17 La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808

 

17 La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808

 

Les textes qui vont suivre ont été entièrement rédigés de la main de François Jégou.

Il s’agit d’abord de la première partie de son ouvrage paru à Lorient en 1865 François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Typographie de Victor Auger 1865, 1 vol. in-8, 22 x 14 cm, 32 pp., un ouvrage très difficile à trouver chez les libraires, en reliure en demi-chagrin noir, doré en pied avec plats en percaline noire.

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Typographie de Victor Auger 1865, 1 vol. in-8, 22 x 14 cm, 32 pp. © CRBC-UBO-Brest

 

Un exemplaire qui appartenait en propre à François Jégou, ce qui en fait un ouvrage encore plus rare, puisque unique, avec un certain nombre de notes manuscrites insérées entre les espaces typographiques.

 

Une mention manuscrite de François Jégou portant sur la savonnerie lorientaise

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Typographie de Victor Auger 1865, 1 vol. in-8, 22 x 14 cm, 32 pp. © CRBC-UBO-Brest

 

L’auteur expose dans un autre document  –  entièrement manuscrit celui-là  –  sous le titre La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives la suite de la parution de 1865

 

Un manuscrit inséré à la suite de la publication de 1865

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

Une oeuvre d’une modernité exemplaire par le plan qu’elle induit, puisque cet ouvrage n’a pu être rédigé qu’entre 1860 – le début de ses recherches – et 1865 car le document est annexé au livre premier.

 

Plan de l’ouvrage

I Terres à porcelaines

II Bailleurs de fonds

III Oeuvres d’art, Artistes

IV Marques de fabrique

 

En outre ces Notes et pièces justificatives contiennent un document que je n’ai pour l’instant vu nulle part ailleurs, mais connaissant les archives, un autre exemplaire doit bien sommeiller quelque part entre deux rayons poussiéreux

 

Il s’agit du plan du chantier du blanc, c’est-à-dire un chantier de construction navale, mais dans lequel se trouve la Manufacture de porcelaines elle-même

Un espace situé sur la rive droite du Scorff, en face de Lanester et qui correspond approximativement à l’actuel quartier de La Ville en Bois, entre la chapelle Saint-Christophe et l’hôpital actuel du Scorff, l’étymologie de la place de La Poterie pouvant renvoyer à l’emplacement de la manufacture

 

Un plan datant de 1795

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

L’emplacement présumé actuel

La Ville en Bois et la place de la Poterie © Google maps 2020

 

avec placé au centre du dispositif, 1 le bureau de l’ingénieur

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

2 les forges, 3 les fourneaux placé à l’interface terre-mer

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

4 la poulierie et 5 le grand hangar

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

6 un autre grand hangar et 7 encore un autre grand hangar, certainement des bâtiments de stockage ou de travail des ouvriers

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

La surveillance de ce périmètre avec en 8 la cabane du gardien en bord des espaces marécageux et 9 le corps de garde

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 10, le luxe absolu, les latrines donnant en avancée sur la mer

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 11 les quatre cales de construction, remarquez la précision de l’aquarelle qui indique par un jeu de couleurs différenciées l’estran , c’est-à-dire la partie du littoral recouverte périodiquement par la marée

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 12 la cabane construite en bois, accolée en 13 à la manufacture de porcelaines de Lorient située quasiment sur le trait de côte, avec encore une fois une belle mise en évidence de l’estran

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 23 le trou de terre glaise, matière première pour le façonnage et la fabrication des porcelaines

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 14 les fourneaux pour la cuisson des porcelaines

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 15 le jardin nourricier et en 16 la petite maison des jardiniers

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 17 un puits très profond pour le ravitaillement en eau et en 18 le chemin vers L’Orient

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 18, toujours le chemin vers L’Orient et en 20 la démarcation du chantier, gardé, car il faut nécessairement passer par le poste de garde pour y pénétrer

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

En 21 le projet d’agrandissement de l’enclos figuré par des lignes rouges en pointillés se croisant en angle droit

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

 

I Terres à porcelaines

Il n’est pas bien certain que la découverte des gisements d’argile kaolinique aux environs de Lorient soit due à Chaurey.

A une époque antérieure à son arrivée dans le pays, l’Académicien Macquer, à qui la manufacture de Sèvres est redevable de son établissement de porcelaine dure,  Macquer parcourut la France pour rechercher la précieuse argile nécessaire à cette fabrication jusqu’lors inconnue en France.

Ce savant vint en Bretagne, probablement à Lorient, mais certainement au Port-Louis, à la fin de l’année 1759, ou au commencement de l’année suivante.

Non seulement il découvrit dans ce pays le kaolin, mais encore, sur sa demande, un sieur Le Cordier de Port-Louis, lui adressa à Paris des quantités assez considérables de cette sorte d’argile.

Je dois à l’obligeance de M. Riocreux, Conservateur des Collections de Sèvres, la communication de quelques pièces de la correspondance de Le Cordier avec Macquer qui établissent de ce qui précède

Les copies de cette correspondance, déposées à la Bibliothèque Impériale dans les cartons de cet académicien, sont jointes à la présente notice

 

II Bailleurs de fonds

Le négociant Bertrand, cité page 18, acquéreur de biens nationaux, sera assassiné à sa terre du Liven, commune de Languidic, en l’an VI. Le Liven était une propriété dépendante du couvent des Carmes d’Hennebont. Bertrand avait occupé les fonctions d’Agent ou de Commissaire National du District d’Hennebont en 92 ou 93.

Dans l’inventaire de sa succession, j’ai relevé deux passages prouvant que Bertrand avait été l’un des principaux intéressés, l’un des premiers fondateurs, peut-être de l’établissement de Chaurey, et qu’après la déconfiture de ce dernier, Sauvageau n’avait été que le prête-nom de Bertrand, du moins durant les premières années de la Direction.

Voici les passages de cet inventaire :

« …un parti de porcelaines actuellement déposé chez M. Bijotat et partie chez Madame Desbrosses, estimé 5000 Livres

Il est encore dû pour le citoyen Sauvageau pour la cession de la manufacture de porcelaines à lui faites à la fin de l’an V une somme de 8000 Livres qu’il doit payer dans le cours de cinq années sans intérêts à commencer de l’an X… »

 

III Oeuvres d’Art. Artistes

Depuis l’impression de la notice sur la Manufacture de porcelaines de Lorient, notice hâtivement écrite, pour être jointe à temps, à l’envoi d’échantillons de cette manufacture exposée à Saint-Brieuc au mois de mai 1865, depuis cette époque, je suis parvenu à recueillir de nouveaux renseignements sur cette industrie. J’ai découvert un certain nombre de porcelaines lorientaises et me suis convaincu que dans Lorient et les localités voisines il existe encore une grande quantité de produits de l’établissement du Blanc, et notamment des vases d’ornement.

Parmi ces derniers, j’ai remarqué quelques pièces d’origine authentiques signées Sauvageau, qui sont des merveilles de l’art du doreur  de porcelaines, ornées de peintures d’un véritable mérite : je citerai les pièces appartenant à M. Baudoin, contrôleur de l’octroi de Lorient

et un vase médicis appartenant à M. le Capitaine de Vaisseau de Marant de Kerdaniel en la maison duquel j’habite à Lorient.

La peinture allégorique du vase de ce dernier est signée Buyon, qui était évidemment le membre de l’Académie de peinture dont il est question dans l’annuaire de Lorient de l’an XIII.

 

Il s’agit peut-être du vase suivant

Buyon, Vase, Porcelaine dure, Décor polychrome, Manufacture de porcelaines de Lorient, s.d. © Cité de la Céramique, Sèvres

 

qui fait partie d’une paire

Buyon,  Vases, Porcelaine dure, Décor polychrome, Manufacture de porcelaines de Lorient, s.d. © Cité de la Céramique, Sèvres

 

 

Dont le revers est tout aussi magnifique

Buyon,  Vases, Porcelaine dure, Décor polychrome, Manufacture de porcelaines de Lorient, s.d. © Cité de la Céramique, Sèvres

 

 

dont les paysages ont peut-être inspiré Michel Bouquet 1807 1890, qui a dû en voir dans sa jeunesse à Lorient

Buyon,  Vases, Porcelaine dure, Décor polychrome, Manufacture de porcelaines de Lorient, s.d. © Cité de la Céramique, Sèvres

 

 

Un acte de l’état civil de la Commune de Lorient, de l’An XII, constate en effet qu’à cette époque un Sieur Buyon, peintre, habitait cette ville.

