13 L’atelier de l’historien François Jégou : la mise en perspective des faits par tamis et décantation

13 L’atelier de l’historien François Jégou : la mise en perspective des faits par tamis et décantation

13.1 La mise en perspective des faits par le tamis de la sélection écrite des données à partir des documents bruts dans le cadre d’une datation rigoureuse

13.2 La mise en perspective par la décantation des faits au moyen du choix des mots-clés : l’exemple des corsaires.

13.3 Quelle mise en perspective ? La recherche d’un plan organisateur.

13.4 L’aboutissement : deuxième partie du plan du livre Marine militaire et corsaires sous le règne de Louis XIV, Histoire de Lorient, port de guerre 1690-1720,Vannes, Lafolye, 1887, 452 p.

13.5 Le texte définitif : II Les corsaires

13.6 L’aboutissement : première partie du livre Marine militaire et corsaires sous le règne de Louis XIV, Histoire de Lorient, port de guerre 1690-1720,Vannes, Lafolye, 1887, 452 p.

13.7 Essayons de transformer le plan ci-dessus  en éléments iconiques

13.1 La mise en perspective des faits par le tamis de la sélection écrite des données à partir des documents bruts dans le cadre d’une datation rigoureuse

Travaux de François Jégou publiés : l’exemple des corsaires.

Extraits des registres des dépêches ministérielles adressées aux Ordonnateurs de la marine au Département du Portlouis et de Lorient, Archives de l’Inspection de la marine à Lorient

Après en avoir recopié intégralement bon nombre de ces courriers, François Jégou passe au tamis les textes et n’en retient que les éléments qu’il juge utiles pour la continuation de son travail.

1696 Versailles le 25 février 1696 « J’ay reçu la lettre que vous m’avez écrite à Rochefort le 18 de ce mois. Le Roy est satisfait des services que vous y avez ordonné Sa Majesté est persuadée que vous servirez avec la même application au Portlouis et vous pouvez vous assurer qu’elle se souviendra de vous faire plaisir.. » Lettre de Pontchartrain à M. de Mauclerc, ordonnateur au Portlouis.

17 mars 1696 à Mauclerc « J’ay été bien aise d’apprendre l’arrivée du Sieur Dessonville au Portlouis avec une pinasse espagnole qu’il a pris auprès de l’Isle Dumet…A l’égard du Brigantin du Sieur M. Dessonville, vous avez bien fait de la faire caréner, mais il faut que vous ayez soin de le faire ressortir dans peu de temps pour chasser les petits corsaires Biscayens. Je ne doute pas que la Fluste de Charente ne soit partie du Portlouis sous l’escorte de la Salamandre. Si elle ne l’était pas, pressez sur le départ. Elle est destinée pour le Canada ( Ponchartrain)

7 mars 1697 Le Ministre au Sieur Charmillart : »J’ay reçu vos lettres du 27 du mois passé et des 2 courant. Je suis bien aise d’apprendre que les vaisseaux le Fortuné et le François soient en estat d’aller rejoindre M. de Mesmont à Brest. Je ne doute pas qu’ils soient partis à présent pour s’y rendre. Cependant je suis bien aise de vous dire que je suis satisfait de la diligence que vous avez fait pour l’armement de ces vaisseaux…Il faut que vous fassiez travailler à la matière de la frégate la Foudroyante…Je me remets aux ordres que je vous ay donné au sujet des cartes que les Sieurs Penne et Laurent ont fait graver par ordre du Roy et il faut que vous teniez la main à leur exécution

correspondances

© Médiathèque de Lorient

Vous trouverez ci-joint une lettre d’un marchand de Nantes qui a fourni des drogues pour les peintures à L’Orient…Pontchartrain

14 mars 1696 ( le ministre à de Mauclerc) « J’ay esté bien aise d’apprendre par votre lettre du 9 de ce mois vostre arrivée au Portlouis..Vous trouverez cy-joint une lettre d’un capucin sur un prétendu commerce que le Sieur de la Magdelaine a avec une femme du Portlouis. Informez vous de ce qui est et faites moy scavoir ce qui en est.. » (Pontchartrain).

