Laudrin 4 Un engagement pour la jeunesse par le sport

 

Cette biographie est construite au fur et à mesure des envois des lecteurs par la page contact de ce site

Je remercie les personnes qui ont déjà pris contact avec moi, me permettant ainsi de travailler sur des documents originaux

 

Laudrin 4  Un engagement pour la jeunesse par le sport

 

I Un engagement pour la jeunesse catholique

1 Dès ses débuts se révèlent ses dons d’organisateur

Très jeune, il avait déjà été l’animateur principal de la Saint-Colomban de Locminé. Et, alors qu’il vient juste de se faire ordonner prêtre en 1926, un  de ses premiers soucis est d’encadrer la jeunesse chrétienne en impulsant chez elle les valeurs d’entraide, de service à la collectivité. Pendant ses études à l’université d’Angers, il entreprend de monter une troupe de scouts avec lesquels il va partager ces valeurs et se montrer un éveilleur d’âmes et d’hommes.

Son dynamisme, sa jeunesse et sa personnalité lui valent bien des regrets lorsqu’il décidera de rejoindre son Morbihan natal et de quitter un réseau d’estime réciproque.

En 1927 il est professeur à l’Institution Saint-Louis et donne des conférences comme à Gestel le dimanche 6 mars, mais on ignore sur quelles thématiques il intervient. Ce que l’on sait c’est qu’entre 1926 et 1929 il s’est déjà engagé dans l’encadrement de la jeunesse du Morbihan. Parler en public lui est devenu une seconde nature. Deux ans plus tard il est nommé secrétaire des oeuvres diocésaines et chargé du secrétariat des patronages affiliés à la FGSPF, Fédération de Gymnastique Sportive des Patronages français.

 

On le voit prenant des responsabilités en novembre 1930 dans le Comité d’organisation de la Fédération de gymnastique sportive des patronages français. Il est prévu que Vannes reçoive les 1er et 2 août des milliers de gymnastes, sans compter l’affluence de ruraux, de touristes français et étrangers. Une lourde machine à organiser avec la mise en place horaire et spatiale des concours, les défilés, les fêtes de nuit.

L’abbé Laudrin en est le Secrétaire, élu comme les 4 autres membres à l’unanimité.

 

Neuf mois plus tard en août 1931 Hervé Laudrin supervise l’organisation des championnats de France des patronages à Vannes. Deux délégués ministériels dont le chef de cabinet du ministre viennent analyser sur place le mode d’organisation, qui concerne 7 000 gymnastes. A l’issue des festivités le directeur général Thibaudau reçoit, de la main même du sous-secrétaire d’Etat Morinaud la médaille d’or de l’Education physique, et l’abbé Laudrin la médaille d’argent.

Des débuts prometteurs et le sens inné de l’entregent relationnel.

 

Mais c’est aussi un homme qui se déplace constamment pour créer de nouveaux patronages, le 21 janvier 1931 à Pluvigner, le 25 janvier 1931 au Faouet, avec à chaque fois la création d’une section de gymnastique. Un investissement en temps, en déplacements et en travail considérables qui doivent dénoter dans le milieu ecclésiastique souvent attaché à la commune qu’il gère.

Et dès cette date il est nommé délégué de l’Union des patronages vannetais et secrétaire des patronages à la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France. L’ambition est chez Hervé Laudrin est un puissant moteur.

 

2 Participer à l’organisation du scoutisme dans le Morbihan

Hervé Laudrin participe activement dans les années 1920 aux mouvement des jeunesse catholiques. On le voit régulièrement cité dans Le Rayon, le mensuel de la Fédération des jeunes Catholiques du Morbihan.

 

 

Le Rayon, Journal mensuel, novembre 1929

 

 

 

En 1929 il participe à une Commission départementale concernant les districts scouts avec Elie de Langlais. Ce sont encore une fois des problèmes d’organisation, de communication et de finalité des contenus qui y sont abordés.  Nous sommes en pleine restructuration des réseaux catholiques auprès de la jeunesse et la pratique d’entrisme dans les autres ligues comme la LOFA ou la FFFA est encouragée..