 

Voici cet acte :

« Du Douze Ventôze An XII de la République française

Acte de naissance de Jean-Marie Buyon, né place de la Liberté n° 7 à deux heures trois quarts, de ce jour, fils de Charles-louis Buyon, peintre, et de Marie-Hélène Pointe, mariés à Saint-Nicolas des Champs, Commune de Paris, département de la Seine et domiciliés de cette commune. Le sexe de l’enfant a été reconnu être masculin, témoin Jean-Baptiste Reinnard, doreur en porcelaines, âgé de 25 ans, et Constant le Ruyer, garde de la Mairie, âgé de 49 ans, accompagnés d’Anne Radegonde Teste, tailleuse âgée de 16 ans, domiciliés de cette Commune.

Sur la réquisition à moi faite par le citoyen Buyon, père de l’enfant, et après lecture faite du présent a signé avec les témoins

Signé Ch. Buyon, Reinnard, Radegonde Teste, Le Ruyer

Constaté suivant la Loi par moi Jean-Baptiste Bouilly, adjoint à la Mairie de Lorient, faisant fonctions d’Officier de l’état-civil. Signé J.B. Bouilly »

 

Comme témoin de cette déclaration de naissance, on a remarqué le nom de J.B. Reinnard, doreur en porcelaine. Cet individu devint plus tard peintre en porcelaine dans le même établissement du Blanc, et il est permis de penser qu’il eut Buyon pour maître.

C’est par erreur que ce même artiste Reinnard est cité, page 29 de la notice, sous le nom de Raynal. Je ne connais aucune oeuvre de peinture signée Reinnard.

 

Cet artiste est cependant parvenu à une certaine réputation puisqu’il est cité dans le Dictionnaire des Artistes de Gabet, Paris, 1831

Voici l’article qui le concerne :

« Reinnard, Jean-Baptiste, peintre sur porcelaine à Paris, rue des Vinaigriers, 17 bis, né en Allemagne en 1778. Cet artiste s’occupe spécialement de la figure et du portrait. Il donne des leçons particulières. »

 

Il résulte d’un acte de décès de Lorient du VII Messidor an XI que Buyon demeurait à Orléans en l’an X. Ce serait dans le courant de cette année où l’année suivante qu’il vint se fixer à Lorient.

 

Je ne connais aucune pièce de porcelaine du Blanc, d’une authenticité complète, portant des ornements en reliefs : figures, fruits, plantes. De figurines, statuettes, pas davantage.

On prétend cependant que certains bustes de Bonaparte, 1er Consul, en biscuit de porcelaine, sont sortis des ateliers de porcelaine du Blanc.

C’est dans cette conviction que Monsieur le percepteur Bouciron a acheté l’un de ces bustes 28 francs à la vente de M. Chardin, ancien médecin lorientais, mort l’an dernier à l’âge de 87 ans.

 

7 mars 1867    signé Jégou

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

D’autres productions de ma manufacture de Lorient portent sur les symboles républicains

Sauvageau,  Vase, Porcelaine dure, Décor polychrome, H. 32 cm, Manufacture de porcelaines de Lorient, s.d. © Cité de la Céramique, Sèvres

 

Sauvageau,  Vase, Porcelaine dure, Décor polychrome, H. 32 cm, Manufacture de porcelaines de Lorient, s.d. © Cité de la Céramique, Sèvres

 

Auguste Demmin , le célèbre collectionneur de céramiques du XIXème siècle parle également de la manufacture de porcelaines de LOrient dans son Guide de l’amateur de faïences et porcelaines, Renouard, 1867.

 » LOrient, Morbihan, Porcelaine à pâte dure.

Etablie en 1789 dans un endroit appelé Le Blanc, par le Sieur Sauvageau, cette fabrique qui m’a été révélée par M.C. Gadan de Vannes, n’a pas existé longtemps. LOrient, qui du temps de la Compagne des Indes, était un grand marché de porcelaines de toutes provenances, devait être peu propre pour l’écoulement des produist indigènes de ce genre.

Sur un vase de 30 cm de hauteur, fabriqué en deux pièces, comme le sont ordinairement les vases forme oeuf, c’est-à-dire attaché à son socle carré par un écrou et une tringle en fer, on lit en toutes lettres :

FABRIQUE DANS LE DEPT DU MORBIHAN PAR SAUVAGEAU A LORIENT

Le vase orné de deux chimères, en forme d’anses, est richement doré et décoré en polychromie. Sur le devant de la panse, on voit la République sous les traits d’une femme qui tient deux drapeaux, dont l’un tricolore. Au-dessus de cette figure allégorique, le peintre a placé, dans un cartouche, les lettres suivantes:

R.F.L.E.F.

République française, Liberté, Egalité, Fraternité

La face opposée du vase est décorée d’une espèce de paysage. Une fabrique de porcelaine de LOrient se trouve encore mentionnée dans le Dictionnaire des Postes aux lettres de l’année 1817. »

 

 

Savoureusement, un des correspondants de François Jégou ,Auguste André, Conseiller à la Cour d’Appel de Rennes, Directeur du Musée archéologique de la Ville de Rennes, lui signale que Lecoq-Kerneven par lui bien connu, voir le chapitre 4 a une fille. Or celle-ci est mariée avec Monsieur  du Faouëdic. Dans sa lettre ce correspondant mentionne que le couple possède deux beaux vases de porcelaine de Lorient, dont un de Huyot :

« Ce sont des vases forme Médicis, hauts de 29 cm, offrant un sujet en grisaille sur fond jaune de chrome avec décor doré. L’un deux porte en petits caractères la signature de cet artiste.

Sur l’un de ces vases, le peintre a reproduit la fondation de Lorient.

Un petit génie présente à Pallas qui le couronne le plan de la Ville. La déesse satisfaite est assise le coude appuyé sur un globe terrestre où un autre génie marque avec le compas le point où doit s’élever Lorient.

La Ville personnifiée est assise sur des monceaux de marchandises la main appuyée sur un gouvernail.

A ses pieds est couché Mercure, le dieu du commerce, tenant à la main le caducée de la paix.

D’un côté un petit génie confectionne des ballots, de l’autre le Génie du Scorff épanche paisiblement ses eaux.

Dans le fond un navire à la voile tendue.

La signature est sur ce dernier vase seulement. Il n’y a point de date, mais le style et la composition dénotent l’école du Premier Empire et doivent faire attribuer cette oeuvre aux derniers temps de la manufacture. »

 

Auguste André, Conseiller à la Cour d’Appel de Rennes, Directeur du Musée archéologique de la Ville de Rennes, Société d’Archéologie d’Ile-et-Vilaine, 1891 © Source gallica.bnf.fr / BnF

 

 

IV Marques de Fabrique

 

Voici la marque de Fabrique de la manufacture du Blanc, de couleur bleue, que j’ai vue sur deux pièces d’origine authentique

 

Ce sont les deux lettres P. L.  Porcelaine Lorientaise disposées en chiffre

François Jégou, Marque de la fabrique de Porcelaines de Lorient, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

J’ai remarqué plus fréquemment sur des pièces que l’on m’a affirmé provenir de la manufacture du Blanc, une marque qui à première vue ressemble à celle de la porcelaine de Saxe. Ce sont deux flèches disposées ainsi, de couleur bleue

 

On sait que la marque de saxe figure deux épées disposées de la même manière.

François Jégou, Marque supposée de la fabrique de Porcelaines de Lorient, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

Mais M. Turgan dans son remarquable ouvrage sur Les grandes usines de France, article Sèvres, donne la marque des deux flèches pour appartenir à la fabrique de porcelaines de la rue Fontaine au Roi, dite de la Courtille, ) Paris.

Je n’ai rencontré aucune pièce de cette seconde marque , avec ornements peints. Toutes sont dorées, surchargées souvent de dorures finement exécutées, dans le goût des décorations des porcelaines de Sauvageau

 

Année 1870    signé Jégou

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

Michel Vannier d’Orléans, associé de Durot, manufacturier de porcelaines à pâte dure à Lille en 1784 voir Auguste Demmin, 2e partie, p.834.

Il existe à Lorient une famille Vannier, depuis la fin du dernier siècle. Je ne sais s’il y a des rapports d’origine entre elle et Michel Vannier d’Orléans, ce qu’il y a de singulier, c’est qu’actuellement il y a à Lorient un Michel Vannier, âgé d’environ 60 ans.

Peut-être les relations de famille des Vannier d’Orléans avec les Vannier de Lorient ont-elles donné lieu à la création de la manufacture Chauray qui serait provenu de la manufacture de Lille. 1874 Jégou.

 

Sauvageau a signé de son nom les lettres d’or, accompagnées d’une ancre d’or dont le Jal? est disposé de manière à former la lettre S, quelques belles pièces de la manufacture.