14 mars 1696 ( à Chamillart) « J’ai lu ce que vous m’écrivez par votre lettre du 24e du mois passé au sujet du dixième prétendu par le Sieur de la Motte-Louvart dans la prise d’Indous qu’il a fait en 1693.. »(Pontchartrain)

17 mars 1696 ( à Mauclerc) « …J’ay esté bien aise d’apprendre l’arrivée du Sieur Dessonville au Portlouis avec une pinasse espagnolle qu’il apris auprès de l’isle Dumet….A l’esgard du brigantin de M. Sieur Dessonville , vous avez bien fait de la faire caréner, mais il faut que vous ayez soin de le faire ressortir sans perte de temps pour chasser les petits corsaires Biscayens. Je ne doute pas que la Fluste la Charente ne soit partie de Portlouis sous l’escorte de la Salamandre. Si elle ne l’estoit point, pressez en le départ. Elle est destinée pour le Canada » ( Pontchartrain)

21 mars 1696 « …Je ne crois pas que le Roy veuille faire dorer le vaisseau le Triomphant….L’instruction du Roy est que vous annonssiez avec toute la diligence possible la frégate la Foudroyante….Tachez de prendre l’équipage de la dite frégate au Portlouis ou aux environs….Vous trouverez ci-joint copie de l’ordre des fonds que je fais remettre au trésorier pour l’ornement de cette frégate, et un autre pour en donner le commandement à M. de Ferville  » (Pontchartrain)

24 mars 1696 « …Il faut que le Sieur Brun qui a construit la frégate la Foudroyante reste au Portlouis. Jusqu’à ce qu’elle soit entièrement armée, afin de travailler lui-même à son arrimage;  en attendant je proposerai au Roy de luy faire donner quelque chose pour son voyage.. »( Pontchartrain)

« Liste des officiers de marine choisis par le Roy pour servir sur la Foudroyante que Sa Majesté fait incessament armer au Portlouis.

Le Sieur chevalier de Hautefort, capitaine de vaisseau

Le Sieur de Betticourt, lieutenant de vaisseau

Le Sieur de Saint-Méloir lieutenant d’artillerie

Le Sieur de la Cousme, enseigne de vaisseau

Le Sieur de Salagnac ayde d’artillerie

Fait à Versailles le 17 mars 1696, signé Louis et plus bas signé Phelypaux »

Zone de travail en cours

13.2 La mise en perspective par la décantation des faits au moyen du choix des mots-clés : l’exemple des corsaires.

Extraits des registres des dépêches ministérielles adressées aux Ordonnateurs de la marine au Département du Portlouis et de Lorient, Archives de l’Inspection de la marine à Lorient

Pour la seule année 1696 :

De Mauclerc, Ordonnateur, Dessonville, prise espagnole, Corsaires Biscayens, La Charente, La Salamandre, Canada, Vaisseau le Triomphant, dorure, La Foudroyante, de Ferville, Constructeurs, Le Brun, La Foudroyante, Chevalier de Hautefort, Corsaires espagnols, subdélégation, Céberet, de Pontchartrain, La Compagnie des Indes, capitation, Desclouzeaux, prises ennemies, vente de marchandises, Armateurs malouins, constructeurs, Le Brun , Coulomb, Chevalier de Rosmadec, Batteries, Fort de Gambie, de Gennes, Le Maréchal d’Estrées, défense du port, Vaisseau La Foudroyante, Constructeur, Céberet, de Lavardin, Compagnie des Indes, Jacques Renan, Corsaires ennemis, leurs ravages,  marchandises ennemies, défense de Lorient, Lavardin, frégate La Foudroyante, La capture, signaux, Vaisseau le Serpent, défense de Lorient,  de Rosmadec, de Bagneux, Batteries, défense du PortLouis, pontons armés, de Saint-Michel, vin blanc, vicomte de la Rochalan, frégate l’Hercule, du Guay-Trouin, Vaisseau le Sans-Pareil, prises ennemies, de Feuquières, départ des vaisseaux destinés à Brest, Cie des Indes, le directeur Bar, du Guay-Trouin, vaisseau le Succès, vaisseau la Résolution, d’Essonville,  corsaire français, vaisseau la Perle, frégate la Néréide, dépêches importantes, le sieur Porée, prise hambourgeoise, frégate la Bellonne, vaisseau l’Impudent, vaisseau la Perle, de Mauclerc, de Beauchesne, prises ennemies, Cie des Indes, vaisseau le Succès, vaisseau la Défense, Coulomb, de Beauregard, capitaine de Port, vaisseau la Fortuné, incendie, Cie des Indes, Gouault directeur, armement, de Pointis, matériel du Roi, réjouissances port de Lorient, Cie des Indes, vaisseau le Seymour, Desclouzeaux, Couault directeur, armement, Cie des Indes, armement, armement, opérateur italien, maladies incurables, corsaires ennemis, armement, vaisseau l’Intrépide, Renan commandant, Mousnier, Bigot, vaisseau l’Indien, et le Castricum, Cie des Indes, matériel du Roi, armement, garde des côtes, frégate la Bonne, frégate le Saint-Paul d’Ostende, corsaire français, Malouins, le Saint-Esprit, le Sieur Porée, commissaire Renault, d’Amblymont, flute le Charteau de Bayonne, Commissaire Pointel

Comment passe-t-il du mot-clef au concept ?

