointain, où tout se joue, que ce soit dans le sens horizontal

 

ou dans le sens vertical

 

Un arbre de belle facture, dominateur au centre

Michel Bouquet, Scène pastorale, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 19 x 34 cm, s.d. © vente, lot 252, Pousse-Cornet, Orléans, 2017

 

Paysage de rivière avec barque et pêcheur

Michel Bouquet, Paysage de rivière avec barque et pêcheur, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 19 x 26 cm, s.d. © vente lot 161, Morlaix, 2004

 

Cette fois-ci, c’est le jaune qui irise la toile entière à partir du fond

Michel Bouquet, Paysage de rivière avec barque et pêcheur, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 19 x 26 cm, s.d. © vente Morlaix, lot 161, 2004

 

Rue au Maghreb, l’enfermement de la ville musulmane sur elle-même

 

Gris et ocres construisent l’espace, la perspective est accentuée par les personnages

Michel Bouquet, Vue d’une rue du Maghreb, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence au grand feu, 32 x 45 cm, signé en bas à gauche, s.d. , © Olivier d’Ythurbide et associés

 

Paysage de rivière Musée de Quimper

Michel Bouquet, Paysage de rivière, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 17 x 32 cm, s.d. © Musée breton, Quimper

 

Toujours un point de fuite extrêmement soigné, là où tout se passe

Déclinaison des verts

Charme aérien des nénuphars aquatiques

 

L’éternelle barque sur le fleuve, joindre les deux rives, un rituel de passage

Michel Bouquet, Paysage de rivière, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 17 x 32 cm, s.d. © Musée breton, Quimper

 

Bords du Scorff, en Bretagne

Michel Bouquet, Bords du Scorff, en Bretagne, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, Grand plat, 44 cm de diamètre, s.d. © vente, Quimper enchères, 15 décembre 2012

 

Michel Bouquet égale les plus grands de Sèvres dans le domaine de la maîtrise technique du placement des filets entre les trois marlis bordiers successifs, de la bande au cheveu, du bord extérieur au centre

 

Un très beau bleu de cobalt, des symétries inversées dans un jeu d’entrelacement

Michel Bouquet, Bords du Scorff, en Bretagne, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, Grand plat, 44 cm de diamètre, s.d. © vente, Quimper enchères, 15 décembre 2012

 

Paysage au lavoir

Michel Bouquet, Paysage au lavoir, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 32 cm, s.d. © Copenhague, Danemark, 18 août 2018

 

Une recherche technique sur les valeurs claires

Michel Bouquet, Paysage au lavoir, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 32 cm, s.d. © Copenhague, Danemark, 18 août 2018

 

A contrario, une recherche technique sur les valeurs sombres

 

Un paysage où le soleil jette ses derniers feux avant de disparaître

 

Un paysage fantasmagorique, où l’on s’attend à voir surgir le Buquel-noz, le gardien de la nuit

Michel Bouquet, Paysage romantique, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 32 cm, s.d. © vente lot 215, Lausanne, 1er mai 2012

 

Brizeux et Marie à Arzano ?

À la main une fleur sauvage,
Deux amoureux causaient le soir au coin d’un bois,
Deux blancs ramiers aussi chantaient sous le feuillage.
Mais les amants avaient une plus douce voix.

Auguste Brizeux, La Fleur d’Or, Symboles, Alphonse Lemerre, éditeur, 1874 , vol. 3, p.13 © Collection particulière

 

Un magnifique travail sur la luminosité des couleurs sombres

 

Une recherche technique dans la gamme de valeur des verts ternes et sombres

 

La transparence de l’obscurité

Michel Bouquet, Paysage romantique, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 16 x 32 cm, s.d. © vente lot 215, Lausanne, 1er mai 2012

 

10 Toujours innover pour vendre

10.1 Vendre lors d’une exposition rétrospective à consacrée à son oeuvre

En 1879 s’ouvre une Exposition générale des dessins de Michel Bouquet dans les salons du cercle artistique de la rue Saint-Arnault ; une exposition qui révèle son talent sous un jour nouveau pour le public : vues diverses prises sur nature par l’auteur dans ses voyages, en Suisse, en Angleterre, en Ecosse, en Orient, en Algérie, une sorte du tour du monde européen et oriental, musée artistique et pittoresque, également remarquable par la beauté des sites, la fidélité et la vigueur du rendu. In Revue de Bretagne et de Vendée, 23e année, Tome V, Nantes, 1879, Premier semestre.

 

Un exemple de la maîtrise technique de Michel Bouquet

Un des rares dessins originaux de sa jeunesse qui nous soient parvenus : il est alors âgé de 33 ans

Michel Bouquet, Vue de Jassy, Dessin original, Crayon noir, lavis, rehauts de blanc, 1840 © Bibliothèque Centrale Universitaire« Lucian Blaga » de Cluj, Collection Gheorghe Sion

 

La technique du modelé des collines et de la suggestion lumineuse de la ville

Michel Bouquet, Vue de Jassy, Dessin original, Crayon noir, lavis, rehauts de blanc, détail, 1840 © Bibliothèque Centrale Universitaire« Lucian Blaga » de Cluj, Collection Gheorghe Sion

 

Manet fera la même chose 5 ans plus tard avec la rétrospective qu’il organisera pendant un mois en 1884 du 6 au 28 janvier 1884. Quel dommage que Michel Bouquet  n’ait pas eu l’idée de demander à un photographe de fixer ses oeuvres, elles nous permettraient de découvrir, tout comme celles de Manet, des dessins aujourd’hui disparus ou entre mains très privées

