Laudrin 5 Un engagement dans la résistance

 

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Laudrin 5 – Un engagement dans la résistance

 

Que trouve-t-on dans la valise qu’a laissée l’abbé Hervé laudrin au Cercle d’Education Physique, le CEP de Lorient ?

 

Une lettre de De Gaulle à l’abbé Hervé laudrin

Le 28 avril 1969 à minuit 10, soit quelques heures après après le non au référendum du 27 avril, le Général de Gaulle a cessé d’exercer ses fonctions de Président de la République. Hervé Laudrin lui a écrit une lettre, qui doit se trouver dans les archives de la fondation de Gaulle à Paris.

De Gaulle lui répond en tant que Général et non plus en tant que Président. Les deux hommes se souviennent de ce qui les a fait se rencontrer, leur combat commun pour une France libérée des nazis.

 

Valise de l’abbé Hervé Laudrin, Lettre du Général de Gaulle à l’abbé Hervé Laudrin, 1er juillet 1969 © CEP Lorient

 

 

I Que faire ?

1 Engagé dans l’armée française

Le 3 septembre 1939 la France déclare la guerre à l’Allemagne. Le temps des rencontres sportives fait place à l’affrontement sanglant entre les deux nations. Réformé en 1939, Hervé Laudrin se porte volontaire comme aumônier auprès de la 61e division d’infanterie. Il a 38 ans.

 

Le CEP crée alors un Journal de guerre dont le titre est Coup dur.

L’abbé Le Breton écrit une missive quelque peu démoralisante « Nous sommes sur le front depuis les premiers jours d’octobre ; et en dehors de dix jours de permission, pas une période de repos, pas un contact avec l’arrière. Cet isolement pèse à nos soldats. La terre est couverte de neige : au dégel ce sera la boue, ce sera l’insécurité, plus peut-être…Comment coopérer au bien-être et au bon moral ? Des livres, colis d’effets chaud, colis de livres, voilà ce que je puis suggérer…pour le bonheur de nos soldats et la grande cause qu’ils défendent. »

L’intervention d’Hervé Laudrin est bien plus percutante, dans l’esprit de la devise de ce nouveau Journal « Quand çà ne va pas, cela va quand même« .

L’esprit est prêt au combat, les mots sont à l’encouragement à affirmer la volonté face à l’adversité :  « Il faut garder le sourire…c’est parfois héroïque…mais le devoir est de refouler son chagrin. Il faut garder le coeur solide… CEP synonyme d’honneur…Fierté…Au service de la France… » Eveil du Morbihan EM 8 mars 1940

 

L’Eveil du Morbihan,  8 mars 1940 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Et puis le silence, des nouvelles qui se font plus rares, et tout à coup le début des combats

 

L’Eveil du Morbihan,  17 mai 1940 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Par une de ces coïncidences dont l’histoire a le secret, au moment où l’armée française s’effondre, où dans la débâcle générale, un seul homme, celui qui 29 années plus tard écrira à Hervé Laudrin pour le remercier de sa fidélité, deux femmes,  Jeanne de Gaulle et Geneviève de Gaulle se trouvent dans le village même où Hervé Laudrin est né, où il a passé son enfance, Locminé. Laissons la parole à la future résistante et déportée à Ravensbrück matricule 27372, Geneviève de Gaulle, qui ce jour-là n’a pas encore 20 ans

 

Geneviève de Gaulle, Photographie positive, s.d. © Archives Nationales

 

 

« À cette époque, la mère du Général, Jeanne de Gaulle, se trouvait auprès de mon père, le frère aîné du Général, à Paimpont, près du camp de Coëtquidan… Les officiers et les soldats qui s’y trouvaient étaient des hommes âgés, de la réserve. Ils avaient reçu l’ordre de quitter le camp et de rejoindre le Finistère…

Le 17 juin 1940, le convoi s’est mis en route ; il comprenait quelques centaines d’hommes et les officiers avec leur famille. Nous avons passé la nuit du 17 au 18 à Locminé dans le Morbihan dans des abris de fortune, comme tant de réfugiés de l’époque… Le 18 juin, des ordres contradictoires sont arrivés et sur la place principale de Locminé les hommes se sont rassemblés, quelques officiers autour d’eux. C’est alors que nous avons vu passer les premiers détachements allemands, c’étaient des motocyclistes habillés de noir, avec des casques de cuir noir et leurs grosses motos qui vrombissaient semblaient chanter un cri de victoire. Ils ont traversé ce gros village sans même un regard pour ces officiers qui avaient tous fait la guerre de 14-18…

Ceux qui ont à peu près mon âge ont connu l’humiliation de voir l’ennemi pénétrer comme cela sans que personne ne tente de l’arrêter, cet ennemi méprisant, cet ennemi qui nous écrasait.

