4. Comment Valentin a été découvert par la Cour de Lorraine ?
Vivant aux portes de Lunéville, Valentin fut découvert une première fois par des passants issus de la cour qui résidait au château de Lunéville.
» J’ai été trouvé deux fois dans la forêt de Sainte-Anne : la première en 1715, par le Duc Léopold, qui m’y laissa parce qu’il fut détourné de m’en tirer par des aristocrates qui craignaient peut-être que mon penchant pour les sciences ne devint contagieux pour ceux qui cultivaient leurs terres et qui veillaient à ce que leurs caves et leurs greniers soient pleins.
Cet auguste prince se contenta de m’envoyer quatre Louis d’or. J’ai su depuis que celui à qui on les confia, en retint deux pour ses peines, mais à la cour, comme ailleurs, il faut que chacun vive… »
Lettre de Duval à l’abbé Dom Calmet, 28 juin 1750.
Charles de Pfüzchner était alors un homme de 33 ans. Il était d’une piété fervente, d’esprit réfléchi et d’humeur flegmatique. Il détonnait un peu dans le milieu frivole de la petite cour de Lunéville.
Précepteur du Prince François, il vint à chasser avec celui-ci, son frère et le comte de Vidampierre dans le bois de Vitrimont.
Les fils du Duc de Lorraine, ayant déposé leurs armes, regardant les vaches du troupeau.
Les fils du Duc, avec des membres de la cour.
Quelle ne fut sa surprise de trouver le 13 mai 1717, vers les quatre heures de l’après-midi, appuyé contre un chêne un berger, avec ses longs cheveux bruns luisants en désordre, revêtu d’un misérable habit de lin dont les épines avaient déjà fort abîmé le tissu, ayant à la main un atlas intitulé Theatrum Geographiae Vetreris (1), en train de garder des vaches.
Des sabots assez massifs empêtraient ses pieds. A côté de ceux-ci se trouvait un autre volume contenant plusieurs traités de mathématiques.
Le baron de Pfüzchner et le comte de Vidampierre posant des questions à Valentin Jamerai
Il interrogea le berger pour son passe-temps. Du Val répondit à toutes les questions avec beaucoup d’intelligence et montra que, dans diverses sciences, il avait des connaissances solides.
Valentin ayant la houe du berger, le livre de géographie en main, répondant aux questions de plus en plus difficiles.
Ceci sembla au baron de Pfüzchner chose si extraordinaire qu’il en informa le Prince.
Comme le dit Valentin il parut très surpris de rencontrer une sorte d’érudition sous des haillons champêtres.
(1) Il s’agit du Theatrum geographicum Europae Veteris de Philippe BRIET, Paris, 1653.
Le Baron voulut le prendre à la cour et à son service. Il lui déclara « comment pouvez-vous demeurer avec des gens aussi grossiers et aussi ignorants que le sont vos ermites ? Etes-vous satisfait de votre condition et ne la quitteriez-vous pas volontiers si la Providence vous en offrait une meilleure ? »
Mais Du Val qui avait lu dans des livres de morale combien périlleuse était la vie à la cour et qui avait vu à la ville des laquais de grands seigneurs se quereller et se battre étant ivres, il répondit en toute liberté :
« Il est vrai monsieur que les solitaires que je sers sont un peu matériels, mais ils excellent dans la science du Salut qui est celle de leur profession. Voici la cinquième année que je vis heureux et tranquille avec eux et je suis si content d’être à leur service qui si pour le quitter on me proposait celui d’un Prince, je préfère rester auprès de mon troupeau, à moins que ce ne fut pour lire et étudier continuellement.
Si l’on me donne occasion de lire des livres et d’y apprendre quelque chose, je suis prêt à suivre n’importe qui. » Keyssler page 28 et mémoire de Duval Goulemot page 271
Texte de Duval
Le caractère si personnel de Duval : il n’a accepté de partir pour le château qu’à ses conditions..
« Trois jours se passèrent. Le matin du quatrième, comme j’étais dans le verger de l’ermitage, un livre à la main et couché sous un arbre, le Sieur François, valet de Chambre de Son Altesse Royale accompagné d’un officier des gendarmes parut au-delà de la haie du verger. Il m’appela à haute voix et me déclara qu’un des seigneurs qui m’avaient questionné avait résolu de me faire du bien en me faisant venir à la cour.
Mais monsieur lui répondis-je, pour faire quoi ? Ne voudrait-il point m’attacher à son service ? Non, non répliqua le Sieur François, ses bontés seront plus gratuites que vous ne le pensez. Il s’est expliqué à ce sujet. Son unique dessein est de vous faire étudier et de vous fournir tous les livres dont vous aurez besoin. »
Valentin accepta mais à partir de maintenant il se trouva immergé dans un autre monde.