Une de ces pièces appartenant à M; Baudoin, ancien imprimeur à Lorient, dont la famille avait été intéressée dans la manufacture du Blanc, porte cette marque en lettres d’or

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

Cette pièce porte de chaque côté, en relief, deux têtes de chèvres dorées, à cornes dorées.

M. Baudoin possède en outre des porcelaines du Blanc portant seulement pour marque l’ancre d’or

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

Ces pièces ainsi marquées sont rares et d’une grande profusion de peintures et de dorures.

Cette marque a-t-elle existé sur toutes les belles pièces du Blanc ? C’est possible, car ce genre de marque en or se détériore facilement  et elle a pu être effacée sur la pièce où elle manque actuellement.

ce qu’il y a de certain, c’est que des pièces très belles comme dorures en peinture , originaires du Blanc incontestablement ne portent aucune marque d’ouvrier, de peinture ou de dorure.

Cette note complète, jusqu’à ce moment le chapitre 3 intitulé Oeuvres d’art, et le chapitre 4, Marques de fabrique. Avril 1876 Jégou

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

 

Porcelaines Françaises et Etrangères

( Marques de Fabriques )

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

François Jégou, La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808, Deuxième partie, Notes et pièces justificatives, s.d. © CRBC-UBO-Brest

 

 

 

 

François Jégou avait également fait paraître un ouvrage sur l’entrepreneur qui avait fondé la manufacture de porcelaine de Lorient en 1790 et sur ses successeurs

 

La manufacture de porcelaine de Lorient
1790–1808
Industrie morbihannaise

par François Jégou
Membre de la société polymatique du Morbihan

Lorient 1865

 

 

 

Des cinq départements formés de l’ancienne province de Bretagne, le Morbihan se trouve, malgré des progrès très réels, le plus arriéré sous le rapport agricole et industriel, il faut le reconnaître humblement.

Cependant la fin du siècle dernier ce département s’était fait remarquer par son esprit d’initiative et par diverses tentatives toutes nouvelles, en dehors du serpent ordinaire du commerce breton : nous en citerons pour preuve la cristallerie de Kernével, petit village toujours cher à l’industrie, situé à l’entrée de la rade de Lorient ; la magnanerie de Plougoumelen, près d’Auray, à laquelle le village car armurier doit son nom et enfin la manufacture de porcelaine de Lorient.

Il serait utile de rechercher les causes de cet état d’infériorité et les remèdes qu’il serait possible d’y apporter. Il sera intéressant de passer en revue toutes les industries disparues, et d’examiner si elle ne pourrait pas renaître avec avantage. Mais ces questions complexes ont besoin d’être étudiées longuement pour être traitées. Une étude de ce genre est au-dessus de nos forces. Nous nous bornerons, dans cette courte notice, à l’histoire particulière de l’une des trois belles industries que nous venons de citer : celle de la manufacture de porcelaine de Lorient.

 

1  CHAUREY

Il y avait à peine 15 ans que l’on connaissait en France le procédé de fabrication de la porcelaine de kaolin, dites porcelaine dure, qu’un industriel sorti d’on ne sait où arriva à Lorient pour y fonder manufacture de ce genre de poteries, au moyen de la précieuse argile qu’il avait découverte dans les environs : c’était du moins ce qu’il annonçait dans le numéro du 22 avril 1790 de la Feuille hebdomadaire de la ville de Lorient.

« Le sieur Chaurey, fabricant de porcelaine et de faïence composition anglaise est arrivée depuis peu en cette ville. Il a trouvé dans les environs des terres propres à son état. Il se propose d’établir une facture et promet la réussite la plus complète. Il compose toute les couleur minérale ainsi que l’or, dans le genre de Sèvres.

Si quelques personnes désirent le faire travailler, il fera des essais satisfaisants ; il est prié de lui donner leur adresse, il aura l’honneur de converser avec elle sur son état, et proposera ses moyens. Il demeure chez le sieur D., traiteur, rue de Condé numéro trois.»

 

D’où venait Chaurey, au moment de son arrivée à Lorient, au mois d’avril 1790 ? Qui était-il ?

On l’ignore jusqu’à présent.

Nous avions d’abord pensé que cet industriel devait sortir des ateliers de la manufacture impériale de Sèvres, établissement qui a donné naissance à la plupart des porcelaines de France, et dont on s’appliquait partout à imiter les merveilleux produits.

Mais, à notre prière, des recherches très minutieuses ont été faites à ce sujet à Sèvres avec la plus grande obligeance de la part de Monsieur le conservateur Iocreux, et le nom du fondateur de la manufacture lorientaise n’y a pas été découvert. Ce serait donc vers des établissements secondaires existants à cette époque, ceux de Paris, de Lille ou de Limoges, qu’il faudrait peut-être diriger désormais de nouvelles investigations.

Nous manquons totalement, comme on l’a vu, de renseignements précis sur l’origine de Chorey ; nous n’en possédons pas davantage sur sa personne.

Quant à sa valeur, comme industriel, si les prétentions qu’il affichait à ce sujet dans la salle lorientaise ne sont pas exagérés, Chorey devait être autre chose qu’un simple ouvrier porcelaine et aux faïenciers, qu’un simple mouleur au tourneur de poteries.

Le fait d’avoir découvert dans le voisinage de Lorient des des argiles feldspath hic et de composer lui-même toutes les couleurs minérales, ainsi que l’or, dans le genre de Sèvres, tendrait à prouver qu’il possédait au moins pratique des connaissances d’un ordre plus élevé.

Voilà donc Chaurey faisant ses offres de services aux lorientais, mettant à leur disposition son industrie et ses talents pour fonder une manufacture de porcelaines.

 

N’était-il pas téméraire de chercher à implanter une industrie de cette nature dans le pays de France où l’on se procurait avec le plus de facilité, par les arrivages des vaisseaux de la compagnie des Indes, les belles porcelaines de la Chine et du Japon ?

À une époque où cette vaisselle était encore un objet de luxe, qui ne pouvait, par son prix élevé, se substituer de sitôt à la faïence, pour devenir habituel, même dans les classes aisées ?

Cependant Chaurey qui avait fait appel non seulement à la clientèle mais encore, on s’en doute bien à des bailleurs de fonds, réussit à trouver à Lorient des personnes qui mirent leur foi dans son entreprise, et lui prêtèrent leur concours : et après divers essais satisfaisants sur le kaolin du pays, ils put mettre ses projets à exécution.

Notre industriel fait venir de divers points de la France un certain nombre d’ouvriers entre parenthèses on dirait mieux d’artistes porcelainiers, tel qu’ébaucheur, mouleur, tourneur, trempeur, décorateur, brunisseur, etc.

 

Les uns arrivent de Paris, d’autres de Mayence, Strasbourg, Limoges et Nantes.

Il les installe au port de la ville dans un lieu appelé le bois du blanc, sur les bords du Scorff. Il construit des fours et bientôt il montre aux lorientais émerveillés de l’argile du pays transformé en porcelaines éclatantes

Voici en quels termes la feuille hebdomadaire mentionnait le début de la manufacture Chaurey, dans ce numéro du 12 août 1790, tome premier, page 348 :

« Si nous pouvions nous targuer d’avoir concours ou par notre feuille à quelque chose d’avantageux pour cette ville, nous citerons l’établissement que forme le sieur Chaurey fabricant de porcelaine et de faïence.
Cet artiste, car l’on nous assure qu’il a des talents qui le mettent au-dessus du fabricant, a trouvé les secours qu’il désirait pour lui manufacture, dans tous semblent devoir répondu succès.
Il a, dit-on reconnu soit Kernével soi-même sur le chemin dit des fontaines, des terres propres à son entreprise.
Dans divers essais qui ont déjà paru, on admire la perfection de sa pâte et le transparent qu’il lui procure.
Secondé d’un dessinateur fleuriste, on le croit capable de faire aussi bien que Sèvres.
Il a choisi pour local la métairie du bois du blanc.
On désirait que les intéressés fissent connaître même le progrès de cet établissement, dont il scelle les dispositions avec un soin bien affecté.

Ce fut avons-nous dit sur les bords du Scorff, aux portes de Lorient que Chaurey alla établir ses ateliers et ses fours.
Appelé autrefois le Bois du Fouëdic, puis le Bois du blanc, ce lieu, connu aujourd’hui sous le nom du Blanc, qui devait aux grands ateliers et aux cales de navires, dont on voit encore des traces à la compagnie, de lier les côtes de Saint-Domingue, appartenait alors à Messieurs Daudin et de Monistrol, et se trouve encore aujourd’hui la propriété des descendants de ces derniers.

En 1790 les chantiers étaient loués à un certain Arnoult, constructeur de vaisseaux, et l’ancienne habitation des directeurs de la compagnie de Saint-Domingue servait de corps de ferme.
Chaurey réinstalla ses ateliers et ses magasins dans ses bâtiments d’exploitation rurale et il construisit ses fours près de là.