Zone de travail en cours

13.3 Quelle mise en perspective ? La recherche d’un plan organisateur.

Quel choix entre l’approche chronologique et l’approche thématique ? L’exemple de la recherche d’un plan par François Jégou pour la période 1696-1720.

« Principaux passages relatifs aux avantages créés par la situation géographique de Lorient

Chapitre 1er p.18 « Le port de Lorient géographiquement placé dans une situation particulièrement favorable pour cette tactique navale ( protéger nos frontières, inquiéter l’ennemi en ruinant son commerce ) et qui le sera d’une manière formidable le jour où l’on se décidera à à embastiller  l’île de Groix dont la rade peut abriter  et protéger toutes les flottes françaises, Lardun fut appelé à armer la 1ère escadre volante qui prit la mer en 1694.. »

p.24 Lorient devint durant la guerre le lieu de relâche fréquente de nombreux corsaires..

Chap. 2 Les corsaires p.33

Chap. VI p.80 Nécessité des arsenaux maritimes

2e partie

Chap 1 p.91  Lorient indispensable à la marine militaire

Chap. 2 p.104 Projet d’arsenal complet

Chap.6 p.144 « Aux premiers symptômes de guerre, les corsaires prennent leurs dispositions de combat, le port de Lorient les voit reparaître »

Chap. 8 p.159 « Le port de Lorient fut, pendant la guerre de la Succession d’Espagne pour les corsaires, les Malouins particulièrement, ce qu’il avait été durant la guerre précédente, c’est-à-dire un lieu d’assistance de refuge et de protection. Le Roi leur prêta des vaisseaux.. »

3e partie

Chap.4 p.191 Les Malouins, armateurs et constructeurs

Chap. 10 p.247 Armateurs et corsaires malouins

Chap. 10 p.255 Frégate La Gloire, Duguay-Trouin

Chap. 14 p 292-293 Malouins corsaires et commerçants

Chap. 16 p.313 Les malouins qui avaient été comme la Providence des Lorientais pendant la guerre étaient devenus depuis la paix de redoutables instruments..

Chap.  p.333

Chap. 18 p 333 Lorient plus favorablement situé que les ports de la Manche, dont la liberté des mouvements…  de prépondérance du pavillon français.

Histoire de la fondation de Lorient

P.50 Rapport des commissaires à Louis XIII

p.38 Rapport des commissaires à Louis XIV

p.176 Rivalité entre le Havre et le Portlouis  » la position pour ( le Portlouis ) en temps de guerre, était extrêmement favorable « 

P.281 Seignelay prépare »

13.4 L’aboutissement : deuxième partie du plan du livre Marine militaire et corsaires sous le règne de Louis XIV, Histoire de Lorient, port de guerre 1690-1720,Vannes, Lafolye, 1887, 452 p.

II Les corsaires : 1 Le havre de Blavet : multiscalarité. 2 La marine royale assiste les corsaires : multiscalarité. 3 Vaisseaux de guerre armés en course : multiscalarité 4 Les Malouins : multiscalarité 5 Communication de services et récompenses. 6 La Touche-Porée, Dugay-Trouin : multiscalarité . 7 Les marchandises des prises encombrent Lorient: échelle locale. 8 Château de Tréfaven : échelle locale .9 Pillage des navires capturés : échelle locale

 13.5 Le texte définitif : II Les corsaires

L’oeuvre du marquis de Seignelay, si manifestement utile à la marine royale durant cette guerre affreuse, le fut à un degré non moins remarquable aux armements des corsaires. A toutes les époques belliqueuses, en effet, le havre de Blavet fut pour les corsaires un lieu d’armement et de refuge hospitalier très fréquenté : mais du jour où la marine royale disposa de l’établissement de la Compagnie des Indes, la fréquentation de l’embouchure du Blavet par ces hardis navigateurs devint plus assidue, plus régulière. Outre l’excellence du mouillage et les ressources nombreuses que leur offrait cette riche contrée, ils purent se procurer au port de Lorient des secours de toute nature en hommes, matériel, réparations, vivres et munitions. Le roi leur faisait ouvrir ses magasins et ses ateliers, et en de nombreuses occasions, il leur fréta des vaisseaux.