Anatole Godet, Exposition rétrospective de l’œuvre d’Édouard Manet, Paris, École des beaux-arts, 6 au 28 janvier 1884, Photographies, 1864 © Source gallica.bnf.fr / BnF

10.2 Vendre par le biais des salles de ventes aux enchères

Il figure en 1874 dans la même vente, expertisée par Durand-Ruel, que Corot, Courbet, Diaz, Jongkind, Boudin, Degas, Monet, Pissarro, Sisley. On le considère comme un moderne. A quatre toiles de Boudin , dont une intitulée Embouchure de rivière, côtes de Bretagne, succède au lot n° 9 une faïence peinte sur émail cru de Michel Bouquet, Rives boisées d’un étang, 32 x 51 cm ; puis deux Corot dont Environs de Montfermeil, 45 x 60 cm, un Courbet, un Degas, La tribune des courses, à Longchamp, 32 x 40 cm, un Diaz, Forêt de Fontainebleau, 23 x 33 cm, un Jongkind, Canal en Hollande, 46 x 33 cm, trois Monet, La maison bleue, Hollande, 45 x 60 cm, L’Ile de la Grande-Jatte, Seine, 53 x 72 cm, La Seine à Argenteuil, 49 x 64 cm, six Pissarro, Bords de l’Oise, 34 x 45cm, Nature morte, Pommes de châtaigner et faïence sur une table, 45 x 55 cm, Fabriques et barrage sur l’Oise, 55 x 90 cm, Allée plantée d’arbres, près de Pontoise, 49 x 63 cm, Chemin près d’un village, 45 x 54 cm, trois Sisley, Route de Saint-Germain, près Bougival, 46 x 61 cm, Le Barrage de Marly, 46 x 60 cm, Vue du canal aux environs de Paris, 37 x 45 cm, in Collection de tableaux modernes, vente, Drouot, salle 8, Pillet, Commissaire-priseur, Durand-Ruel expert, lundi 12 janvier 1874

 

Catalogue de vente, Tableaux et études de l’Ecole moderne, Hôtel Drouot, salle n° 9, 30 avril 1874 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Un total de 728 francs contre 10 pour Roqueplan

Catalogue de vente, Tableaux et études de l’Ecole moderne, Hôtel Drouot, salle n° 9, 30 avril 1874 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

11 Susciter des émules : devenir le chef de file d’une nouvelle génération

Michel Bouquet est un artiste dont l’antériorité et l’influence dans le domaine de la peinture sur céramique sont publiquement reconnus.

« Jamais il ne serait venu à la pensée d’un faïencier du XVIIIème siècle de traiter la terre émaillée comme la toile et le bois, et de peindre un véritable tableau sur la plaque de faïence qu’il va mettre au four. Mais nous sommes dans le siècle des nouveautés et des audaces.

Aussi, nos céramistes abordent-ils l’émail avec des pinceaux qui n’hésitent point à confier aux trahisons de grand feu une figure, un paysage, ou un sujet de genre.

Monsieur Michel Bouquet est un de ceux que l’on peut ranger parmi les promoteurs du mouvement. Il a été l’un des premiers à marcher dans cette voie ; et l’on peut dire que personne n’y allait plus loin que lui. Nous avons vu dans nos diverses expositions des paysages signés de son nom, qui avaient tout le flou de véritables tableaux à l’huile. Les arbres avaient la même légèreté, les terrains la même souplesse onduleuse, et l’eau la même fluidité. » Le Constitutionnel, journal du commerce, politique, libéral, 2 juillet 1870

1874 27 juin Au Salon M. Michel Bouquet est toujours le chef de la tribu, de plus en plus nombreuse, des peintres céramistes. La semaine des familles, revue universelle illustrée, 27 juin 1874, p.199

Il sent le nouveau marché à venir. Il est l’un des premiers sur ce créneau. Les succès qu’il rencontre font qu’il est rapidement suivi

« En fait de peinture céramique, il n’est pas seulement un maître, il est le maître ». Louis Enault, Les arts industriels, Vienne, Londres, Paris, Paris, Hachette, 1877, p.187.

« Nous allions oublier le chef de cette Pléiade, chaque année plus nombreuse, de peintres céramistes des deux sexes, celui qui, par son exemple et ses leçons, a eu une si large part dans les progrès toujours croissants de cette branche de l’art, M. Michel Bouquet, lequel n’a eu garde de manquer au rendez-vous annuel et nous a envoyé deux de ces faïences peintes sur émail cru, genre dans lequel il est passé maître : Marée basse et Paysage en Bretagne. In Revue de Bretagne et de Vendée, 23e année, Tome V, Nantes, 1879, Premier semestre.

L’objectif de ces médias est de valoriser le travail de Michel Bouquet. Mais d’autres peintres sur faïence ont tenté l’aventure avant lui, avec autant sinon plus de maîtrise technique, mais avec moins de succès.

Le plus mystérieux est Hippolyte Pinart, un artiste de très grand talent doublé d’un chimiste de profession et d’un vendeur d’oxydes pour la peinture sur faïence, mais qui selon les uns a emporté ses secrets techniques dans la tombe, et pour d’autres aurait travaillé avec Michel Bouquet. Nous n’avons aucune confirmation concernant ces deux informations.