Depuis cette époque, ces lieux ont complètement changé d’aspect, surtout depuis quatre ou cinq ans par suite des travaux du chemin de fer qui ont détruit les anciens hangars au magasin et les anciennes ateliers dont l’origine remontait ainsi que nous venons de le dire, aux premiers travaux de la campagne de Saint-Domingue en 1699 sur cette partie des bois du Faouëdic, et couper en deux ce chantier de construction navale, qui tout morcelé forme encore aujourd’hui une excellente position pour un grand établissement industriel.

Un plan des lieux, qui date de l’an III de la république, très fidèlement dressé par l’architecte Brigitte nous indique la position qu’occupait la manufacture Chaurey, dont il n’existe d’autres vestiges que des débris de gazette, que l’on ramasse sur la grève de la baie voisine.

D’après ce plan, l’édifice servant d’ateliers de magasins de la porcelaine était placé à la pointe nord du blanc, et touchait la vieille petite baraque en bois.
Ce bâtiment s’étendait sur une longueur d’environ 20 mètres parallèlement la rivière.
Il faisait face par conséquent au jardin muré que l’on connaît et avec lequel il avait une commune origine. Il était construit vis-à-vis des magasins et adossés contre le mur extérieur du jardin, à la hauteur de la maison qui existe actuellement. Cette maison a été bâtie pour les besoins de l’établissement, mais postérieurement en l’an III, car elle ne figure pas sur le plan de l’architecte Brigitte.

Ne connaissant les commencements de la manufacture du blanc, il nous est impossible de connaître la suite des opérations.
À partir du mois d’août 1790, soit par mauvaise humeur de la part du rédacteur de journal local, pour ne pas avoir été initié dans les secrets de l’entreprise, comme il s’en plaignait ;
soit pour tout autre cause, toujours est-il que l’on cesse malheureusement de trouver dans cette feuille, le moindre article, le plus petit renseignement concernant notre usine.
Et par ailleurs les documents ne manquent complètement pour découvrir ce qui s’y passa jusqu’à l’automne de l’année 1791.

 

À la fin d’octobre 1791, nous trouvons Chaurey aux prises avec de graves difficultés. Il manque d’argent pour payer ses ouvriers. À défaut d’argent, il prend des arrangements et des aubergistes pour leur fournir la nourriture et le logement, et pour assurer ses aubergistes paiement de leurs fournitures, il leur souscrit des obligations.

Le 31 octobre 1791, c’est une obligation de 550 livres, consentie par le sieur Jean-Charles Nicolas Chaurey, fabricant de porcelaine, demeurant acquérant, paroisse de Plœmeur, au sieur Jean-Baptiste Dufour, aubergiste , pour pension qu’il a pris, lui et ses journaliers, chez ledit sieur Dufour jusqu’à ce jour ; disant ledit Chaurey que le bail des appartements qu’il a loué verbalement dudit sieur Dufour dans sa maison qui rentrait n’est pas compris dans ladite obligation (Le Tronc, notaire à Lorient) »
.
Le 7 novembre suivant autre obligation de 400 valises consenties par le même, Auxerre Jean-Baptiste Humbert aubergistes acquérant trek, pour pension lui fournit à ses ouvriers. (Robert, notaire à Lorient).

 

Quelles furent les causes qui amenèrent le directeur Chaurey dans une situation si périlleuse ?

Était-ce le chômage de sa manufacture ?
On ne peut le supposer, en présence de la dépense assez forte qu’il avait réglé avec deux aubergistes pour la nourriture de ses ouvriers : elle prouve que ceux-ci étaient nombreux et que par conséquent les ateliers étaient toujours en activité.

Était-ce le résultat d’une rupture des associés ou l’épuisement d’un crédit auprès des personnes qui s’étaient intéressées à son œuvre ?
Était-ce enfin le manque de débouchés pour l’écoulement des produits de la manufacture qu’il laissait un coffre vide en présence de magasins pleis de marchandises ?

Ces dernières causes nous semblent avoir dû peser à la fois sur Chaurey et amener la détresse dans laquelle il était plongé, 15 mois après le commencement de ses travaux.

En effet, au nombre des intéressés, pour nous servir de l’expression du rédacteur de la faillite de Madère, tout demeurait inconnu jusqu’à ce jour, qu’ils aient été protecteurs, bailleurs de fonds associés, mais plusieurs raisons, qu’il est inutile d’examiner ici nous font penser que Chaurey devaient compter sur l’un des propriétaires du Blanc, le négociant Julien Louis de Monistrol.

Mais celui-ci mourut au mois d’août 1791, laissant plusieurs enfants trop jeunes pour la plupart pour continuer toute ces opérations commerciales.
De sorte que notre manufacturier dut perdre en lui son principal appui.

D’un autre côté, une industrie nouvelle rencontrait dans tous les temps des difficultés réelles dans ses commencements.

Quelle peine pour le placement des premiers produits, surtout s’il s’agit d’objets qui ne sont pas de première nécessité !

Et, dans cette catégorie, il fallait en 1790 ranger des porcelaines ; car nous le répétons ces objets étaient à cette époque tout à fait une poterie de luxe, fort peu répandue, ne sortant pas des vaisseliers des personnes riches, qui n’estime encore que les produits de la Chine et du Japon.

L’entreprise de Chaurey eut donc été basée sur des calculs chimériques, s’il n’avait compté pour le placement de ses porcelaines que sur le marché de la Bretagne, et même sur ceux de France en substituant brusquement la faïence des produits de sa manufacture.

Mais cet industriel était arrivé à Lorient avec des projets plus vastes.

Pour principaux débouchés, il avait en vue les États-Unis d’Amérique et les colonies françaises.

Pour moyen de transport il voyait des fenêtres de ses ateliers les navires de la compagnie des Indes amarrés dans le Scorffet, les navires amis qui nous protégeaient des périls qui fréquentaient alors la rade de Lorient.

Les calculs de Chaurey étaient théoriquement sérieux. Mais malgré leur exactitude, leur exécution comportait un danger réel, même en admettant le plein succès.

C’est que pour pouvoir se livrer un commerce d’exportation, il faut généralement engager un capital considérable, eu égard au long délai qui s’écoule nécessairement quand il s’agit des pays d’outre-mer, entre le moment de l’expédition des marchandises et celui du recouvrement du produit de la vente.

Ce fut là peut-être la pierre d’achoppement de la spéculation de Chaurey car il est certain que la manufacture du Blanc expédia ses produits aux colonies en Amérique.

 

Quoi qu’il en soit, plus ou moins de fondements de chacune de ces suppositions, l’on voit que dès le mois d’octobre 1791, la situation de la porcelainerie lorientaise était peu rassurante.

Sans argent, sans crédit, avec 30 ou 40 ouvriers sur les bras, chargé de dettes criantes, telles que celles de logeurs et cabaretiers, le directeur de cet établissement à bout de ressources voyait en perspective la fermeture de son usine s’il ne trouvait immédiatement un soutien quelconque, et à Lorient il était inutile d’en attendre.

À tout hasard, il s’adresse au directoire du département et lui demande un prêt à intérêt de 3000 livres, en fournissant caution.
Chaurey espérait que cette haute administration du pays s’intéressant à sa belle industrie lui viendrait en aide de ses deniers et lui permettrait ainsi de continuer l’exploitation.

C’était en outre acquérir l’appui d’une influence morale qui ne pouvait manquer d’attirer sur sa fabrique l’attention du public.
Sa demande de fonds n’avait d’autre but probablement que de lui permettre d’attendre à l’époque du retour de navires expédiés en Amérique. Sans cela que pouvaient faire 3000 livres ?

Mais le département avait lui-même à lutter contre de véritables embarras, dont le moindre n’était pas l’impulsion à doner à de nouveaux rouages administratifs.

L’agitation, le désordre des premiers moments de la révolution était passé des villes dans les campagnes, où il est toujours plus difficile de les réprimer. L’argent devenait rare il recouvrait l’impôt avec plus de peine à mesure que les besoins publics augmentaient.

Cependant malgré la pénurie de son trésor, le conseil du département accueillit favorablement la demande du manufacturier lorientais.

Dans sa séance du 6 décembre 1791, présidée par un ancien maire de Lorient, Esnoult Deschatelets, le conseil général accorda un prêt de 1500 livres à Chaurey :
« l’ordre du jour amenait la discussion de la demande faite par le sieur Chaurey, d’une somme de 3000 livres à titre de prêt, pour soutenir la manufacture de porcelaine qu’il vient d’établir à Lorient.