A ce moment-là nous avons vu arriver du fond de la place un prêtre en soutane, qui se dirigeait vers le groupe d’officiers pour leur faire part de ce qu’il venait d’entendre. Il avait écouté la radio de Londres et avait entendu l’appel du 18 juin.

A sa manière il essayait de nous le redire, il ne fallait pas désespérer, mais continuer le combat. Un jeune général qui avait été secrétaire d’État à la Défense Nationale appelait tous ceux qui voulaient le rejoindre pour relever l’épée de la France.

Nous écoutions, bouleversés, et ma grand-mère, petite dame en noir, un peu courbée, à laquelle personne ne faisait attention, tira le prêtre par la manche et dit : « C’est mon fils, Monsieur le Curé, mais c’est mon fils ! »

Dans cette humiliation si profonde il y avait déjà la lumière de l’espérance, et déjà le sursaut de la fierté…Le 18 juin 1940, c’est le mélange d’un abîme d’humiliation, un abîme de chagrin, presque de désespoir, et en même temps cet appel qui donnait déjà des raisons d’espérer et qui permettait de relever la tête.

in Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Quelques souvenirs à propos du 18 juin 1940, Espoir, n° 73, 1990.

 

Plus de nouvelles d’Hervé Laudrin, aucun message ne parvient au CEP. Les rumeurs courent qu’il aurait été fait prisonnier.

 

2 Prisonnier au Stalag XB en Allemagne nazie

C’est le cas et il est transféré par train au nord de l’Allemagne, à Nienburg sur la Weser, au sud de Hambourg , à mi-chemin d’une ligne qui court de Brême à Hanovre

Carte de l’emplacement de Nienburg sur la Weser  © Google 2020

 

 

Carte des différents camps à Nienburg sur la Weser, 1940 – 1945 © Hans-Jürgen Sonnenberg, Gefangen hinter Stacheldraht, Museumsverein für die Grafschaften Hoya, Diepholz und Wölpe e.V., Nienburg, 2005

 

 

Entrée du camp XB de Nienburg sur la Weser

Camp XB à Nienburg sur la Weser, Photographie argentique, 1940 – 1945 © Hans-Jürgen Sonnenberg

 

 

Mirador avec mitrailleuse, détail des baraquements des prisonniers

Camp XB à Nienburg sur la Weser, Photographie argentique, 1940 – 1945 © Hans-Jürgen Sonnenberg

 

 

Pour une étude approfondie de ce camp, voir la documentation impressionnante rassemblée sur le site suivant https://oflag-xb.monsite-orange.fr/

 

L’abbé Hervé Laudrin est assis, le deuxième à partir de la gauche

Prisonniers français dans le camp OFLAG XB de Nienburg sur la Weser, Photographie argentique, recto, 1940-1941 © Collection particulière

 

 

L’abbé a mentionné les dates de sa captivité ainsi que le nom du camp

Prisonniers français dans le camp OFLAG XB de Nienburg sur la Weser, Photographie argentique, verso, 1940-1941 © Collection particulière

 

 

Un historien allemand Hans-Jürgen Sonnenberg relate l’évènement suivant

« Im Juni 1941 gelang 13 französischen Offizieren die Flucht aus dem Lager durch einen Tunnel, den sie von der östlichsten Baracke über 50 m unter dem Zaun hindurch gegraben hatten. Zwei der Fliehenden schafften es bis in ihre Heimat, die anderen wurden schon nach kurzer Zeit wieder aufgegriffen. Als Gegenmaßnahme ließ daraufhin der Lagerkommandant einen 3,5 m tiefen Graben entlang des Zaunes innerhalb des Oflag ausheben. »

Hans-Jürgen Sonnenberg, Gefangen hinter Stacheldraht, Museumsverein für die Grafschaften Hoya, Diepholz und Wölpe e.V., Nienburg, 2005

 

Ce texte signifie que 13 officiers français se sont évadés au moyen d’un tunnel, et que deux d’entre eux ont pu rejoindre la France. Hervé laudrin en faisait-il partie ? Non, si l’on en croit le texte de L’Ouest républicain du 20 novembre 1941, il a simplement été rapatrié en raison de son statut d’aumônier militaire.

