1 Ecrivain de la marine à Lorient
François Jégou suit des études au séminaire de Saint-Méen. A l’âge de 18 ans – il est né le 29 septembre 1825 à Guéméné-Sur-Scorff -il postule à un emploi dans la marine, à Lorient, qui selon René Kerviler, est celui de commis.
Deux types d’emplois s’offrent effectivement à lui , ceux des commis ou ceux des écrivains que l’on passe tous deux devant des jurys d’examen, selon l’article 1er de l’ordonnance du 3 janvier 1835, sur le rapport du ministre secrétaire d’état au département de la marine et des colonies:
« L’admission aux emplois d’écrivain et de commis entretenus de la marine, reste soumis aux règles établies par notre ordonnance du 31 juillet. Dans la composition des jurys d’examen, le chef d’administration sera remplacé par le commissaire général de la marine. L’inspecteur sera remplacé par un commissaire de marine ou à défaut par un sous-commissaire, dans les examens pour les emplois d’écrivain ou de commis. »
Les commis occupent des postes inférieurs comme celui de commis de deuxième ou de troisième classe, ou de Commis principal. Les Commis de marine sont employés surtout à terre dans les arrondissements et sous-arrondissements maritimes. Dans les ports et les arsenaux, ils sont placés sous les ordres des officiers de l’administration et de l’inspection.
Ils sont en tant que Commis principal nommés aux fonctions de sous-garde magasin et connaissent à ce titre du volume et de la liste des dépôts desdits magasins. Ces commis peuvent être en fonction de leurs qualités, employés au service de l’administration dans les arrondissements maritimes, de l’Etat-major ou aux services de Direction et d’Inspection.
François Jégou rentre dans l’administration de la Marine comme surnuméraire dans le corps des écrivains de la Marine Royale, sous le règne du Roi des français Louis-Philippe. Il remplit de longues listes de départs et d’arrivée de bateaux, des listes de commandement et d’officiers à bord, des listes de différentes cargaisons.
Encyclopédie Méthodique, Marine, Tome second, Chez Panckoucke, Liège, 1786, pages 141-142 © Bnf
Ce statut fait qu’il navigue parfois en escadre. C’est le cas le 18 février 1848 lorsqu’il commence un voyage à l’âge de 23 ans en direction des côtes occidentales de l’Afrique à bord d’une corvette à vapeur de deuxième classe, le Caïman, sous les ordres du capitaine de frégate Darrigau.
Cette corvette, qui transporte des troupes, notamment des spahis destinés à la lutte contre l’émir du Trarza et les Toucouleurs le long du fleuve Sénégal – cf Léonce Jorre et Yves Saint-Martin, Le colonel de cavalerie Henri Philibert Canard 1824-1894, Spahi et Gouverneur du Sénégal, Revue française d’histoire d’Outre-mer, 1964, vol.61, n°223, pp 284-310, – appartient à une série de navires initialement conçus pour le service transatlantique, puis finalement intégrée dans la marine royale pour essais à Lorient à partir de 1845 et armée définitivement les années suivantes à partir de ce même port. Dans ce cas précis, il est Commis d’administration à bord des bâtiments de la Marine Royale.
En tant que Commis embarqué de l’administration, il touche un solde à la mer variable selon la qualité des navires, « des vaisseaux ou des frégates ou bien encore des corvettes, chaque catégorie étant subdivisée en navires de premier, deuxième, troisième ou quatrième rang » J.B.DUVERGIER, Lois, Décrets, Ordonnances, Règlements, Avis du Conseil d’Etat, Guyot et Scribe, Tome vingt-neuvième, Paris, 1838.
François Jégou a conservé dans ses travaux une note à la fois grave et ironique sur les commis de marine à propos de l’un d’entre eux, Chunlaud de Boisdisson ; nom d’un commis de marine au port de Lorient, sur qui Clairambault écrivait à Pontchartrain le 30 septembre 1705 :
« C’est un ancien commis du magasin général qui a esté occupé dès son jeune âge et qui y fut mis par M. Céberet. Ce commis est très capable et escrit très bien ; cependant malgré ses dix-huit ans de services, il n’a pu encore parvenir à estre écrivain entretenu, quoi qu’il soit d’une conduite très sage ; et comme sa paye ordinaire lui manque depuis longtemps, luy et sa famille souffrent beaucoup de misère et tout ce que j’ay pu faire pour son soulagement a été de l’employer sur la frégate Marie-Françoise dont le poste était devenu vacant. Et comme c’est un bon sujet, j’espère, Monseigneur, que vous approuverez qu’il reste dans ce poste pour qu’il y ait du pain puisqu’il n’en a point chez lui ; cet homme mérite d’autant plus d’être conservé que la plupart des écrivains de cette sorte n’écrivent guère mieux que des chats. » in RBB ( René KERVILER, Répertoire de Bio-bibliographie bretonne, note ou manuscrit Jégou ).
Deux ans plus tard en 1850 – nous sommes sous la IIe République – à l’âge de 25 ans, il devient greffier au Tribunal de Pontivy. Pourquoi passe-t-il du métier d’écrivain de la Marine Royale à celui de greffier du Ministère de la Justice de la IIe République, puis du second empire ?