Il n’y eut pas seulement que des armateurs particuliers qui eurent recours au matériel naval du roi pour faire la course. On doit remarquer que ce genre d’entreprise toute patriotique fut aussi fréquemment pratiqué par des officiers et de hauts fonctionnaires de la marine, avec l’autorisation du roi. Dans une dépêche datée de Lorient du 2 octobre 1690, de Céberet au marquis de  Seignelay, on lit : « MM. de Beaujeu et de Motheux m’ont chargé de proposer d’armer la Maligne en course avec 20 pièces de canons et 130 hommes d’équipage. Si monseigneur a la bonté d’accorder cette grâce, je le supplie très humblement de me permettre d’y prendre interest : ces messieurs proposent pour trois mois  et feront la dépense des vivres et de la solde des équipages..Sa Majesté, lui répondit le ministre, trouve bon que vous donniez la frégate la Maligne aux sieurs de Beaujeu et de Motheux pour l’armer en course et que vous preniez intérêt à cet armement.. » (22 octobre 1690).

Il s’agissait, pour les trois associés, d’établir une croisière dans les parages des Isles Canaries ; mais le projet échoua, la saison étant trop avancée.

Entre tous les corsaires particuliers qui fréquentèrent Lorient, les Malouins furent spécialement l’objet des encouragements des ministres et de la faveur du roi ; il est vrai qu’ils les justifiaient par de nombreux et éclatants services, puisque l’historien Rapin de Thoyras (Paul de Rapin de Thoyras Histoire d’Angleterre, en 8 volumes (La Haye, 1724)  , s’appuyant sur les registres de l’Amirauté anglaise, affirme que les corsaires de Saint-Malo enlevèrent aux Anglais et aux Hollandais , durant le cours de cette guerre 162 navires armés et 3384 bâtiments marchands. Ces chiffres contiennent une éloquente justification de ce dicton fameux qui circulait alors à Saint-Malo, mais que l’on serait tenté de croire éclos sur les rives de la Garonne : Si tu rencontres un navire Hollandais, bats-le ; si c’est un Anglais, prends-le.

En de nombreuses circonstances, les ordonnateurs de Lorient transmirent à Versailles  les rapports de mer des corsaires, et furent chargés par le ministère de leur faire parvenir, soit des communications particulières, soit les félicitations et les récompenses du roi. Porée et Duguay-Trouin notamment furent en quelque sorte les habitués du Port-Louis et de Lorient bien que dans leurs relations ils ne fassent mention que de la première de ces localités. A partir de l’année 1696, où les archives lorientaises fournissent des renseignements suivis, on constate fréquemment la présence de Dugay-Trouin à Lorient, où il répare ses vaisseaux et où il dirige de nombreuses captures (1).

Ce fut à Lorient que notre Malouin équipa deux vaisseaux de la marine royale, le Français et le Fortuné, qui lui avaient été frétés par ordre du roi, au retour d’une campagne terminée par un glorieux combat livré le 3 janvier 1696, au large d’Ouessant, contre deux vaisseaux anglais, le Boston et le Nonsuch, dont il s’empara et qu’il ramena avec lui à Lorient. Au sujet de cet armement, le commissaire de la marine de Chamillart, ordonnateur intérimaire à Lorient, reçut cette dépêche du comte de Pontchartrain: « J’ay receu vos lettres du 27 du mois passé et du 2 du courant. Je suis bien aise d’apprendre que les vaisseaux le Fortuné et le Français soient en estat d’aller rejoindre M. de Nesmond à Brest. Je ne doute pas qu’ils soient partis à présent pour s’y rendre. Cependant je suis bien aise pour vous dire que je suis satisfait de la diligence que vous avez fait pour l’armement de ces vaisseaux« (7 mars 1696).