L’assemblée, le procureur général syndic, arrêta d’accorder, à titre de prêt, sans intérêt, au sieur Chaurey, la somme de 1500 livres, moyennant bonne et suffisante caution qui sera reçue par le district d’Hennebont, et après qu’il aura été préalablement constaté par la municipalité de Lorient que la tasse et le sucrier remis par le sieur Chaurey pour échantillons sont véritablement de sa fabrique. »

Les recherches faites dans les archives du département, pour parvenir à la connaissance des suites données à cette affaire ont été vaines.

Il faut d’autant plus le regretter que l’on devait espérer trouver dans la pétition de Chaurey des véritables motifs de sa détresse, et ceux qui les faisaient persister dans son entreprise, et espérer dans l’avenir. Cette pétition devait évidemment contenir sur cette manufacture des détails précieux qui nous manquent.

En présence des événements politiques qui se préparaient, ce n’était ni 1500 ni 3000 livres qui pouvaient tirer cette manufacture d’embarras. Au printemps de l’année suivante, la guerre déclarée à l’Autriche rendait imminent une guerre générale, et déjà le commerce français se voyait à la veille de perdre la liberté des mers.

À l’intérieur, en Bretagne surtout, l’agitation religieuse des campagnes allait dégénérer en soulèvement général est en guerre civile.

Toute confiance avait disparu. L’argent se cachait, et bientôt on allait assister au cours forcé du papier-monnaie. Malgré tout, Chaurey tenaient face à l’orage, faisant de nouvelles dettes, et souscrivant des billets, il réussissait quand même à maintenir le travail dans ses ateliers.

 

Ainsi se passa toute l’année 1792. Mais enfin cet état de choses devait avoir un terme.

Au commencement de la terrible année 1793, notre manufacturier fut assigné devant le tribunal de commerce par un sieur Daniel, menuisier, et un sieur Deruer, couvreur, en paiement de deux billets souscrits le 10 mars 1792, pour travaux de menuiserie exécutés à son établissement du Bois du blanc, fournitures de marchandises.

Un jugement par défaut rendu contre lui le 15 février, prononçant sa condamnation au paiement des billets avait contrainte par corps. Mais Chaurey avaient déjà quitté le pays et l’assignation lui avait été signifiée à Kerentrech, son dernier domicile.

Telle est l’histoire de la manufacture du Blanc sous son fondateur. Chaurey ne revint plus à Lorient et si on ignore d’où il venait, on est pas plus renseigné sur ce qu’il devint par la suite.

 

2  SAUVAGEAU

Après les résultats désastreux que nous connaissons, et en présence d’un bouleversement social qui n’avait pas encore atteint son apogée, il était difficile de penser que la manufacture de porcelaine continuerait ses travaux.

 

Ce fut cependant ce qui arriva.

Bientôt Chaurey eut un successeur dans la personne de l’un de ses ouvriers, François Sauvageau, natif de la paroisse de Saint-Lambert de Vaugirard les Paris, tourneur en porcelaine.

Dès le 5 mars 1793, c’est-à-dire moins de deux mois après le départ de Chaurey, nous voyons Sauvageau prendre la qualité de directeur de la manufacture de porcelaines qui rentrait, dans l’acte de son mariage célébré à la mairie de Lorient. On ne peut donc pas affirmer que cette usine était éprouvée par le chômage à la suite de la déconfiture de son fondateur.

Il ne serait pas impossible que ce nouveau directeur ait possédé par lui personnellement ou par sa femme, les ressources suffisantes pour pouvoir se charger de celles de l’entreprise ; cependant nous sommes peu disposés à l’admettre.

 

Sauvageau était un simple ouvrier en porcelaine et, âgé seulement de 33 ans, qui n’avait pas dû faire encore de gros économies. Quant à sa femme, Marie Fouquet qui est originaire de La Flèche, elle l’épousa il est vrai au début de son changement de position, mais il faut dire que les deux époux vivaient maritalement depuis une dizaine d’années.

De sorte qu’il est peu probable qu’une dot soit venue permettre à Marie de prendre la succession de Chaurey. Il existe d’ailleurs à ce sujet une version qui a une grande apparence de fondement, d’après laquelle un sieur Bertrand, négociant de Lorient, et quelques autres dont on a pu nous dire les noms étaient les véritables propriétaires de la manufacture, et Sauvageau le directeur gérant.

Bien entendu, il n’est question ici que de la situation de ce dernier en 1793, au début de sa direction, n’ayant aucune raison de suspecter l’affirmation du rédacteur de l’article de l’Annuaire du Morbihan de l’an 12 que nous allons avoir l’occasion de reproduire, article dans lequel on lit que Sauvageau était propriétaire de cette manufacture. Sa position avait eu en effet parfaitement le temps de se modifier, de s’améliorer, dans un intervalle de 11 années de 1793 à 1804.

En 1793 il était difficile à une entreprise commerciale non seulement de réussir encore de se maintenir en Bretagne surtout.

 

Comment allait donc faire Sauvageau pour ne pas fermer ses ateliers?

La consommation locale de ces produits était insignifiante, les communications avec l’intérieur détruites par les guerres civiles. Et d’ailleurs l’argent était si rare et les assignats si dépréciés, comment opérer des transactions commerciales dans de semblables situations ?

Quant aux commerces des exportations, les colonies françaises n’étaient pas dans une situation plus brillante que la métropole. La commotion révolutionnaire s’y était fait sentir aussi.

Et puis la navigation n’était plus libre pour le pavillon français, toute expédition maritime  était périlleuse. Et les frais des navires étaient hors de prix.

Reste à la porcelaine lorientaise pour débouché les ports de l’Amérique, et pour moyen d’exportation le pavillon américain et celui des neutres. Il est à croire malgré l’Annuaire de l’an 12 que ce fut de ce côté que Sauvageau trouva ses moyens de salut, puisque pendant toute la durée du cataclysme révolutionnaire, il maintint le travail dans ses ateliers.

Bientôt et sans abandonner la fabrication de porcelaines, Sauvageau eut recours à un nouveau moyen d’utiliser ces fours qui avaient tout le temps de se refroidir par suite de la diminution du travail dans les ateliers. Il se mit à fabriquer de la chaux et des briques pour l’Arsenal de Lorient. Il en fabriqua même pour les particuliers. C’est sans doute avec des matières extraites de dépôts qu’il fabriqua cette chaux puisque la pierre calcaire n’existe pas dans le pays.

 

Voici d’ailleurs  les renseignements sur l’établissement Sauvageauc ontenus dans l’Annuaire morbihannais de l’an 12. Nous croyons sa reproduction textuelle plus intéressante qu’une simple analyse.

« Manufacture de porcelaines dont Monsieur Sauvageau est propriétaire.

Comme cette manufacture fournit bien plus à l’étranger pour les colonies que pour la consommation intérieure du pays, il n’est pas étonnant qu’en temps de paix elle ait plus d’activités qu’en temps de guerre. Aussi entendu que la manufacture de porcelaines occupe 42 ouvriers tant peintres que figurines, et tandis qu’en temps de guerre elle ne peut en occuper que 12, du nombre desquels sont des artistes. En ce moment même elle a un peintre membre de l’académie de peinture à Paris.

On tire de divers endroits des matières premières qu’on y emploie. On se sert de la terre de porcelaine dit éteinte et kaolin. Moitié de la terre de Saint-Yrieix en Perche moitié de la terre du pays, excepté le caillou tacheté tout de Saint-Yrieix.

Le prix du quintal de terre est en temps de paix de 24 Fr. et en temps de guerre de 45 Fr. , ceci est dû à la difficulté des arrivages par mer et le renchérissement des transports par terre.

 

Les couleurs employées sur la porcelaine sont encore un objet de fortes dépenses pour cet établissement vu qu’elles ne sont composées que de minéraux. Le bois de chauffage ne doit pas être oublié car il en faut par an 200 à 300 cordes suivant l’activité de l’atelier. Cette manufacture peut produire selon son propriétaire en articles achevés pour environ 150 000 livres en temps de paix. Par son débouché pour nos colonies et pour l’étranger et en temps de guerre il faut compter sur deux tiers de moins vu que tout reste en magasin et que la consommation n’est que pour l’intérieur.

La main-d’œuvre est très chère surtout pour la peinture. Il y a de ces artistes payés depuis 1500 jusqu’à 3400 Fr. et autres proportions.

L’établissement de cette manufacture date de 1790. Depuis cette époque jusqu’à l’an II elle a assez bien réussi avec apparence même d’amélioration. Mais depuis l’an II les circonstances nuisent à son accroissement par le défaut de vente intérieure et même pour l’étranger et des colonies.

Un sujet d’amélioration pour cette manufacture, au moins en temps de guerre serait la fabrication de la chaux et de la brique. Le propriétaire de cet établissement a trouvé dans le pays même des matières propres à ce travail.