Adolphe Dallemagne, Portrait d’Hippolyte Pinart, Photographie positive sur papier albuminé monté sur carton, 1866 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Entre 1830 et 1870, on compte dans cette veine artistique Jules-Claude Ziegler, le spécialiste des faïences allemandes, Charles-Antoine Avisseau et Georges Pull qui vont ressusciter un engouement pour les oeuvres de Palissy, Prosper Journeau qui travaille sur des faïences historiques comme la période Henri II, le Blésois Ulysse, Mlle Destor qui dès le salon de 1869, présente un Panneau décoratif au grand feu, le si inventif Jean, Signoret qui se passionne pour Renaissance, l’alsacien Théodore Deck, formé en Allemagne, et qui va employer dans ses grands ateliers de nombreux peintres sur faïence, ce qui va lui permettre de devenir célèbre et fortuné.

Les peintres Hamon, Français, Harpignies goûtent également aux joies de la peinture sur céramique. Félix Bracquemond quant à lui dépasse la simple représentation picturale pour se mettre à la recherche de formes dessinées et colorées qui conviennent spécifiquement aux volumes et aux usages, notamment culinaires, de la céramique. Puis il se tourne dans les ateliers d’art Legédé, vers une inspiration japonaise, mouvement plus vendeur, où il est soutenu par Goncourt.

Est-ce à cause de son aversion pour les Goncourt que Michel Bouquet n’a pas exploité cette veine extrême-orientale, pourtant présente dans son travail lithographique sur l’Ecosse dès 1851 ?

Contrairement à Michel Bouquet, Bracquemond a aussi accepté d’être le salarié d’une entreprise publique, Sèvres, ou privée, Haviland, avec l’entregent du rabatteur Philippe Burty. Et bien d’autres par la suite, mais ce travail dépasserait les limites de notre sujet.

Parmi les nouveaux créateurs qui participent à cette vogue de la faïence – anticipée par Michel Bouquet dès les années 1860 – on peut citer Benner, Erdmann, Baudry, Mignon, Jean-Charles Cazin, Cariès, Chaplet, Bourdery, Cuvillon, Grobon, Mlle Amélie Lelong, M. AP de Courcy,  Mme de Nugent,  Marielle de la Chassaigne de Nantes,  Mlle de Corbon de Lorient, Jules Houry, les miniatures de Mlle Blin de Quimperlé avec comme le rappelle un critique ‘le chef de la tribu de plus en plus nombreuse, des peintres céramistes de l’un et de l’autre sexe, à savoir Michel Bouquet ».

Nous nous contenterons de présenter pour l’instant que quelques travaux de Gustave Noël et d’Alfred Beau.

 

11.1 Alfred Beau,  1829-1907

 

Une recherche de tonalités adoucies

Alfred Beau, Paysage de montagne, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu,  24 x 30 cm, Manufacture Porquier-Beau, 1880 © Musée breton, Quimper

 

Une nouveauté technique: la plaque est intégrée dans le panneau et fixée par deux croisillons

Alfred Beau, Paysage de montagne, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu,  24 x 30 cm, Manufacture Porquier-Beau, 1880 © Musée breton, Quimper

 

Une belle réalisation qui se rapproche des travaux de son maître, Michel Bouquet

Alfred Beau, Paysage de rivière sur un plat, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu, 40 x 53 cm, Manufacture Porquier-Beau, après 1875 © Musée breton, Quimper

 

Si les bateaux montrent une belle maîtrise, les arrière-plans sont encore perfectibles : les petites collines sont simplement détourées, sans recherche des volumes

Alfred Beau, Paysage de rivière sur un plat, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu, 40 x 53 cm, Manufacture Porquier-Beau, après 1875 © Musée breton, Quimper

 

Un beau rendu de la structure des arbres

Alfred Beau, Paysage de rivière sur un plat, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu, 40 x 53 cm, Manufacture Porquier-Beau, après 1875 © Musée breton, Quimper

 

Un élève talentueux sur les pas de son maître

Alfred Beau, Paysage de rivière sur un plat, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu, 40 x 53 cm, Manufacture Porquier-Beau, après 1875 © Musée breton, Quimper

 

Un paysage prometteur

Alfred Beau, Marais de Pluguffan, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu, © Institut de France, Manoir de Kérazan

 

 

Alfred Beau, Bénodet, Vue de Sainte-Marine, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu,© Institut de France, Manoir de Kérazan

 

Alfred Beau, e, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu,© Institut de France, Manoir de Kérazan

 

Bord de rivière avec deux bretons

Alfred Beau, Bord de rivière avec deux bretons, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu, © Institut de France, Manoir de Kérazan

 

Paysage au bord de rivière

Paysage au bord de rivière © Institut de France, Manoir de Kérazan

 

Paysage aux deux frênes

Alfred Beau, Paysage aux deux frênes, Faïence sur émail cru stannifère, cuite au grand feu,© Institut de France, Manoir de Kérazan

 

 

11.2 Gustave Noël,  1823-1881

La vente des faïences réalisées par Gustave Noël en 1875 – cinq ans avant son décès – permet à l’expert d’insister sur les difficultés de la peinture sur cru. Le même expert parle dans le texte d’une nouveauté technique. Qu’en est-il vraiment ?

« Cette collection se compose de 63 plaques ou tableaux, peint d’après nature dans les pubs aussi de la France, de la Hollande, de la Suisse. Impression de vie, dessin précis, couleur intense, effet charmant, plein d’air et de lumière. Le talent du peintre et le talent du céramiste corroborés l’un par l’autre.

Catalogue des peinture sur faïence grand feu par Gustave Noël, vente lundi 1er mars 1875 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Monsieur Gustave Noël, paysagiste bien connu et céramiste novateur, peint ses tableaux depuis ces plaques. Il fait tout lui-même et l’œil du maître veille à tout, du premier coup de crayon à la dernière touche du pinceau, et du premier au dernier caprice de sa fournaise. Ces peintures sont à grand feu sur fond cuit. Procédé particulier qui le distingue de toutes les autres faïences d’art, peintes sur fond cru.