Avec le Français et le Fortuné, Duguay-Trouin alla croiser au large des Orcades. Nous ne le suivrons pas dans cette campagne qui fut longue, périlleuse et infructueuse. Rentrant au port, notre Malouin fit rencontre de trois vaisseaux de guerre anglais de 58, 56 et 40 canons. Cette supériorité du nombre n’émut pas notre jeune et intrépide corsaire ; il captura les trois ennemis dans un brillant combat et amena avec lui à Port-Louis deux de ses vaisseaux vaincus, le Succès et la Résolution, qui furent achetés par le roi et cédés ensuite à la Compagnie des Indes. « Je n’ay rien à ajouter à ce que je vous ay escrit au sujet des prises que le Sieur Duguay-Trouin a amené à Port-Louis…Le Roy ayant besoin des vaisseaux le Succès et la Résolution qui doivent estre vendus incessamment au Port-Louis, l’intention de Sa Majesté est que vous demandiez la préférence aussytôt que l’adjudication en aura esté faite. » (Pontchartrain à Mauclerc, 15 août 1696).

Après cette campagne terminée avec tant d’éclat, et dans laquelle les armateurs malouins firent un bénéfice de vingt pour un, Duguay-Trouin fit le voyage de Versailles , où, pour la première fois, il eut l’honneur de présenter ses hommages à Louis XIV, qui daigna paraître content de ses faibles services, suivant les expressions modestes des mémoires du héros breton.

Au mois de juillet 1696, Duguay-Trouin se trouve en cale de Lorient. C’est ce que nous fait connaître une dépêche du comte de Maurepas à l’ordonnateur de Lorient, du 11 juillet, après la nouvelle de la capture de la Foudroyante, trompée par les signaux anglais, à sa première sortie du port. « Vous avez bien fait d’avertir les sieurs d’Angoulin (1) et Duguay-Trouin de ne point répondre aux signaux que les vaisseaux ennemis pourraient leur faire. » Quelques semaines après, le ministre transmettait au même commissaire général les lignes suivantes : « J’ay reçu avec la lettre que vous m’avez escrite le 30 du mois passé…le rapport du sieur du Gué-Trouin commandant le Sans-Pareil (2) ( alias le Nonsuch, capturé sur les Anglais), j’ai esté bien aise d’apprendre les prises faites par cet officier et j’ai trouvé dans son action, beaucoup d’esprit et de conduite. A l’esgard du démeslé qu’il a eu avec M. de Feuquières, ce dernier a tort et je luy en écriray fortement. » (7 août 1696) (3). Dugauy-Trouin venait’ avec une rare audace, de s’emparer, dans le port de Vigo, de deux navires hollandais, qu’il eut le bonheur d’amener au Port-Louis, malgré la poursuite de toute une escadre anglaise.

A la fin du même mois d’août 1696, un autre Malouin célèbre Allain Porée, arrive à Lorient avec une prise hollandaise : « J’ay receu votre lettre du 21 du mois de passé, écrit Pontchartrain à Mauclerc, avec le rolle d’équipage de la prise faite par le sieur Porée de Sain-Malo..J’ay examiné la liste des Hollandais que le sieur Porée vous a remis et qui composoient l’équipage du vaisseau qu’il a pris. » (5 septembre 1696). Trois mois après, de Mauclerc recevait du ministre, au sujet du valeureux Porée la dépêche qui suit : « Je vous envoye un portrait de Sa Majesté pour le sieur Porée, commandant le navire le Saint-Esprit de Saint-Malo. Vous pouvez lui dire que Sa Majesté luy donnera des marques plus sensibles du cas qu’elle fait de ses services (1). » (5décembre 1696)

Le célèbre Malouin obtenait une récompense que l’on serait disposé aujourd’hui à trouver modeste et peu en rapport avec le fait d’armes qui en était l’occasion : le combat du 14 novembre 1696 livré à 60 lieues d’Ouessant contre des Hollandais dans lequel Porée, avec les deux frégates, le Saint-Esprit et le Polastron, vainquit quatre navires de guerre hollandais ; il amena trois de ces navires à Lorient.

Dans une dépêche du 12 septembre de la même année, adressée à l’ordonnateur de Mauclerc, il est question d’un autre corsaire dont les actions durant cette guerre furent, à ce qu’il semble, dignes de remarque, il se nommait de Beauchesne. Voici ce que le comte de Pontchartrain en écrivit : « J’ai reçu avec la lettre que vous m’avez escrite le 8e de ce mois, l’estat des vivres qui restent dans les magasins de Lorient et le rapport de commandant de la prise chargée d’huile de baleine faite par le sieur de Beauchesne qui est arrivée au Port-Loui ; j’ai esté bien aise d’apprendre tout ce qu’a fait cet armateur. »