 

Le Rayon, Journal mensuel, novembre 1929 © Archives départementales du Morbihan

 

L’abbé Laudrin est nommé aussi secrétaire administratif de la Commission sportive et de la Commission de gymnastique et d’athlétisme. Puis il entre dans la ô complexe et sensible Commission d’arbitrage, dont il devient secrétaire.

C’est dans ces organismes que l’abbé se frotte aux problèmes complexes de la réglementation, des décisions de jouer des barrages imposées aux clubs, du respect des articles du règlement par les licenciés en ce qui concerne notamment la validité des licences, les problèmes de forfait et les remboursements ou pénalités qui s’ensuivent, la fixation des calendriers, la gestion des plaintes, la formation des arbitres officiels, leurs modalités de titularisation, les arrivées des différentes sociétés, leurs horaires de passage, l’organisation des repas, les feuilles de pointage, la sécurité, la formation des moniteurs, les prélèvements financiers et leur ventilation dans les différentes caisses,  tous ces mille et un petits détails qu’il faut parfaitement maîtriser si l’on veut conduire une manifestation sportive vers la réussite.

Hervé Laudrin ne se débrouille pas trop mal puisqu’il est investi comme délégué pour représenter ces organisations à la réunion régionale de Rennes à la fin du mois de novembre 1929, où il va se pencher sur le rapport moral de l’année, écouter le discours du président, analyser la situation financière, faire face aux multiples problèmes, influencer, voter, décider, trancher..

 

Ce qui ne l’empêche pas d’être constamment en contact avec les réalités du terrain,

 

Le Rayon, Journal mensuel, novembre 1929 © Archives départementales du Morbihan

 

et de formuler des propositions comme ici pour les louveteaux

Le Rayon, Journal mensuel, novembre 1929 © Archives départementales du Morbihan

 

Il participe également à la mise en place de camps provinciaux pour les scouts

Le Rayon, Journal mensuel, octobre 1931 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Dans le camp organisé au château de Beauregard en 1931 se présentent 300 jeunes gens venant de toute la Bretagne. C’est l’abbé Laudrin, présenté comme aumônier diocésain qui fait réciter la prière d’ouverture. On y enseigne la discipline dans un environnement profondément religieux. L’évêque de Vannes est présent à une des journées, ainsi qu’un militaire, le général Tabouis.

Le Rayon, Journal mensuel, octobre 1931 © Archives départementales du Morbihan

 

 

 

3 A la rencontre des Jeunesses Agricoles Catholiques

L’abbé Laudrin organise une réunion de 280 jeunes gens de la Bretagne centrale et rurale du département du Morbihan à Peillac, commune située à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Vannes. Depuis plusieurs mois, il s’est servi des sorties de la messe dans un grand nombre de communes pour convaincre les parents de l’utilité pour leurs enfants d’appartenir à un groupe des Jeunesses Agricoles Catholiques.

C’est lui qui supervise l’organisation de débats et visiblement il laisse la bride au cou de la jeunesse, ce ne sont pas des débats soporifiques. A la fin de la journée, l’abbé dans un discours qualifié d’ardent, dit ce que devraient être pour lui les Jeunesses Agricoles Catholiques. Malheureusement nous ne possédons pas le détail de ce discours.

Le Nouvelliste de Vannes, 13 décembre 1931 © Archives départementales du Morbihan

 

Même approche à Moréac, où se réunissent 300 jeunes gens de la ville ( 3000 habitants en 1930 ). C’est donc 10% des habitants qui se présentent, un score très élevé. Le compte-rendu souligne que 300 jeunes qui participent à la messe de communion organisée par l’abbé Laudrin, est un fait unique dans les annales paroissiales. L’énergie et le charisme de cet homme emportant l’adhésion de tous sur son passage.

Dans une autre commune, Ploërmel, on procède au même type de rendez-vous. 150 jeunes sont présents, des chanoines, un vicaire, un directeur d’une école d’agriculture. Un débat qualifié de très intéressant a lieu, toujours sous la direction de l’abbé Laudrin. On y parle librement d’un problème qui inquiète tout le monde, la désertification des campagnes.

On propose des solutions par le biais d’une meilleure organisation du travail agricole qui permettrait au cultivateur de bénéficier de plus de bien-être. Les organisateurs souhaitent que les artisans et les ouvriers agricoles salariés soient conviés à cette réflexion.