Expliquons les deux modes d’exécution, dits le cru et le cuit, et l’on jugera.Pour peindre sur cru, sans jouer sur les mots, on prend une plaque en terre, une fois cuite, de même qualité que celle de la grosse faïence commune. On immerge sa surface fruste d’un liquide stannifère, qui sera l’émail, et qui en attendant n’est qu’un enduit, devenu sec et poudreux, de liquide qu’il était tout d’abord. C’est cette couche, très sujette à s’enlever par places, et d’un contact réfractaire au pinceau, que le peintre céramiste sur cru a pour tout subjectile de son tableau.

C’est délicat et même inquiétant pour tout artiste qui n’est pas consommé dans la pratique de cet art. De là l’impossibilité de poser franchement sur une surface si chanceuse les grands à plats préparatoires qui déterminent a priori l’effet d’ensemble du sujet, et permettenr d’en mener de front les grandes masses jusqu’au bout, au lieu d’en parfaire les morceaux un à un, sauf à les raccorder ensuite.

Autres inconvénients : pour les architectures, les mâts de navires et les objet particulièrement rigides. Le peintre sur cru, ayant besoin d’une rectitude proportionnelle de traits, n’y peut guère bien réussir sur la surface mouvante de sa plaque : ses traits plus ou moins fermes grossissent et se déforment à la cuisson ; et ces déformations-là ne sont plus corrigibles.

L’artiste qui n’est pas fait, de très-longue main, à tous les scrupules et à tous les obstacles de cette scabreuse exécution, perd en hésitations et en stérilités de pratiques la moitié de son temps, de sa hardiesse et de son abondance. Le moyen de l’art l’emporte sur le but. Le talent, avant de pouvoir s’exprimer, a trop à s’impatienter de cette longue initiation purement matérielle. Et le génie même des vieux maîtres, revenu parmi nous, ne s’y soumettrait plus. Les lenteurs du métier ont toujours irrité l’esprit des grands peintres.

Pour peindre sur cuit, même plaque de terre et même immersion stannifère. Mais au lieu de peindre la plaque ainsi préparée, on la met au four, qui fait de cette couche poudreuse est difficile un émail blanc et résistant.C’est sur cet émail laque l’art industriel peint directement, à l’essence, ces faïences et ces poteries.

Mais c’est sur double émail que Monsieur Gustave Noël fait ses faïences d’art proprement ditse, telles qu’elles sont là. Voici son procédé.

Sur cet émail, dont l’art industriel se contente pour ses produits, Monsieur Noël étend une seconde couche stannifère et la prépare de telle façon que cette surface, au lieu de l’inquiéter, de lui résister comme au peintre sur cru, lui permet de peindre aussi facilement que sur du papier d’aquarelle. Et l’émail cuit, qu’elle recouvre, lui sert de dessous, d’un jeu facile et plein de ressources. Aussi mène-t-il sans encombre son sujet d’ensemble, et reste-t-il toujours le maître de corriger ses lignes, de nourrir ses tons et d’intensifier son effet. En lui le céramiste ne saurait donc gêner ni réduire le peintre.

Monsieur Gustave Noël tout en se faisant des difficultés et des défauts des peintures dites sur cru autant davantage de facilité pour les siennes, a gardé de ses devanciers ce qu’ils ont de bon, même d’excellent. C’est-à-dire les tons bien fondus et profondément incorporés dans l’émail. Lui-même, on l’a vu, peint sur cru, mais avec des ressources nouvelles et des procédés qui ne sont qu’à lui.Ce qui donne à ses faïences d’art leur éclat doux, leur belle glaçure et leur inaltérabilité, ne résulte pas d’un enduit de verre fondu par l’art industriel sur ses faïences et ses poteries décoratives ; c’est l’intensité même du feu.Monsieur Gustave Noël s’étant voué au paysage, n’applique naturellement qu’à ses paysages mêmes le procédé de céramique qu’il s’est créé, et qui est très facilement applicable à la figure humaine, à tous les genres de la peinture.Chaque artiste, chaque peintre habile serait mis tout de suite au courant de cette heureuse application. Et pour ne donner ici qu’un exemple, mais il est illustre.

Corot, l’ayant essayé dernièrement, a fait de ce coup d’essai un coup de maître.Corot, prenant la plaque préparée et les pinceaux de Monsieur Gustave Noël, a peint un paysage, et Monsieur Noël a cuit la plaque. En deux heures c’était fait, excellent en tous points, et inaltérable.« Inaltérable ! Inaltérable ! s’écria Corot, enthousiasmé. Ainsi mon cher enfant c’est pour toujours, ne varietur. Ça ne bougera plus ! C’est très bon ça ! Parfait ! Parfait ! Que je voudrais en avoir fait bien d’autres comme ça pour les sauver du temps, qui rase tout ! » Faïences grand feu par Gustave Noël, vente, Drouot, salle 9, Boussaton, commissaire-priseur, Meusnier, expert, lundi 1er mars 1875, p. 6.