Dans la guerre dernière, pendant que la navigation est interdite par l’approche des Anglais, Monsieur Sauvageau fournit à la marine de la chaux et des briques. La ville de Lorient est celles qui la voisinent ont été heureuses de trouver cette ressource pour subvenir à l’urgence leurs besoins journaliers.

Le propriétaire de cette manufacture éprouvait des pertes considérables depuis 1790 et surtout à l’époque du papier-monnaie. Il ne peut sous ce rapport donner à son établissement l’accroissement dont il est susceptible. Mais aidé par le gouverneur, il prendrait un nouvel essor et utiliserait son industrie, borné à ses propres moyens, puisqu’ils ne peuvent suffire à lui donner toute extension qu’il désirerait afin de la rendre avantageux aux pays où il fait son domicile. »

On ne s’étonne plus maintenant de ce que le nom de Chaurey soit complètement inconnu à Lorient. Puisque dans un résumé historique concernant la manufacture de blanc daté de l’an 12 écrits et   imprimés à Lorient on a pu oublier le nom de son fondateur !

 

Sauvageau mourut à Lorient l’année suivante le 25 pluviôse an 13, à l’âge de 45 ans, laissant une veuve et un jeune garçon de 12 à 13 ans qui ne purent conserver la direction de la manufacture.

Quelques mois encore sur ce directeur dont la mort devait être la ruine de la seule industrie qui existai à Lorient à cette époque. Nous avons dit que Sauvageau était né à Vaugirard ; il sera donc possible qu’il ait débuté la profession d’ouvrier en porcelaine par les ateliers de la manufacture royale de Sèvres, voisine du lieu de sa naissance.

Mais il est certain qu’il venait de Nantes lorsqu’il entra dans la manufacture de Lorient en 1790 et qu’il y habitait depuis 1783. Il était probablement ouvrier de la fabrique de faïences de cette ville. Sauvageau avait un frère aîné, nommé Jacques, un temps que lui sous les ordres de Chaurey. Mais après le départ de celui-ci Jacques ne resta pas sous la dépendance de son jeune frère et quitta le pays.

C’est dans la ville de Lorient que demeurait Sauvageau rue du Morbihan numéro 51 actuellement numéro 33. C’est dans cette maison qu’il mourut.

On raconte que même pendant les plus mauvais jours de la révolution que l’on a flétrie justement sous le nom de la Terreur, Sauvageau était désigné par le sobriquet assez dangereux de Louis XVI. Un nom d’atelier qu’il devait, à ce qu’il paraît, à une certaine ressemblance physique avec le martyr du 21 janvier.

Sauvageau a laissé son nom à la porcelaine lorientaise.

 

3  HERVE

Sauvageau étant décédé, Marie Fouquet sa veuve chercha immédiatement à céder la manufacture.

Mais en attendant elle fit continuer les travaux de cet établissement.

Ce ne fut que plusieurs mois après qu’elle trouva un acquéreur, un jeune rentier de Lorient nommé Lazare Marie Hervé, qui avait épousé depuis peu d’années une fille du négociant Jules Julien Louis de Monistrol dont nous avons parlé qui était promu copropriétaire du Blanc avec ses frères et sœurs.

L’acte de vente consentie par la femme de Sauvageau date du sept Nivôse an 14 mais précédemment elle avait pris des arrangements avec ses beaux-frères et belles-sœurs pour s’assurer de la location des maisons et du terrain où la manufacture avait été établie.

Il est dit dans ce contrat au rapport de Colin et noté à Lorient :

« Un, que de la succession bénéficiaire dudit feu sieur Sauvageau dépend l’établissement de la manufacture de porcelaines formée au quartier nommé le Bois du Blanc, succursale dudit lieu, en la commune de Lorient, ainsi que tous ce qui se trouve en dedans, savoir : porcelaine achevée, porcelaine ébauchée, empâtée couverte, four, entourage, la couverture, la maison à côté du four, celle qui est dans le jardin, les tours, cassettes, bois et généralement tous ce qui se trouve dépendre et appartenir à ladite manufacture ; que le fond du terrain et autre édifices s’exprimait à partir des héritiers Monistrol.
De que lesdits héritiers Monistrol ont, suivant bail passé devant Maître Huguet et son collègue, notaire à Lorient, le 16 vendémiaire dernier, accordé aux dit sieur Adam Hervé, la jouissance du terrain, maison et dépendance qui comporte actuellement ladite manufacture de porcelaines, pour cinq années qui ont commencé le premier vendémiaire dernier. « 

Le prix de cette session fut de 12 000 Fr. Le nouveau directeur âgé de 22 ans seulement était trop jeune et il manquait totalement de connaissances pratiques pour se mettre à la tête d’un établissement industriel de cette nature.

 

Aussi ne tarda-t-il pas à faire des pertes semble-t-il de sa petite fortune.

En moins de deux ans est constaté dans son avoir un déficit d’une quarantaine de 1000 Fr.

Hervé, victime de l’effet ordinaire des spéculations entre les mains inhabile,s ne tarda pas renoncer à l’industrie. Et son exemple ayant effrayé les plus hardis, il ne trouva pas de successeur. La manufacture du Blanc fut définitivement fermée. Ceci eut lieu en 1808.

Ainsi finit l’œuvre de Chaurey continués par Sauvageau.

Implantée en 1790, cette industrie eut assez de vitalité pour résister pendant près de 18 ans aux plus grandes difficultés commerciales. Si elle périt, si elle ne parvint pas à atteindre le rétablissement de la paix générale si ardemment attendue, il faut en accuser seulement l’inexpérience de son dernier directeur.

Hervé quitta la France, il alla se fixer à l’Ile Maurice où des parents de sa femme occupaient de hautes fonctions. De retour à Lorient après 16 ans d’absence il ne trouva plus rien de l’établissement où il s’était ruiné : magasins, ateliers, four, tout avait été démoli ou était tombé en ruines. Les matériaux mêmes en avaient été dispersés. Il n’existait plus que de faibles traces de l’emplacement des édifices désignés dans l’acte du sept nivôse, 14.

 

Il me reste à parler de la partie matérielle et artistique de la Manufacture du Blanc.

Les matières employées dans la fabrication des premières porcelaines de Lorient proviennent des environs de cette ville, soit de Kernével, soit d’un lieu situé dans le voisinage, de la compagnie des Indes, sur le chemin des fontaines.

C’est ce qui résulte de l’annonce concernant Chaurey, insérée dans le numéro du 22 avril 1790 de La feuille hebdomadaire de Lorient, où il est dit en parlant de cet industriel :

« Il a trouvé dans les environs des terres propres à son état et dans le passage du numéro du 12 août suivant ; il a dit-on reconnu à Kernével soi-même sur le chemin dit des fontaines, des terres propres à son entreprise. Dans divers essais qui ont déjà paru il en admirait la perfection de la pâte et la transparence qu’il procure. »

Chaurey découvrait donc aux environs de Lorien,t nous insistons sur ce point l’argile nommée kaolin, et la pierre de feldspath quoi ce nommé hématite, qui sont les matières indispensables pour la fabrication de la porcelaine dure.

Ce fut cette découverte qui amène à la création d’un manufacture du Blanc. Et ce fut avec ce kaolin et ce feldspath du pays qu’il fabriqua les premières porcelaines lorientaises.

Cependant l’annuaire de l’an 12 nous a appris que Sauvageau le successeur de Chaurey faisait venir à grands frais de Saint-Yrieix une partie du kaolin nécessaire à sa manufacture.

On tire de divers endroits 17  les matières premières qu’on y emploie, moitié de la terre de Saint-Yrieix en Perche moitié de la terre du pays.

Pourquoi mélange-t-on du kaolin de Lorient au kaolin étranger ? Le gisement d’hématite découverts par Chaurey était-il donc déjà épuisé ? Cela n’est pas probable si l’affirmation des géologues est exacte : où il existe du kaolin existe l’hématite. À notre avis ce fait devait provenir plutôt de la qualité des matières que de leurs défauts de la rareté et cette opinion expliquerait l’énorme différence de leur marque entre les diverses pièces, tant sur le rapport de la qualité de la blancheur de la pâte que sous celui de la netteté de la couverte. Et pour acquérir une certitude à cet égard, il faudrait étudier les gisements du pays. Il faudrait en outre pouvoir distinguer les échantillons des porcelaines fabriquées avec des terres lorientaises, en se procurant des mélanges avec la terre de Saint-Yrieix.

 

En général on ne fabriquait au Blanc que de la porcelaine dite d’office : assiettes, plats, bols, accessoire de table, service à thé et à café. Cependant nous pouvons assurer qu’il en est sorti des œuvres spéciales d’art et d’ornement, même de grandes dimensions. Nous sommes disposés à le croire, puisque des artistes de toutes espèces, entre autres furent rattachés à cet établissement.