Les débats sur cette thématique font l’objet dit le compte-rendu du journaliste de « réparties spirituelles de l’abbé Laudrin qui égaient l’assemblée ». Il ajoute que « La discussion a si vivement intéressé les jeunes gens que tous ont trouvé le temps consacré au débat un peu trop court. »

Décidément Hervé Laudrin est un homme d’une efficacité rare.

 

C’est très net dans le texte suivant du commentateur qui fait le compte-rendu de l’intervention de l’abbé.

 

Le Nouvelliste de Vannes, 20 décembre 1931 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Un autre congrès de la JAC a lieu à Timadeuc. Cette fois-ci l’abbé Laudrin présenté comme Secrétaire des Oeuvres intervient « sur la composition, l’organisation et le fonctionnement d’un groupe de la JAC, la nécessité d’une amitié solide au sein du groupe ».

L’abbé alterne savamment moments de spiritualité « morale, sermons, prières, messes », de réflexion plus profane et sociale « Aux cercles d’études, nous discutions sur le formation des groupes jacistes, sur leur développement, le rôle des militants…La discussion ne chômait pas et nous avons pu ainsi étudier en commun pas mal de choses » et moments de détente collectifs comme « le basket ou le football…Organiser le basket fut pour lui l’affaire d’un instant. Ce qu’on s’est amusé avec ce jeu ! « . D’autres jeux et des chansons et des projections de films rythment les journées. L’essentiel est de susciter la gaité et d’éviter l’ennui ou la lassitude dans une organisation où « l’idée religieuse doit avoir la première place ».

Aucun détail n’est laissé de côté « Au lieu du pain noir et du lard, nous dégustions une soupe de légumes, des pommes de terre, des omelettes. Bonne cuisine ». Des protéines et pas de graisses pour les sportifs que sont ces jeunes gens. Naturellement messes et prières accompagnent ces réunions.

Un organisateur né en action. Une version moderne du monachisme : à Ora et Labora s’ajoute Ludere.

 

De surcroît l’intervention de l’abbé Laudrin est souvent qualifiée d’alerte et d’intéressante. Pour qu’il en soit ainsi mentionné, la fougue et le talent oratoires de l’abbé devaient trancher sur le ronronnement habituel des autres ecclésiastiques, surtout auprès d’un public de jeunes gens, qui sont au nombre de 420 à se restaurer à midi dans l’abbaye. Une autre réunion a lieu à Pontivy où Hervé Laudrin retrace l’historique de la JAC dans le département du Morbihan, puis à Saint-Thuriau où il parle des relations entre la JAC et le sport.

 

Les cercles d’études de la JAC qui se réunissent une fois par mois sont des organismes très bien rôdés. A chaque réunion on fait le bilan de la précédente et on prépare la suivante, toutes les perspectives sont débattues, à chacun de s’investir dans celle qui lui est donnée. Dans la réunion du jour on étudie des cours d’agriculture par correspondance et on en débat  » le paysan est le premier philosophe du monde ». Puis on organise les relations à l’intérieur du groupe au travers d’un Conseil de groupe.

C’est là que sont distribuées ou élues les fonctions pour chacun à tour de rôle : élection du président, du secrétaire, du trésorier pour la constitution du Bureau ( la République chrétienne en actes dans le cadre de la loi sur les Associations de 1901) ; permanence (s’obliger à être là à des moments précis) , bibliothèque ( former l’esprit chrétien et être de son temps avec compte-rendus des lectures et débats), service de théâtre (travailler sa prise de parole en public et lutter contre la timidité), service sportif ( mens sana in corpore sano, le corps n’est pas négligé, bien au contraire) Cours d’agriculture (formation professionnelle avec débats dans le groupe, on insiste sur la noblesse de la profession de paysan, on veille à ne jamais séparer les paysans des artisans de la campagne), recrutements (aller vers l’autre, savoir défendre ses convictions et surtout sa foi).