 

Gustave Noël, La Chapelle Saint-Aubert du Mont Saint-Michel, Peinture  sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 49 x 28 cm, atelier Pichenot, signé en bas à droite, 1873 © vente Adjugar’t Brest, 2017

 

Un traitement du ciel par brossage

 

Recherche du rendu de l’aspect minéral

 

Effet de vagues

Gustave Noël, La Chapelle Saint-Aubert du Mont Saint-Michel, Peinture  sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 49 x 28 cm, atelier Pichenot, signé en bas à droite, 1873 © vente Adjugar’t Brest, 2017

 

Donjon du Mont Saint-Michel

Gustave Noël, Donjon du Mont Saint-Michel, Peinture  sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 33,5 x 28,5 cm, atelier Pichenot, signé en bas à droite, 1873 © vente lot 252 Copages Auction, Drouot, 2016

 

Vue de Crépon, Calvados

Gustave Noël, Vue de Crépon, Calvados,  Peinture  sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, Maison Pichenot, 79 x 43 cm, signé en bas à gauche, s.d.  © vente lot 151, Pousse-Cornet, Orléans, 2013

 

Vue de Blois

Gustave Noël, Vue de Blois, Peinture  sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 79 x 43 cm, Maison Pichenot, signé en bas à droite, s.d. © vente lot 150, Pousse-Cornet, Orléans, 2013

 

Un résultat impressionnant de précision dû à la nouvelle technique -peinture à l’essence, double couche d’émail – employée par Gustave Noël ?

Gustave Noël, Les Vaneuses, Morbihan, Peinture sur émail cru stannifère, Faïence cuite au grand feu, 70 x 31 cm, Maison Pichenot Loebnitz, signé en bas à droite, après 1870 © vente lot 62, Quimper, 2017

 

12 Participer à la mondialisation du champ artistique : les Expositions internationales de Londres 1871, Paris 1878, Sydney 1879 , Melbourne 1880

12.1 L’Exposition internationale de Londres en 1871

Les rapports des différents commissaires internationaux de l’Exposition internationale sont particulièrement élogieux pour Michel Bouquet

 

Palais de l’exposition de Londres

The London illustrated, 1871 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

« De nombreux artistes français mettent leur talent et trouvent souvent leur fortune au service de l’industrie anglaise. Monsieur Minton, des usines de Stock on Trent, a pour collaborateurs assidus des hommes d’un vrai talent, Monsieur Carrier Belleuse, Monsieur Solon-Milès, Monsieur Bouquet : de sorte que, en considérant les entreprises les plus considérables de la céramique anglaise, ce sont des noms français qu’il faut citer en première ligne. » p.48 in Rapport du Commissaire, F.A. Gruyer, Exposition internationale de Londres, application de l’art à l’industrie,Paris, 1872

F.A. Gruyer, Exposition internationale de Londres, application de l’art à l’industrie,Paris, 1872 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

1871 Les barques sur le lac de Genève, Peinture sur émail cru stannifère, Exposition de Londres, « un espace borné par la fuyante perspective des montagnes », Oeuvre non retrouvée

1871 Les bords de rivière, Peinture sur émail cru stannifère, Exposition de Londres, « avec une coloration verdâtre de l’eau », Oeuvre non retrouvée

1871 Le marais en Bretagne, Peinture sur émail cru stannifère, Exposition de Londres, « avec ses arbres à feuilles jaunissantes, et cette végétation qui couvre à peine un terrain si gras et si glissant »1871 Vue de Hollande, Peinture sur émail cru stannifère, Exposition de Londres, « dont l’eau verte et agitée paraît si profonde », Oeuvre non retrouvée

1871 Moulin des Roches, Peinture sur émail cru stannifère, Exposition de Londres, « avec son ciel tourmenté, et cette atmosphère dont la transparence, qui permet de voir au loin les objets avec tant de netteté, est l’indice d’une pluie prochaine », Oeuvre non retrouvée

La relation qu’en fait Victor de Luynes est tout aussi élogieuse:

« Monsieur Michel Bouquet a exposé dans une des galeries latérales de l’annexe françaises cinq belles plaques qui permettent d’apprécier son talent de paysagiste, en même temps qu’elles témoignent chez lui d’une rare habileté à réaliser sur émail cru les effets dont l’heureuse variété se faisait remarquer dans ses paysages.Monsieur Bouquet qui, sous le rapport artistique, s’est chargé de représenter à Londres la peinture sur émail cru, a cultivé pendant longtemps d’une manière distinguée la marine et le paysage, à l’huile et au pastel.

C’est vers 62 ans qu’il s’est mis à peindre sur émail cru, en conservant ses genres favoris.Il a eu la hardiesse d’essayer, ce que nul artiste n’avait osé tenter avant lui, de donner aux paysages un caractère de réalité vivante.Les Italiens, les Castelli, ont bien fait de jolis paysages, mais c’était purement décoratif, et très loin de la réalité. Monsieur Bouquet est réaliste, et avec son goût éclairé, il sait choisir ses sujets et ses effets.

Ce n’est pas qu’il évite les difficultés ; il paraît, au contraire, les rechercher dans ses marines et dans ses paysages où tous les tons doivent avoir leur valeur atmosphérique, où tous les détails doivent être légers et délicats.Avec ses couleurs et ses oxydes dont la véritable nuance ne se développe qu’au feu, il sait deviner ses tons et les atteindre avec une rare précision. Il évite les lourdeurs de la gouache en n’employant jamais de blanc, et en réservant le champ sur lequel il peint.