Duguay-Trouin fut à son tour l’objet des félicitations du ministre et de la faveur royale, quelques mois après, et ce fut encore l’ordonnateur lorientais qui fut chargé de les lui transmettre. Le 3 avril 1697, le comte de Pontchartrain écrivit à de Mauclerc : « J’ai reçu vostre lettre du 29 du mois passé…J’ai esté très aise d’apprendre la nouvelle du combat que le Sieur Duguay-Trouin a rendu contre les vaisseaux de guerre hollandais qui escortaient la flotte de Saint-Ogne et des prises qu’il a fait dans cette flotte. Vous pouvez l’assurer que je suis très satisfait de son action et que j’aurai soin de la faire valoir auprès de Sa Majesté. A l’égard des équipages de ces vaisseaux vous avez bien fait d’envoyer à Dinan les anglais et les hollandais.. » Plus heureux que son intrépide compagnon Alain Porée, Duguay-Trouin obtint le grade de capitaine de frégate de la marine royale, ce qui le mettait désormais à l’abri des humiliations du genre de celle que lui avait fait subir le capitaine de vaisseau de Feuquières. La nomination de Duguay-Trouin date du 7 avril 1697. Le même jour, Louis XIV promut au grade de lieutenant-général le chef d’escadre de Relingues, l’ancien commandant du vaisseau lorientais l’Admirable : le capitaine de vaisseau de Rosmadec, commandant de la marine du Port-Louis, et le héros dunkerquois Jean Bart à celui de chef d’escadre. Le roi ne pouvait faire un choix de marins plus intrépides, plus capables et plus dévoués pour en faire l’objet de ses hautes faveurs.
L’action qui venait d’attirer à Duguat-Trouin une récompense que l’on pouvait dire exceptionnelle , à une époque où il était si difficile à un roturier de franchir le grade de capitaine de brulôt, cette action, remarquable entre toutes celles d’une longue et glorieuse carrière, mérite d’être racontée ici ; elle se rattache d’ailleurs par ses suites aux annales lorientaises.

Duguay-Trouin, monté sur le Saint-Jacques-des-Victoires portant 48 canons, et la frégate Léonore, de 16 canons, ayant sous ses ordres le Sans-Pareil, de 52 canons, et la frégate Léonore, de 16 canons, sortit de Brest le 13 mars 1697. Huit jours après, il rencontra une nouvelle flotte marchande anglo-batave, convoyée par trois vaisseaux hollandais de force supérieure aux siens, commandés par le contre-amiral baron de Wasnaër ; le Delft, de 54 canons ; le Honslaër, de même force, et le Nassau, de 38 canons. Malgré son infériorité, le corsaire malouin se décida à attaquer l’ennemi. Par bonheur, au moment où il prenait ses dispositions de combat arrivent dans ses eaux les frégates la Faluère, de 28 canons et l’Aigle-Noir, de 26 canons, armées en course par des Malouins et qui sortaient de Lorient ; non seulement l’arrivée de ces deux corsaires devait rétablir l’équilibre entre les combattants, mais encore elle allait permettre de faire main-basse sur les navires marchands pendant l’action. Le combat s’engage aussitôt : il devient d’une violence extrême. Le contre-amiral hollandais dont le pavillon flotte sur le Delft , déploie une rare bravoure : quatre fois il repousse l’attaque corps à corps du Saint-Jacques-des-Victoires. Duguay-Trouin perd ses plus braves officiers qui tombent autour de lui. L’hésitation allait gagner son équipage lorsque la Faluère réussit à lui jeter un renfort de 40 hommes. Duguay-Trouin retourne aussitôt à l’abordage : « Je retournai tête baissée, raconte notre héros en ses mémoires, aborder le redoutable baron, résolu de vaincre ou de périr. Cette dernière scène fut si vive et si sanglante que tous les officiers de son vaisseau furent tués ou blessés ; il reçut lui-même quatre blessures très dangereuses et tomba sur son gaillard d’arrière, où il fut pris les armes à la main.. »

Les trois vaisseaux de guerre furent enlevés avec un certain nombre de navires du convoi.

Une horrible tempête, succédant à l’effroyable combat, mit en péril vainqueurs et vaincus. Le Saint-Jacques, criblé de boulets de canon, coulant bas, parvint à grand-peine à atteindre le Port-Louis le 26 mars. Les trois hollandais et douze navires marchands, escortés par la Léonore, la Faluère et l’Aigle-noir, arrivèrent au mouillage. Quand au Sans-Pareil, après avoir été vingt fois en perdition par le feu et la tempêtes, il put jeter l’ancre le lendemain auprès du Saint-Jacques-des-Victoires.