 

 

3 Retour de captivité

31 Un appel à Pontivy en faveur des prisonniers

« La venue de l’abbé Laudrin, vicaire à saint-Louis de Lorient, le dévoué directeur du CEP, ancien aumônier millitaire, récemment libéré de captivité , avait attiré mardi soir, à l’église Notre-Dame de Joie, une assistance telle que plusieurs personnes durent rester debout.

Pendant une heure et quart l’éminent orateur à la voix prenante, retraça la vie des captifs dans le stalag où il passa 13 mois et demi et ne dut son rpatriement qu’à son titre d’aumônier militaire, couvert par la convention de Genève. » Ouest républicain du 20 novembre 1941

 

Ouest républicain, 20 novembre 1941 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Hervé Laudrin attire l’attention des auditeurs sur les conditions psychologiques de détention des prisonniers « Ce n’est ni une originalité, ni une fierté d’avoir été fait prisonnier, malheureusement des millions d’êtres humains souffrent sur des terres étrangères, privés d’affection. »

Il appelle à ne pas oublier les prisonniers « Si j’ai accepté de vous entretenir ce soir, c’est par fidélité au souvenir de mes camarades connus et inconnus et aussi parce qu’il faut sans cesse évoquer les absents si on ne veut pas que l’oubli les couvre…L’impression d’un prisonnier libéré est qu’il pense chaque jour aux nombreux camarades qui vivent là-bas…et on ne peut oublier la scène déchirante des adieux quand s’ouvrent pour vus les barrières qui se referment sur ceux qui y restent pour un temps indéterminé.

Il décrit le concret de la vie dans le stalag « M. l’abbé Laudrin passe en revue la vie des prisonniers terrassés par le cafard, couchés sur leurs couchette, ou tournant autour des barbelés. »

La vie dans le stalag n’est pas celle des camps de concentration. Nous sommes au début de la guerre et les victoires allemandes font que le traitement des prisonniers militaires sur le front ouest respecte encore les normes du Protocole de Genève sur es conditions de détention des prisonniers à la suite de combats militaires.  » La discipline était assez souple et il fut organisé des distractions, salle de lecture, concert, théâtre, sports. Sur le terrain intellectuel, il y eut des cours de philosophie, médicaux, littéraires, etc… » »

Naturellement, Hervé Laudrin n’oublie pas de mettre en avant le sacerdoce spirituel qui incombe aux représentants des religions il insiste sur l’entraide de la hiérarchie catholique . « Sur le terrain religieux 60 prêtres furent à l’origine du redressement : les messes furent célébrées grâce aux autels expédiés par l’aumônerie française. »

Toujours son souci de la jeunesse « L’abbé donne des consignes aux jeunes et demande que les prisonniers soient accueillis avec les égards dus aux souffrances qu’ils ont endurées pour le Pays. »

 

2 Retour à Lorient

21 Organisation de matches où la recette est reversée au profit des prisonniers.

Hervé Laudrin reprend ses fonctions de direction au CEP. Pendant l’occupation, des rencontres sportives officielles sont organisées à l’échelle des villes proches, notamment avec Vannes. La direction organise également des matches où la recette est reversée au profit des prisonniers.

 

Ouest Républicain, 4 janvier 1942 © Archives départementales du Morbihan

 

 

« Cette rencontre avait attiré au stade François Michard de nombreux spectateurs qui ont assisté avec plaisir à une démonstration de beau jeu de football. On remarquait parmi les assistant M. le maire d’Hennebont, M. Jollivet président de la Garde du Voeu, et l’abbé Laudrin, directeur du grand patronage lorientais ». Ouest républicain 4 janvier 1942

La qualification donnée par le journaliste au CEP montre la position incontournable prise par le Cercle dirigé par l’abbé Laudrin dans l’univers du Pays de Lorient.

 

22 Organisation de la  journée sportive des prisonniers à Baud

A l’issue du match Baud CEP, un vin d’honneur réunit les équipes. Une réception à caractère plus officiel réunit ensuite les joueurs avec ke maire de Baud qui remercia l’équipe du CEP d’avoir bien voulu coopérer par sa présence au succès de la journée. L’abbé Laudrin traça alors le devoir des communautés envers les prisonniers de guerre. Il dit le devoir de la jeunesse actuelle, l’avenir du pays devant le destin de la Patrie : se grouper sans distinction d’idées ou de convictions pour servir la France. »OR 15 mars 1942

Ce genre de propos devait être rapporté par les mouchards et collabos au service des nazis, et ici il s’affiche dans un journal lu attentivement par les autorités allemandes de Lorient où tout est particulièrement surveillé en raison de la construction de la base nazie. Hervé Laudrin joue un jeu qui devient plus dangereux et il le sait.

