3 Comment apprit-il à écrire ?

 

3 Comment apprit-il à écrire ?

 

Selon Payard l’acte qu’avait signé Duval l’avait été d’une main ferme. Ceci prouverait qu’il était parvenu très rapidement à écrire puisqu’il nous dit que c’est à  Sainte-Anne qu’il prit ses premières leçons :

 » Je commençai ma nouvelle carrière par apprendre à écrire. Un de nos vieillards ermite me donna pour exemple l’alphabet tracé de sa main décrépie et tremblante. Un modèle si défectueux ne pouvait produire que de mauvaises copies, aussi aurai-je tort de vanter la beauté de mon écriture. Il vrai que ne reçus que trois ou quatre leçons. « 

 

Valentin, apprenant à écrire, à l’ermitage Sainte-Anne.

 

 

Pour refuser la place de sous-précepteur du jeune Archiduc, Valentin Jamerey-Duval avance l’argument :  » N’ayant commencé qu’à l’âge de 14 ans à connaître les lettres de l’alphabet… » Oeuvres, Pièces servant d’éclaircissement aux mémoires précédents, Saint-Petersbourg, 1784.

 

Valentin attentif à ce que lui lit l’ermite.

 

 

Son esprit inventif lui avait fait trouver le stratagème suivant.

«  Voici ce que j’imaginai pour me passer d’un plus grand nombre de leçons et pour en pas incommoder le bon vieillard qui m’avait consacré ces trois à quatre heures. Je pris un carreau de verre et le posant sur mon exemple, je traçai sur sa surface des traits semblables à ceux que je voyais au travers. En répétant cet exercice, j’acquis bientôt une assez grande facilité de mal écrire. »

 

L’écriture est particulière : on dirait qu’il n’écrit par consonne ou par voyelle.

 

L’écriture de Valentin Jamerey Du Val. Il signe donc avec Du Val.

 

La copie du texte permet seule de le posséder complètement. L’écriture devient ici pour Valentin Jamerey-Duval , instrument de pouvoir sur lui-même, car elle n’est pas seulement copie visuelle et mémorisation intellectuelle que permet la lecture, elle est aussi et surtout un mode d’expression personnel qui permet d’échapper à la tyrannie collective ou solitaire du texte simplement lu.

 

Comment apprit-il à compter ?

Un abrégé d’arithmétique que je trouvai dans un bouquin de la bibliothèque bleue m’en apprit les quatre règles. S’agit-il  de l’ouvrage intitulé L’arithmétique nouvelle et sa véritable perfection, où l’on peut facilement en très peu de temps, et même seul apprendre à compter, chiffrer et calculer sans maître toutes sortes de sommes, Troyes, Garnier, sans date.

Ce mythe de l’apprentissage solitaire s’efface car bien plus tard, en 1758, Valentin écrira dans un échange épistolaire que le Frère Marin lui apprit un peu d’arithmétique. Il  a donc pu compter sur une aide limitée certes, mais une aide précieuse de la part des ermites.

 

Une jeune enfant en nets progrès.

Valentin lisant une carte dans la forêt.

 

 

Comment trouver d’autres livres à lire ?

Keyssler nous dit que « tout ce qu’il pouvait épargner sur ses gages modiques fut consacré à l’achat de livres et de cartes. »

Ceci ne suffisant pas à combler sa curiosité intellectuelle, les livres étant fort chers, il trouva une solution : chasser des animaux dans la forêt et vendre leurs peaux pour se constituer une bibliothèque.

 

Forêt de l’ermitage Sainte-Anne, 1/25000.

 

 

«  Je ne pouvais me perfectionner dans la Géographie sans avoir de ressources et j’ai déjà dit que j’en étais dénué. Pour en trouver, je m’avisai de m’ériger en nouvel Actéon. Je déclarai la guerre aux animaux citoyens de ma forêt, dans le seul dessein de profiter de leurs dépouilles pour acheter des cartes et des livres.

Je contraignis les renards, les fouines et les putois à me céder leurs fourrures, dont j’allais recevoir le prix chez un pelletier de Lunéville. Plusieurs lièvres furent assez étourdis pour donner dans mes pièges et quoique la capture en fut réservée pour le plaisir du Prince et qu’on en eut fait une loi, je jugeai à propos de corriger cette loi  sur celle de la nature. »

Actéon : chasseur de l’Antiquité qui découvrit la déesse de la chasse dans son bain, fut pour cela changé en cerf et dévoré par ses propres chiens

Mais un des ermites, irrité de le voir étudier, le prit en détestation. Il le menaça de déchirer ses livres.

 

L’Ermitage de Sainte-Anne.

 

S’ensuivit une scène violente : «  Le seul projet de cet affront me mit en fureur. Pour le repousser je me saisis d’une pelle à feu qui se trouvait près de moi. Il fut si effrayé par mon comportement qu’il se mit à crier au secours de toutes ses forces.

Je m’enfermai seul dans l’ermitage.

Le Supérieur étant arrivé, il m’écouta avec une tranquillité qui me rappela celle que la colère m’avait fait perdre. Il blâma le zèle aveugle du frère Antoine et censura l’action que je venais de commettre. Aux instances qu’il me fit d’ouvrir la porte, je lui proposai une capitulation aux conditions suivantes :

Le 1er article fut l’oubli et l’entière abolition de ce qui venait de se passer. Le 2ème que lui et ses confrères m’accorderaient deux heures par jour pour vaquer à mes études, excepté pendant la moisson, les semailles et les vendanges. Le 3ème  que je m’engageais à servir leur communauté sans aucun appointement que le livre et l’habit. Lorsqu’ils eurent ratifié cette convention, je leur ouvris la porte et nous allâmes la signer chez le notaire. »

 

Contrat  signé par Valentin Du Val.

 

Un nouveau contrat fut donc signé chez le notaire de Lunéville qui indiquait que les ermites accorderaient deux heures par jour à Valentin pour vaquer à ses études, excepté pendant la moisson, les semailles et les vendanges. Ceci se passait en 1716.

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