Nous devons dire que jusqu’à ce moment nous n’avons encore découvert en ce genre aucun échantillon bien authentique.

Dans les meilleures phases de son existence, la manufacture de Lorient n’aurait fabriqué annuellement que pour 150 000 Fr. de marchandises, aux dires de l’annuaire de l’an 12. Ce chiffre tout important qu’il était à l’époque en égard à la valeur monétaire nous paraît cependant bien fait pour une fabrique qui entretenait une quarantaine d’ouvriers et dans ce nombre des artistes payés depuis 1500 jusqu’à 3400 Fr.

Sur son déclin c’est-à-dire pendant les directions RD le personnel de cet établissement ne se composait plus que de deux tourneurs, un mouleur, un brunissœur, un doreur, un peintre et 45 hommes de peine. Avec un personnel aussi réduit la fabrication n’a jamais pu être considérable. Ce qui n’a pas empêché ce directeur de perdre rapidement une somme assez forte par, dit-on, de fournée manquée pour avoir négligé les conseils expérimentés de ses ouvriers.

 

Cet établissement avait une marque de fabrique, P. Et L., Initiales des mots Porcelaines Lorientaises, disposés en chiffres, qui s’appliquait en couleur bleue.

Malheureusement les échantillons qui portent cette marque sont très rares.

Nous croyons avoir rencontré une marque de fabrique d’un autre genre mais nous n’avons à cet égard aucune certitude. Il existe aussi des pièces portant une couleur brune avec  le nom de leurs acquéreurs, écrit en entier.

Nous avons remarqué le nom d’une fabrique de famille lorientaise qu’il contient, un officier de vaisseau et un officier d’artillerie, le temps de Chaurey.

Ce qui augmente la difficulté pour reconnaître les porcelaines de Lorient, c’est que rien dans l’examen des formes, la qualité du travail, la nuance et la translucidité de la pâte et de la couverte, ne trahissait origine manière absolue.

Tantôt c’est une perfection digne de la manufacture de Sèvres, pour le fini du travail, la blancheur et la transparence, l’éclat et la netteté de couverts. Tantôt c’est une blancheur distraite, des défauts qui font condamner une pièce dans tout établissement jaloux de conserver sa réputation.

Notre avis nous le répétons des différences aussi sensibles s’expliqueraient par l’emploi de terre du pays et de celle de Limoges, soit séparé, soit mélangé.

 

Ainsi donc, pas d’unité dans le genre de travail pour reconnaître d’une manière certaines porcelaines de Lorient. On est donc à peu près réduit à recourir aux renseignements sur leur provenance pour accorder aux échantillons que l’on découvre une origine authentique.

Quelques pièces portent la marque particulière de l’ouvrier de porcelaines. Presque toujours les initiales de son nom car à Lorient tous ses ouvriers savaient signer. On trouve des porcelaines marquées des lettres LN, JP, JS. Qui répondraient au nom de Landry, Nicolet, tous  attachés aux établissements Chaurey, Sauvageau Hervé. Les plus belles pièces que nous connaissions, d’une authenticité incontestable, sont marquées de T.

Nous avons cru que ces renseignements pourront être de quelque utilité pour les amateurs, dans leur recherche des porcelaines lorientaises, dont quelques-unes sont vraiment dignes de trouver une place dans les plus belles collections. C’est qu’en effet, outre la perfection de travail, qui témoigne de la capacité des ouvriers porcelainiers, il y a les décorations en Or, qui donnnte à leurs œuvres une valeur artistique.

Nous voudrions entrer ici dans quelques détails sur les différentes décorations d’usage à Lorient, noir, rose, vert, polychrome.

Autrement comment faire un description des scènes charmants de la vie champêtre, de l’amour pastoral dans le genre Watteau ? De délicieux paysages d’un sujet allégorique, dus au pinceau des artistes lorientais et que nous avons pu admirer ?

 

N’étant pas compétents en pareille matière nous nous bornerons à affirmer que l’Annuaire de l’an 12 n’ exagérait certainement pas en disant :

« En temps de paix la manufacture occupe 42 ouvriers, tant peintres et autres, du nombre desquels sont des artisans très grands mérite. En ce moment même elle a un peintre membre de l’Académie de peinture de Paris. »

De tous ces peintres de talent seulement est parvenue jusqu’à nous, celui de Raynal , le dernier peintre de ses manufactures. Après la cessation de travaux, Raynal, prit  la spécialité dit-on, de celle de peintre de portraits à la succès à Nantes.

De son temps une jeune ouvrière de 18 à 20 ans travaillait dans les ateliers du Blanc en qualité de bruni en or. Raynal remarque en elle quelque disposition, lui donne des leçons des dessins et de peintures et la mit bientôt à même de dorer des porcelaines. Elle peignit notamment ces jolies semées de bleuets, au feuillage vert tendre, qui décorent un si grand nombre de porcelaines lorientaises, qu’elles en sont pour ainsi dire une marque d’origine.

Cette jeune artiste de 1807, nommée Saint-Martin, habite actuellement Merville, sous le nom de Madame Boucher. Elle est probablement aujourd’hui le seul représentant des artistes de porcelaines lorientaises.

 

Pour terminer cette monographie industrielle, examinons brièvement s’il ne serait pas possible de voir renaître la manufacture de porcelaines lorientaises. Pour cela il suffira de récapituler le passé et de le comparer au temps nous vivons.

En 1790 Chaurey en se fixant à Lorient a pour principal débouché des pays d’outre-mer. En Bretagne les porcelaines sont d’un usage restreint et les communications à l’intérieur du pays sont difficiles et coûteuses. Bientôt la guerre de toutes parts ferma les issues de cette manufacture.
Sauvageau en présence d’un bouleversement général réduit sa fabrication, attendant des jours meilleurs. La consommation locale suffit à peu près seul pour entretenir l’activité de ces ateliers. Le pays se calme, le travail augmente, mais l’exportation est toujours impossible.

Hervé qui succède à Sauvageau n’a ni l’expérience et la prudence de celui-ci, et sous sa direction inhabile, la manufacture disparaît.

Tel est le résumé passé. Les souffrances de notre industrie sont étrangères à son essence, cela est hors de doute.

 

Aujourd’hui que voit-on ?

La mer ouverte à tout le monde ; des chemins sillonnant le pays en tous sens : sécurité partout. L’usage la porcelaine pénétrant dans toutes les classes de la population et jusque dans la chaumières on la rencontre sous forme de madone. Ce tableau est séduisant pour un futur industriel, il y a il est vrai la redoutable concurrence !  Mais la Bretagne est grande et les concurrents sont loin.
Pourquoi donc alors ne verrions-nous pas un jour une nouvelle manufacture de porcelaines lorientaises ?

 

CERAMIQUE BRETONNE, Porcelaines et Faïences Lorientaises

Quelques années plus tard, François Jégou fait imprimer un fascicule  –   qui est aujourd’hui d’une grande rareté  –   en 1876, dans lequel il donne les derniers éléments de recherche auxquels il est arrivé.

 » Une notice publiée en 1865, à l’occasion de l’exposition des produits de l’industrie bretonne qui eut lieu à Saint-Brieuc, a révélé à la plupart des amateurs de céramique l’existence de l’ancienne porcelainerie du Blanc, fondée en 1790 aux portes de la Ville de LOrient par un industriel nommé Jean-Charles-Nicolas-Chaurey, un établissement dirigé successivement par François Sauvageau et Lazare-marie Hervé jusqu’en 1807, et peut-être postérieurement à cette date par un ancien maire de LOrient, M. François-Pierre-Marie Ducouëdic.

Depuis 1865, les produits du Blanc sont plus connus ; M. Riocreux, conservateur du musée national de Sèvres, a réparé l’oubli dans lequel les porcelaines lorientaises avaient été tenues jusqu’alors, en leur donnant une place parmi les porcelaines de tous pays, de toutes origines que possède ce célèbre musée.

Ces produits de l’industrie lorientaise ont figuré à l’Exposition universelle de Paris de 1867.

Enfin, les collectionneurs et els véritables amateurs, notamment ceux qui font une spécialité de la céramique bretonne, recherchent avec soin, aujourd’hui, les produits variés de cette intéressante et belle industrie. et leurs recherches permettent d’augmenter les renseignements fournis par la notice de 1865, hâtivement écrite pour l’exposition de Saint-Brieuc.