 

Victor de Luynes, Exposition internationale de Londres, 1871, Paris, 1872 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

M.Bouquet a présenté les Barques sur le lac de Genève, borné par la mise en perspective des montagnes ; les Bords de rivière, avec la coloration verdâtre de l’eau ; le Marais en Bretagne, avec ses arbres à feuilles jaunissantes, et cette végétation qui couvre à peine un terrain si gras et si glissant ;

cette Vue de Hollande, dont l’eau verte et agitée paraît si profonde ; enfin le Moulin des Roches, avec son ciel tourmenté, et cette atmosphère dont la transparence, qui permet de voir aux loin les objets avec tant de netteté, est l’indice d’une pluie prochaine ;

toutes ces plaques sont des ordres de premier ordre, exécutées largement, avec une grande légèreté demain, une vigueur et une variété de coloris remarquables. Monsieur Michel Bouquet a noblement soutenu l’honneur de l’art français de la peinture sur émail cru.Exclusivement artistique lorsqu’elle sort des mains de Monsieur Bouquet, la faïence stannifère nous est offerte sous le rapport industriel par la fabrique de Saint Clément, avec une variété de formes et des décorations. » Victor de Luynes, Exposition internationale de Londres, 1871, Paris, 1872, pages 109-110

L’un des membres de la Commission supérieure ajoute dans le rapport général :

« Parmi beaucoup d’estimables peintures sur les matières céramiques, j’appellerai particulièrement l’attention sur les paysages exécutés sur émail cru par Monsieur Michel Bouquet. Monsieur Bouquet a triomphé de la plus grande des difficultés qui se puissent rencontrer dans son art. Peindre sur une poussière d’émail, que le moindre souffle suffit à faire envoler ; calculer et deviner ses effets dans cette boue à moitié liquide ; retrouver après la cuisson l’identité de la conception primitive ; que de tâtonnements ! Que de patience ! Souvent que de déboires ! Mais aussi quelle solidité dans ses peintures, et de quel caractère particulier elle se trouve revêtue ! » p.39 Exposition internationale Londres, France, Commission supérieure, rapport, Paris, Jules Claye, 1872 © Source gallica.bnf.fr / BnF

Le commissaire Octave Lacroix relève que « les faïences sur émail cru ( paysages et marines ) de M. Michel Bouquet, les panneaux décoratifs sur faïence camaïeu de Mlle Fany Caille, sont des morceaux délicats, charmants et d’une belle venue ». Octave Lacroix, Rapport de la Commission supérieure, septembre 1872, Exposition internationale de Londres, 1872, p. 11.

 

Exposition internationale Londres, France, Commission supérieure, rapport, Paris, Jules Claye, 1872 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Alfred Talandier, qui est chargé d’un rapport sur la compétition franco-britannique dans le domaine des industries céramiques, déplore que « les fabricants de Limoges n’aient rien envoyé à cette exposition.

Ils laissent ainsi le champ libre à leurs concurrents anglais et à leurs émules de France, redoutables, les Deck, Rousseau, Collinot, Houry, de Callias, Parvillée, Geoffroy, Pillivuyt.

Il faut encore que sans cesse votre nom et vos produits soient sous les yeux du public. Sans quoi il vous oubliera et adressera ses commandes à vos voisins qui, mieux avisés, les exposent comme objets d’art dignes de figurer non loin des admirables peintures de Bouquet, de Schopin, de Gluck et de Mme Escalier.

Nous ne persistons pas moins à soutenir que le paysage doit être le principal sur la faïence, la figure l’accessoire, tandis que sur la porcelaine, c’est le paysage qui doit être l’accessoire et la figure principale.

Rien de plus curieux à ce sujet, que la comparaison que chacun peut faire, à l’exposition, entre les meilleurs paysages sur faïence, ceux de Bouquet, de Julien, et les plus belles figures, celle, par exemple, de Mademoiselle de Maussion.

On dira que ce n’est pas parce qu’ils sont peints sur faïence, mais parce qu’ils sont peints par Bouquet ou Julien, que ces paysages sont beaux, et de même, que ce n’est pas parce qu’elles sont peintes sur porcelaine, mais parce qu’elles sont peints par Mademoiselle de Maussion, que ces figures sont charmantes.

D’un autre côté, quoi de comparable avec les paysages de ces peintres dont le nom revient sans cesse quand on parle de faïences, Michel Bouquet, Julien, Charles Houry !Personne au monde assurément ne croira jamais que ce soit par un pur effet du hasard que les uns ont choisi la faïence, les autres la porcelaine.

Sans doute le génie se joue des difficultés, et que Madame Escalier peigne ses fleurs, Monsieur Regnier ses oiseaux, Monsieur Bouquet ses paysages, Monsieur de Moll ses centaures, le résultat sera toujours beau ». Alfred Talandier, Rapport sur l’industrie céramique en France et en Angleterre, Choix de rapports et instructions, Archives des missions scientifiques et littéraires, troisième série, tome 1, 1873, p. 459

 

Archives des missions scientifiques et littéraires, Choix de rapports et instructions, troisième série, tome 1, 1873, p. 459 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

12.2 L’Exposition universelle de Paris en 1878

 

Elle connaît un succès prodigieux : 16 millions de visiteurs !

Paris, Champ de Mars, Pavillon de la céramique et du verre

Fougère, Exposition universelle de 1878. Le panorama des palais, chromolithographie, 145 x 195 cm, 1878 © Images-art.fr

 

« Michel Bouquet s’adonne à la peinture des paysages sur plaque, en y déployant toutes les ressources de la peinture. Le procédé des feuillages Laurin se relie en partie à celui de Bouquet, tous deux peignant sur cru et cherchant à simuler la peinture à l’huile.