 

II Résistance en France et passage vers l’Espagne

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III Dès la fin de la guerre il organise un mouvement regroupant les résistants

1 L’Association générale des Résistants en 1946

Dès 1946 Hervé Laudrin retrouvant ses réflexes d’organisateur-né et crée avec Guy Lenfant L’Association générale des résistants, en la dotant d’un journal Le Fouet.

 

La Défense : organe de la Section française du Secours rouge international, 29 mars 1946 ©  Source gallica.bnf.fr / BnF

 

 

Cette création est immédiatement attaquée par les communistes qui sous le titre Résistants de mars 1946, sous-entendu les résistants qui se réveillent après que la guerre soit finie, oubliant eux-mêmes   –  par ordre imposé par Staline au Parti communiste français du pacte germano-soviétique de 1939  –   leur entrée officielle très tardive en résistance, et ce uniquement après que les nazis aient envahi l’URSS en décembre 1941.

Pour faire bonne mesure, La Section française du Secours rouge international du 29 mars 1946 ajoute que « leur activité avec la Résistance ne semble avoir que des rapports assez lointains ». On sous-entend que ce sont de faux résistants « C’est pourquoi les véritables résistants refusent d’en faire partie ». Par véritables résistants il faut entendre sous la plume du rédacteur les résistants communistes et sympathisants.

Cette toute nouvelle Association générale des Résistants ne se contente en effet pas de commémorer les disparus, mais elle s’inscrit d’emblée comme mouvement anti-communiste en critiquant notamment l’action des FTP , les Francs-Tireurs-Partisans communistes.

 

Visiblement l’abbé Laudrin a retrouvé avec délices avec le combat politique. Un tel mouvement ne peut se faire sans l’aval de De Gaulle, et en relation avec des services bien organisés.

D’emblée on sait qu’il n’y aura aucun cadeau, l’abbé Laudrin étant qualifié, entre guillemets quand même, de vouloir « faire l’épuration », même par des moyens « extra-légaux ».

On associe au nom de l’abbé le nom de Mgr Roques « un Kollaborateur bien connu de nos lecteurs ». Voilà l’abbé Laudrin habillé pour l’hiver, lui le combattant ayant passé dans les camps allemands, puis ayant combattu de 1944 à 1945 en France et en Allemagne à la tête des troupes françaises et ayant été décoré pour cela par De Gaulle lui-même devant 50 000 soldats.

Or l’archevêque de Rennes Clément Roques , d’une grande finesse politique, a été l’un des rares à recevoir dès février 1945  des éloges de la part du commissaire de la république Victor Le Gorgeu, maire de Brest et l’un des seuls 79 parlementaires à ne pas avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain, au contraire du député abbé du Morbihan Jean-Marie Desgranges ou du député socialiste SFIO du Morbihan Louis L’Hévéder, ou encore du sénateur du Morbihan Alphonse Rio.

 

 

Le journal communiste fait le lien entre cette nouvelle association et le DGER, la Direction Générale des Etudes et des Recherches, qui sous cet acronyme banal, cache l’appellation des services de renseignement français à partir de novembre 1944 : « L’Association dégage une forte odeur de DGER…M. Guy Lenfant est l’auteur d’un article à la gloire du DGER ». La DGER est dirigée à cette époque par André Dewavrin, dit Colonel Passy, ex- chef des Services secrets de la France Libre auprès du général de Gaulle à Londres, et les communistes vont tout faire pour s’en débarrasser.  La lutte est déclarée entre les services spéciaux français gaullistes et les services spéciaux soviétiques.

L’abbé Laudrin aurait-il été approché par les services spéciaux et aurait-il accepté d’en faire partie ?

En tout cas, cette association est destinée à préparer les élections législatives de novembre 1946, que les mouvements gaullistes, encore assez peu organisés perdront, et ils n’entreront même pas au Parlement. Le vainqueur de ces législatives est le parti communiste de Maurice Thorez, réfugié en URSS pendant la guerre, qui engrange 28 % des voix avec 5,5 millions d’électeurs et un tiers des députés de l’Assemblée nationale. Staline en est extrêmement satisfait.

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