On y forme des militants, une minorité choisie, « qui sachent demander conseil, donner leur avis, discuter, qui acquièrent une foi raisonnée qui conquiert. »

 

Le Rayon, Journal mensuel, octobre 1932 © Archives départementales du Morbihan

 

On met en place une prière spécifique axée sur le milieu agricole, paysan, le monde de la campagne où on n’oublie ni Dieu, ni les valeurs de dévouement et d’héroïsme, ni le constat traditionnel de la corruption des moeurs, mais où on se penche sur les humbles travaux des champs, sur nos campagnes de France

 

Le Rayon, Journal mensuel, juin 1932 © Archives départementales du Morbihan

 

 

une prière qui aborde le calme des champs, l’air pur, la largeur des horizons, mais aussi le travail, la confiance dans les revers et les épreuves, et la fondation d’un foyer avec les soeurs paysannes pour engendrer de vrais chrétiens

Le Rayon, Journal mensuel, juin 1932 © Archives départementales du Morbihan

 

 

L’objectif qui est de rechristianiser les campagnes connaît un écho non négligeable lorsque l’on voit le nombre de jeunes participants à ces différentes réunions qui balaient systématiquement les cantons de l’intérieur du Morbihan.

Un abbé dynamique, recruteur de jeunes agriculteurs pour la JAC, et qui viennent en outre aux retraites qu’il organise à Auray ou à Timadeuc, près de 80 jeunes de 15 communes différentes du Morbihan pour cette dernière.

 

On retrouve partout cet équilibre entre mission apostolique et activités sportives. Il en est ainsi aux Journées fédérales des Patronages à Plöermel, où l’abbé intervient sur les deux registres.

 

Premier registre, le registre pastoral

Le Rayon, Journal mensuel, mars 1932 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Second registre, le registre sportif

Le Rayon, Journal mensuel, mars 1932 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Les remontées du terrain à l’évêché concernant l’abbé sont très positives. Un exemple est donné par Alcime Thomas sur l’une de ces retraites organisées par l’abbé et qui nous éclaire un pan de sa personnalité : « Mais le véritable organisateur, le metteur en scène si je puis dire, de toutes nos distractions fut incontestablement l’abbé Laudrin. Il met autour de lui tant de joie et de gaité qu’il finit toujours par faire déguerpir la neurasthénie la plus récalcitrante et l’entrain qu’il apporte dans nos réunions nous les font toujours trouver trop courtes. » Le Rayon, mars 1931.

Un tel écrit dans un milieu lu par la hiérarchie ecclésiastique peut difficilement être réalisé sur commande. En outre il doit susciter bien des jalousies dans le milieu de ses collègues portant la soutane, et la personnalisation trop appuyée de l’abbé doit être surveillée avec inquiétude par la hiérarchie, l’humilité étant  une valeur fondamentalement chrétienne, et particulièrement celle d’un sacerdoce exercé par un prêtre.

 

Ses interventions se font plus techniques, plus axées sur le monde profane, comme à Mendon devant 150 personnes membres de la JAC : « Et c’est enfin l’abbé Laudrin qui vient traiter le problème si complexe et chaque jour plus angoissant de la crise économique mondiale et particulièrement de la crise agricole. La situation actuelle de l’agriculture, la surproduction, les embarras de l’industrie, le chômage, le problème ouvrier, la législation rurale et le régime de défaveur dont est victime l’agriculture français sont tour à tour traités avec une vraie compétence ». Le Rayon, novembre 1931

Les bases profanes d’un programme politique.

 

Toutes ces organisations locales sont ensuite organisées à un niveau supérieur en Fédérations de la Jeunesse Agricole : en novembre 1932, on compte à l’échelle du départment du Morbihan la Fédération de la Vilaine, de l’Oust, du Scorff, du Blavet, du Loch, de l’Evel, etc…presque toutes supervisées par l’abbé Laudrin lors des débats qui ont lieu à cet échelon de réunion.

Puis Hervé Laudrin participe aux premières journées de la JAC à Paris le 23 novembre 1930. Son intervention est accueillie par des applaudissements. Les résultats nationaux voient des effectifs en forte croissance. Près de 170 000 gymnastes sont recensés. On décide d’y supprimer les Unions départementales et de fonder des Unions Régionales. Quelle que soit l’organisation, il en grimpe rapidement les échelons. Rien n’est laissé au hasard chez Hervé Laudrin.