Le groupe qui s’est formé autour du procédé Laurin est constitué de MM. Thierry, Schopin, Bourgeois, Houry, Havelin, Artigue qui obtient des effets d’une grande douceur et Laurin dont on remarque des essais

Sèvres a joué un grand rôle dans la diffusion des procédés technique, et c’est à elle, selon le catalogue de l’exposition, qu’on doit les pâtes colorées au moyen d’oxydes métalliques supportant le grand feu, les émaux translucides sur porcelaine tendre, les applications de pâte blanche en transparence sur fond coloréLa décoration architecturale en faïence est le grand événement pittoresque de la céramique en 1878, comme les fonds d’or de M. Deck en sont le grand événement technique » in A.R. De Liesville, Les industries d’art, La céramique et la verrerie au Camp-de-Mars, Paris, Champion, 1879

 

Henri Jouin, Notice historique et analytique des peintures, scuptures, tapisseries, miniatures, émaux, dessins, etc., Exposition Universelle de 1878, Paris, 1879 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Michel Bouquet est repéré par les commissaires américains « Amoung the numerous examples of underglaze painting on faïence, we note those of Bouquet Michel, ceramic artist, who paints upon a stanniferous enamel and burns in the colors at a high heat – grand feu – in the manner of the artists in Italian majolica of the fifteenth and sixteenth centuries and of the faïences of Rouen, Nevers and Moustiers ». in Rapport des commissaires américains de l’exposition à Paris en 1878

 

12.3  L’Exposition internationale de Sydney en 1879

L’exposition de Sydney inaugurée le 18 septembre s’est étalée sur sept mois. L’exposition comptera plus d’un million de visiteurs. Michel Bouquet y est médaillé.  Seuls 300 exposants français sont présents, le gouvernement et les milieux économiques n’ayant pas encore saisi l’importance des enjeux géopolitiques maritimes, alors que la France est présente depuis Napoléon III dans une partie de l’Indochine.

 

Vue générale de l’Exposition internationale de Sydney de 1879

JT Richardson, The Garden Palace, Watercolor and ink, 56 x 82 cm, between 1879 and 1882 © State Library of the New South Wales, Australia, FL3326206

 

Plan de l’Exposition internationale dans laquelle figurent deux oeuvres de Michel Bouquet

Anonyme, Map of the International Exhibition of Sydney, New Souths Wales, lithography,  at the Survesor General’s Office, 14 x 24 cm, 1879 © State Library of the New South Wales, Australia, M2 811.1729

 

Le Garden Palace, 244 mètres de long, 112 000 mètres carrés

Anonyme, Garden Palace, Macquarie Street, Exhibition Building, Sydney, Photograph, 1879  © State Library of the New South Wales, FL1231512

 

Anonyme, Macquarie Street entrance to the Garden Palace, Photograph, 20 x 25 cm, 1879  © State Library of the New South Wales, FL1954574Intérieur du Garden Palace

 

Richards & Company, Département d’exposition de la France, Photographie for the International Exhibition Commissioners, Sydney, New South Wales, Australia, 14,7 x 20 cm, 1879 © Museum of Applied Arts & Sciences, Powerhouse Museum, Ultima, NSW, Australia , FL1955935

 

Est-ce dans ce secteur que les plaques de faïence de Michel Bouquet ont été exposées ?

Richards & Company, Département d’exposition de la France, Photographie for the International Exhibition Commissioners, Sydney, New South Wales, Australia, 14,7 x 20 cm, 1879 © Museum of Applied Arts & Sciences, Powerhouse Museum, Ultima, NSW, AustraliaFL1954574

 

Il est possible que ce soient deux faïences de Michel Bouquet, en haut à droite, encadrées de noir avec un liseré doré, comme il le fait systématiquement

 

Les étiquettes accrochées aux oeuvres signifient-elles qu’elles ont été vendues ?

Richards & Company, Département d’exposition de la France, Photographie for the International Exhibition Commissioners, Sydney, New South Wales, Australia, 14,7 x 20 cm, 1879 © Museum of Applied Arts & Sciences, Powerhouse Museum, Ultima, NSW, AustraliaFL1954574

Michel Bouquet reçoit deux médailles lors de cette exposition internationale

WYON Alfred-Benjamin & WYON Joseph-Shepherd, Exposition internationale de Sydney, Médaille de premier prix, La Renommée, debout devant divers objets primés, distribuant une couronne de laurier ; le Garden Palace au second plan, diamètre 76 mm, 221 g, 1879 © cgb.fr

 

 

12.4 L’exposition internationale de Melbourne 1880

Cette fois-ci le gouvernement français et les milieux économiques ont pris conscience de l’importance des enjeux dans cette zone de l’Océan Pacifique. Ce ne ne sont pas moins de 1250 exposants qui ont envoyé leurs produits ou sont allés sur place. On est loin des seuls 300 exposants de l’exposition de l’année précédente à Sydney. Les retombées économiques pour les produits français sont conséquentes. Sur le plan politique, il s’agissait de montrer la présence de la France dans une zone maritime où si les anglais sont depuis longtemps présents, les allemands commencent à y avancer leurs pions, en témoigne l’importance somptuaire du secteur allemand dans l’exposition. Trois ans plus tard, en 1883 l’Amiral Courbet entreprend de conquérir méthodiquement l’Annam et le Tonkin pour en faire des colonies de peuplement. Et comme nous le verrons plus loin, un stand représentant les colonies françaises, dont la Nouvelle-Calédonie, est présent dans cette exposition internationale.