Le baron de Wasnaër fut, au Port-Louis, l’objet des soins les plus empressés. Sur la recommandation de Louis XIV, le ministre de la marine transmit à son sujet à l’ordonnateur de Mauclerc les ordres suivants : « Messieurs les plénipotentiaires qui sont à Delft m’ont écrit pour me prier de faire prendre soin du capitaine d’un des vaisseaux de guerre hollandais pris par le Sieur Duguay-Trouin qui a été blessé et que vous m’avez marqué être resté au Port-Louis. Sa Majesté désire que vous le fassiez panser par le chirurgien-major de la marine, 17 avril 1697. »

Une fois guéri de ses blessures, le contre-amiral hollandais partit pour Versailles, où il fut présenté au roi en même temps que le jeune héros malouin, son heureux vainqueur.

Un autre corsaire de renom se trouve mentionné dans la correspondance ministérielle lorientaise : c’est le malouin de l’Espine-Danican. Dans une dépêche du 23 janvier 1697, de Pontchartrain à de Mauclerc, on lit ce passage qui le concerne : « les intéressés de la Cie du Sénégal m’ont écrit qu’il a été amené au Port-Louis un vaisseau nommé le Fingan qui a été pris par les vaisseaux armés en course par le Sieur de l’Espine-Danican. Comme ce navire conviendrait à cette compagnie pour son commerce, vous me ferez plaisir d’engager le dit Sieur de l’Espine-Danican à un accomodement avec eux. »

Tout ce qui précède suffit pour donner une idée du mouvement qu’occasionnait dans les deux ports bretons, Lorient et Port-Louis, la navigation des corsaires. La fréquentation de ces redoutables auxiliaires de la marine royale ne fut-elle jamais une cause des difficultés entre le service de l’arsenal et celui des vaisseaux du roi ? On ne saurait en douter, car malgré le bienveillant concours des chefs de la marine, le ministre dut faire acte d’autorité pour mettre un frein à des abus qui pouvaient compromettre le service du roi. Ainsi, à la sollicitation du comte de Pontchartrain, Louis XIV, par ordonnance du 14 février 1698, « fit défense aux maîtres et capitaines des corsaires et autres bâtiments qui viennet au Port-Louis de recevoir à leur bord aucun officier marinier ou matelot  destiné pour les vaisseaux du Roi, à pein de 300 livres d’amende. »

Et en 1696 on obligea les armateurs d’une frégate frétée par le roi à sortir du port de Lorient et à aller au Port-Louis achever son armement : « J’ai vu , écrivit le ministre à Mauclerc, et que vous me marquez au sujet de la frégate la Faluère que des particuliers arment en course à l’Orient. Sa Majesté ne veut pas que vous fournissiez rien de ses magasins pour ce vaisseau ; il faut que ces particuliers le fassent caréner au Port-Louis et qu’ils achètent toutes les choses dont ils pourraient avoir besoins, 25 août 1696. »

Cette mesure de rigueur fut sans doute motivée par l’indiscipline de l’équipage de cette frégate qui pensa incendier le port de Lorient en mettant le feu à ce navire pendant l’armement.

Un autre genre de difficultés et d’embarras pour l’arsenal de Lorient, causés par les corsaires, fut l’encombrement des magasins et des ateliers par les marchandises enlevées à l’ennemi. Il est vrai de dire que les corsaires particuliers ne furent pas seuls à occasionner cet encombrement et que les officiers de marine qui pratiquaient également la course avec des vaisseaux de la marine royale équipés à leurs frais , ainsi que nous l’avons dit, contribuèrent souvent à cet état de choses dans une proportion considérable. Parmi ces officiers, nous citerons MM. de Nesmond, de Chalais,  de Ricous, Chaviteau, Dessonville, Dandennes, de Gennes, de Grosbois, Damon, Lamotte-Louvart, qui armèrent en course à Lorient et dont les captures furent fréquemment dirigées sur ce port.

En 1693, l’encombrement des magasins de Lorient devint tel, que l’ordonnateur s’en plaignit au ministre. Voici la réponse qu’il en obtint : « J’ai vu ce que vous me marquez au sujet des marchandises de prises qui sont dans les magasins de l’Orient.

Zone de travail en cours

13.6 L’aboutissement : première partie du livre Marine militaire et corsaires sous le règne de Louis XIV, Histoire de Lorient, port de guerre 1690-1720,Vannes, Lafolye, 1887, 452 p.