Ainsi il est désormais certain que dès 1760, c’est-à-dire trente ans avant l’établissement de Chaurey, l’argile kaolinique fut découverte à LOrient et au Port-Louis. Au mois de mai de cette année, un maire du Port-Louis, M. Le Cordier, adressa cinq caisses de terres à porcelaines épurées, pesant 250 livres chacune, à M. Macquer, de l’Académie des Sciences, demeurant Paris, rue Saint-Sauveur.

Deux des principaux artistes peintres attachés à la manufacture du Blanc sont actuellement connus. L’un d’eux se nommait Charles-Louis Huyon. Il vint se fixer à LOrient en l’an dix, arrivant d’Orléans.

Un autre, qui se trouvait à LOrient en même temps que Huyon, se nommait Jean-Baptiste Reinnard, nom défiguré, page 29 de la notice, en celui de Raynal. Gabet, en son Dictionnaire des Artistes français, publié en 1831, fait mention de Reinnard en ces termes :

« Reinnard Jean-Baptiste, peintre sur porcelaines à Paris, rue des Vinaigriers, 17bis, né en Allemagne en 1778. Cet artiste s’occupe spécialement de la figure et du portrait. Il donne des leçons particulières. »

Quel est celui des deux, Huyon ou Reinnard, qui appartenait à l’académie de peinture, d’après l’Annuaire de LOrient de l’an XIII ? C’est ce que je n’ai pas encore pu découvrir.

Ces deux artistes ne furent pas les seuls à décorer les porcelaines du Blanc de ces peintures qui sont quelquefois des oeuvres d’art vraiment remarquable. Il y eut au Blanc, comme dans toute manufacture, des maîtres et des élèves. Il est facile de s’en assurer en comparant les divers produits lorientais.

Et d’ailleurs Huyon, je le répète, ne vint se fixer à LOrient qu’en 1803. Mais outre les artistes spécialement attachés à la manufacture aux appointements de 1500 à 3500 francs par an, des peintres amateurs de la ville n’ont-ils pas exercé leurs talents dans cet établissement ? Je suis disposé à la croire. Aussi, dans cet ordre d’idée et pour guider les amateurs dans leurs recherches sur l’origine des belles peintures que l’on admire sur certaines porcelaines lorientaises, voici quelques renseignements sur plusieurs peintres de talent qui ont vécu à LOrient du temps de la manufacture du Blanc.

Dubois, ancien receveur général des fermes. Il devint professeur de dessin et de peinture au lycée de Pontivy à sa création en 1804. Peinture d’histoire et portraits, sculpteur habile, je crois que c’est le père de Dubois de Beauchêne, homme de lettres, mort en 1874. L’église de Guéméné possède un beau tableau de l’Assomption exécuté par Dubois.

Mlle Elisabeth-Françoise-Marie Le Roulx de la Ville, née à Amsterdam vers 1771, morte à Paris en 1826, mariée à un M. Benoist, chef de division au ministère de l’intérieur. Le père de cette artiste, riche négociant fixé à LOrient vers 1784, devint député de cette ville à l’assemblée constituante. Sous l’empire, il fut nommé sénateur. Mme Benoist, élève de David et de Lebrun, obtint une médaille à l’exposition de 1804 : peinture d’histoire et portraits. Cette lorientaise a acquis une autre célébrité : Demoustier l’a immortalisée sous le nom d’Emilie dans ses Lettres sur la mythologie. »

Ndr Ici François Jégou semble confondre René Le Roux de la Ville qui est le père des soeurs artistes Marie-Elisabeth et Marie-Guillemine Le Roulx de la Ville, avec son frère Joseph Le Roulx de la Ville qui s’était fixé comme armateur dans la Ville de LOrient.

 

« Charles Dusaulchoy. Il était le fils de Louis-Marin Dusaulchoy, ancien officier de vaisseau de la compagnie des Indes, maire de LOrient en 1792, au moment de l’assassinat de l’infortuné Gérard. Charles obtint une médaille à l’exposition de peinture de 1810. Son talent s’est exercé dans des genres différents : histoire, batailles, marines, intérieurs. La ville de LOrient possède de lui un grand tableau représentant un combat naval.

Le Doux, Jean-Baptiste, maître-peintre entretenu au port de LOrient, né à Paris en 1740, mort à LOrient en 1823 : tableaux religieux et portraits. Ses oeuvres sont nombreuses : quelques-unes sont estimées des amateurs.

 

Assurer que Dubois, Dusaulchoy, Le Doux et Mlle Le Roulx de la Ville ( Mme Benoist ) doivent avec Huyon et Reinnard, faire partie de la galerie des peintres porcelainiers lorientais est difficile. Il ne sera possible d’y parvenir qu’après une étude sérieuse et la comparaison des produits lorientais  avec les oeuvres connues de ces maîtres.

Toutefois il est à remarquer que Demoustier a certainement été l’inspirateur des plus belles peintures sorties des ateliers du Blanc. Le sujet peint sur une aiguière, actuellement exposée au musée de céramique de Quimper, représente Pomone, déesse des fruits, et Vertumne, dieu des jardins, déguisé en vieille femme, sujet auquel sont applicables ces deux vers de la 49e lettre de Demoustier à Emilie

O vigne, jeune et vierge encore,

Je sais l’ormeau qu’il vous faudrait !..

Aux amateurs de décider si la Belle Emilie ( Mme Benoist ) ne serait pas l’auteur de cette peinture hors ligne.

 

De nos jours le moindre barbouilleur se permet de signer ses lèvres fantaisistes. Mais autrefois, les véritables artistes avaient plus de modestie. Il ne faut pas donc s’étonner si l’on ne découvre que très rarement sur nos belles porcelaines lorientaises le nom de leurs habiles peintres. Pour ma part je n’ai rencontré qu’une seul fois le nom de Huyon sur un vase Médicis appartenant à Mme Le M…, demeurant actuellement à Vannes.

Certaines pièces du Blanc ont des décorations en relief, des figurines, des têtes de chèvres et de bélier, des fruits, etc… Cet établissement a-t-il produit des oeuvres de sculpture plus importantes ?

C’est probable. Dans la conviction que des productions de ce genre sont sorties des ateliers du Blanc, M. Bouciron, ancien percepteur à LOrient, a acheté, en 1866, un buste de Bonaparte, premier consul, à la vente de M. Chardin, médecin à LOrient, décédé à l’âge de 87 ans. Peut-être M. Bouciron avait-il des données certaines sur l’origine de ce buste en biscuit de porcelaine.

Les lettres PL disposées en chiffre, se remarquent sur quelques échantillons du Blanc datant de l’origine de l’établissement. Une autre marque de fabrique, aussi rare que la première, consiste en une ancre d’or chargée d’un tronçon de câble disposé en S. Cette marque serait celle de Sauvageau. Une pièce de son établissement, d’un mérite hors ligne, appartenant à M. B…d…, de LOrient a poour marque : Sauvageau (ici une ancre marine garnie d’un S ) à Lorient, le tout en or.

A LOrient et dans les environs, de cette ville, on rencontre très fréquemment des porcelaines qui dénotent une origine lorientaise par leur forme, le genre de décoration et la teinte cuivrée d e l’or, teinte très caractéristique des produits du Blanc ; mais elles portent une marque qui déroute le connaisseur : deux flèches en sautoir, imitant au premier abord, les deux épées de Saxe.

Les ouvrages de céramique donnent cette marque des deux flèches bleues comme étant celle de la porcelaine de la rue de la Fontaine-au-Roi, dite de la Courtille, à Paris.

Mais à une époque quelconque, la fabrique lorientaise n’a-t-elle pas emprunté cette marque à la Courtille ; ou bine cette manufacture n’a -t-elle pas hérité des artistes et de la marque du Blanc ? C’est une question à vérifier.

En terminant cette note, je ferai remarquer qu’à Lorient et dans toute la Bretagne, on rencontre fréquemment une faïence ancienne, souvent élégante de forme, d’un fini de fabrication parfait, d’une teinte uniformément grise nuancée de jaune. Quelle est l’origine de cette faïence ?

Elle est anglaise, vous répondra presque-t-on toujours. Lorientaise, diront avec quelques hésitations certaines personnes, dont l’opinion est actuellement partagée par MM. Ch… et G…, excellents connaisseurs en céramique connus à Lorient.

Je suis d’autant plus porté à partager l’avis de ces deux amateurs, qu’il est certain pour moi que les artistes du Blanc n’eurent pas d’égaux en Bretagne ; et que Chaurey, en arrivant à Lorient se présenta, non seulement comme fabricant de porcelaines, mais aussi comme fabricant de faïences…

Quoi qu’il en soit la question est à examiner, je la soumets aux amateurs de céramique bretonne réunis en ce moment à Quimper. »

François Jégou 1er mai 1876

 

 

( A bientôt pour la suite du texte )

17 La manufacture de porcelaines de Lorient 1790-1808