 

Le palais de l’exposition en 1880

Joseph Reed, The Exhibition Building Melbourne 1880, the South West Aspect of the Main Hall, Watercolour on Paper, 1880  © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

Ticket d’entrée du visiteur

Ticket, One shilling, Melbourne International Exhibition, Paper, SH 960341 © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

Passe permanent d’exposant

Exhibitor’s Pass, International Exhibition, Melbourne, 1880 © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

Hall de l’exposition française

Ludovico Hart, French court, Great hall, Exhibition Building, Photograph, MM 107908, 1880 © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

Le secteur de la faïence française

Ludovico Hart, French Court, Temporary Annexe, Exhibition Building, Photograph, MM 107832, 1880 © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

Catalogue des exposants, dont Michel Bouquet

Offices of the Royal Commission, Royal Commission catalogue, SH 960367, 1880 © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

Stand des colonies françaises : Algérie et Nouvelle-Calédonie

Ludovico Hart, View of the French colonial courts of Algeria and New Caledonia, Photographie, MM 107 856, 1880 © Museums Victoria, Melbourne, Australia

 

 

Ce talent si particulier de peintre sur faïence lui vaut encore l’admiration en 1903 de Louis-Marc-Solon

« Michel Bouquet, the landscape painter, was never attached to the Laurin factory; but as he brought his work there to be fired, he was, to some extent, connected with the place.

I have no hesitation in saying that a plaque by M. Bouquet stands apart from all ceramic painting of every description as embodying, in an almost perfect form, the notion of using ordinary vitrifiable colours in the rendering of purely pictorial subjects.

The treatment is highly finished, but without undue minuteness ; delicate shades are skilfully contrasted with powerful tints ; the general effect is always true to nature.

If we compare it with a valued canvas, the plaque will hold its own and lose nothing of its intrinsic qualities; but it does not suggest any pretension to an imitation of oil painting.

Owing to the true method employed in its execution — which consists in painting upon the white enamel, in the powdery state, with the elementary metallic pigments which alone can stand the oven’s fire — it retains an absolutely ceramic character.

Bouquet was a constant exhibitor at the Paris Salon. His work has remained in private hands, and is never seen in the trade.

Neglected as his plaques may be at the present day, they have only to be better known to be appreciated as they deserve. The time is not far removed when the task of illustrating  with adequate examples the phases of a highly interesting revival will be taken in hand by appreciative collectors.

Bouquet’s landscapes on faïence will then be eagerly sought after as representing the most striking instance of the old processes having yielded results undreamed of by the ancients, when cleverly handled by a modern painter. » A history and description of the old French faïence, with an account of the revival of faïence painting in France, by Marc Louis Solon, 1835-1913 ; with a preface by William Burton. Containing twenty-four plates in colours, together with reproductions of marks and numerous illustrations, London, New York [etc.]Cassell and Co., ltd., 1903

 

13 Rester, malgré toute cette gloire et ces succès, sensible aux malheurs des autres

Dans les années 1870 et 1880 Michel Bouquet évolue à Paris dans un monde où l’argent est très présent, un monde qui, ici, a le goût de l’art et de l’industrie, le monde de l’aristocratie et de la politique et enfin celui des entrepreneurs, ce qu’il est, à sa petite échelle, puisqu’il travaille tout seul.

Il a su mener à bien sa petite entreprise picturale puisqu’il est encore là près de cinquante ans après ses débuts dans les années 1830. Il n’est pas facile de figurer au sommet sur toute une carrièr , d’être reconnu pendant plus de 50 ans comme une référence, d’être et surtout de rester un maître, et non pas un vieux maître.

C’est là tout son talent.

S’il évolue dans le monde de la high-upper class, Michel Bouquet est toujours intervenu dans différentes oeuvres de bienfaisance ou de charité, que ce soit vis-à-vis de ses collègues peintres dans le dénuement ou pour des oeuvres pour enfants malades.

Dès 1864, il offre des faïences et un dessin pour l’Oeuvre des jeunes convalescentes fondée par les médecins de l’hôpital Sainte-Eugénie, en compagnie de Mme Becq de Fouquières, une amie, qui offre un pastel et Claudius Popelin, l’autre grand maître de la peinture sur faïence. Les fonds ainsi récoltés servent à l’entretien et au développement des soins réservés aux enfants d’Epinay-sous-Sénart.

 

Maison de convalescence d’Epinay-sous-Sénart, Carte postale © Collection particulière

 

Dans le journal Gil Blas daté du 16 août 1885, A.Dumont écrit

« Etretat possède en ce moment un véritable salon. La colonie artistique ancienne et moderne a si bien répondu à l’appel du Comité de la loterie des sociétés de secours mutuels et du bureau de bienfaisance, que l’exposition des lots est très remarquable au point de vue artistique. Suivant la mode, les aquarelles et les dessins sont les plus nombreux.

On y remarque de nombreuses oeuvres dont des dessins de Michel Bouquet, Maurice Loir, Parker, des peintures de Charles Landelle.. Une autre œuvre de Michel Bouquet, une très belle plaque de faïence, est offerte par le président, Monsieur Paul Casimir Périer, député de la Seine inférieure. »

 

Un dessin de Michel Bouquet : falaise d’Etretat

 

Un autre exemple de vente au profit des oeuvres de charité

Les rochers dans la forêt

Michel Bouquet, Les rochers dans la forêt, Peinture sur email cru stannifère, Faïence au grand feu, 25,5 cm de diamètre, janvier 1881 © vente, Adjug’art Brest, 24 et 25 septembre 2014

 

Mais Paris n’est pas toute sa vie, il y a aussi cette région par lui tant chérie, la Bretagne.

Bouquet 21 Durer ! Amplifier les succès initiaux rencontrés par ses peintures sur faïence dans les années 1870-1880 Partie 2