Une préparation année par année et jour par jour, mais au final sept dates seulement dans un plan qui contient 34 chapitres et plus de 350 sous-parties…Un plan thématico-chronologique, où les différents thèmes se déroulent dans un cadre chronologique strict et resserré, trente ans. Des thématiques qui s’inscrivent dans les enjeux maritimes européens et mondiaux pour plonger avec un effet de zoom dans l’histoire locale, à l’échelle de l’enclos, de l’intra-muros de la ville, des faubourgs pour changer à nouveau d’effet de zoom,  d’échelle au niveau national, européen et mondial.

I Marine royale : 1 Cébéret, De Richebourg et Bodeau : échelle locale. 2  Autorités militaires et maritimes : conflits. : échelle locale. 3 Cantine : échelle locale. 4 Ecole de canonnage : échelle locale. 5 Vaisseau l’Orgueilleux 6 Irlandais 7 Bataille de la Hogue : échelle européenne 8 Vaisseau l’Admirable 9 Organisation de l’arsenal : échelle locale. 10 Troupes et gardiens  : échelle locale. 11 Garnison de Ploemeur : échelle locale. 12 Lorient figure au nombre des arsenaux royaux : échelle nationale. 13 Travaux de 1692 : échelle locale. 14 Désertion des charpentiers : échelle locale. Travaux de 1693 : échelle locale. 15 Le maréchal de Tourville   16 Heureuse situation géographique de Lorient : échelle nationale et globale 17 Escadres volantes 18   1694 Escadre de sept vaisseaux 19 Importance de l’arsenal   : échelle locale. 20 Duguay-Trouin 21 Bâtiments gardes-côtes  22 Frégate la Foudroyante, erreur de signaux 23 Blaise maître charpentier : échelle locale. 24 De Mauclerc, De Richebourg, le maréchal d’Estrées 25 Le comte de Maurepas au Portlouis : échelle locale. 26 Mouvements de 1697, : échelle locale. de Nesmond, de Pointis : échelle locale. 27  Lorient relâche des corsaires : échelle locale. 28 Commandants de la marine : échelle locale. 29 Conférences du maître charpentier Coulomb : échelle locale. 30 De la Magdeleine 31 Lorient considéré comme le poste du commandement de la marine: échelle nationale et globale


13.7 Essayons de transformer le plan ci-dessus  en éléments iconiques

Il y a peu d’images dans les travaux de Jégou. Le XIXe siècle est presque tout entier consacré à l’étude des textes, voir Numa Fustel de Coulanges ( zone de travaux en cours)

Essayons de construire son texte en liaison avec une iconographie,même postérieure à ses travaux,  plus en phase avec les lecteurs du XXIe siècle

1 Céberet, De Richebourg et Bodeau

© www.wikiwand.com/en/Claude_C%C3%A9beret_du_Boullay

2  Autorités militaires et maritimes : conflits.

3 Cantine

4 Ecole de canonnage

© Bnf.fr

5 Vaisseau l’Orgueilleux

6 Irlandais

7 Bataille de la Hogue : échelle européenne

Fichier:The Battle of La Hogue, 23 May 1692.png

© wikipedia

8 Vaisseau l’Admirable : incendié à la bataille de la Hougue

9 Organisation de l’arsenal

10 Troupes et gardiens

11 Garnison de Ploemeur

12 Lorient figure au nombre des arsenaux royaux

© Bnf.fr

13 Travaux de 1692

14 Désertion des charpentiers Travaux de 1693

© wikipedia

15 Le maréchal de Tourville

© wikipedia

16 Heureuse situation géographique de Lorient

17 Escadres volantes

18   1694 Escadre de sept vaisseaux

Image illustrative de l'article Le Foudroyant (1751)

© wikipedia

19 Importance de l’arsenal

20 Duguay-Trouin

© wikipedia

21 Bâtiments gardes-côtes

22 Frégate la Foudroyante, erreur de signaux

23 Blaise maître charpentier

©  Archives particulières

24 De Mauclerc, De Richebourg, le maréchal d’Estrées

25 Le comte de Maurepas au Portlouis

© wikipedia

26 Mouvements de 1697, de Nesmond, de Pointis

27  Lorient relâche des corsaires

28 Commandants de la marine

29 Conférences du maître charpentier Coulomb

©  Bnf.fr

© Bnf.fr

30 De la Magdeleine

31 Lorient considéré comme le poste du commandement de la marine

 

13 L’atelier de l’historien François Jégou : la mise en perspective des faits par tamis et décantation