 

4 La participation à des fêtes sportives en relation avec l’armée

Dès 1930 la pratique du basket-ball est envisagée dans les patronages ainsi qu’une préparation militaire et du tir.

C’est l’abbé Kervégant qui est l’organisateur de ces fêtes à Noyal-Pontivy, mais c’est le chef d’escadron Guyot qui la préside, aux côtés du maire de la commune. Une nuée de chanoines et d’abbés les entourent. Quatre hommes prennent la parole au dessert : le chef d’escadron Guyot, Cadic le maire, le poète et écrivain paysan Loeiz Herrieu, et l’abbé Laudrin présenté comme le secrétaire de l’Union Régionale du Morbihan.

Les épreuves sportives consistent en un mélange d’épreuves militaires de tir au fusil ou à la carabine, d’épreuves athlétiques de saut en hauteur, longueur, lancer et courses de longueur variées, et concours de langue bretonne et d’histoire de la Bretagne pour les jeunes. Encore une fois les compte-rendus sont élogieux.

Le Nouvelliste de Vannes, 21 août 1932 © Archives départementales du Morbihan

 

Une autre manifestation des liens entre Hervé Laudrin et les armées a lieu à Pontivy en 1934 lors des Championnats individuels de gymnastique des patronages.

 

Le Nouvelliste de Vannes, 3 juin 1934 © Archives départementales du Morbihan

 

Le concours se déroule de manière classique et bien rôdée : épreuves sportives le matin, puis messe célébrée par l’abbé Laudrin, repas présidé par l’abbé Laudrin, remerciements de l’abbé Laudrin au dessert, épreuves l’après-midi. Hervé Laudrin aime visiblement être sous les projecteurs et son intense activité sur le front sportif, organisationnel, religieux, lui en donne les moyens.

Il n’oublie pas non plus les réseaux  relationnels : »Il pria les sergents Guégan et Fanen d’être ses interprètes auprès du capitaine Mercier, qui le matin avait tenu à assister aux différentes épreuves, prouvant ainsi l’intérêt qu’il portait aux sociétés de gymnastiques. » Naturellement le capitaine et les sergents sont aussi venus voir s’il n’y avait pas quelques bonnes futures recrues dans ces démonstrations de gymnastique.

Toujours dans le même esprit d’établir de fortes realtions entre Eglise et armée, l’abbé Laudrin dirige également des retraites de conscrits : une quarantaine de personnes dans la seule ville de Redon, pendant trois jours.

Au plus profond des campagnes un réseau relationnel dense est patiemment tissé par l’abbé.

 

5 Participer à l’encadrement des lycéens catholiques

Au lycée de Vannes en 1930, on organise des retraites spirituelles, culturelles « visite des églises et des châteaux » et aussi d’orientation puisque s’il y a une réflexion sur le sens de la vie associé aux valeurs religieuses chrétiennes, « C’était la satisfaction d’avoir fait l’effort qui grandit et élève l’âme »,  on y trace aussi la ligne des perspectives sociales. Peu d’élèves en 1929 ont accès au lycée et ici on les met en contact avec des personnes qui ont intégré les grandes écoles comme Saint-Cyr, Polytechnique, Centrale, etc.

 

Le Rayon, Journal mensuel, mai 1930 © Archives départementales du Morbihan

 

C’est un homme qui aime le contact avec les adolescents et n’hésite pas à chahuter avec eux.

« La chambre de l’abbé Laudrin était trop proche pour qu’il ne fut pas obligé d’en sortir bon gré mal gré chaque matin et chaque soir pour répondre à l’appel bruyant et respectueux de ses jeunes amis !… Ensemble ils ont rendu visite au camp de Beauregard en Saint-Avé où les scouts de France ont été heureux de leur réserver un bon accueil ».

 

Du lycée au scoutisme, mettre en place les interactions entre les réseaux de la jeunesse morbihannaise est un des buts de l’abbé Laudrin. Une autre retraite a lieu à l’abbaye de Notre-Dame de Langonnet, toujours avec la trilogie Prières, Débats, Basket ; on y adjoint la visite de l’entreprise artisanale moderne qu’est l’abbaye, jardin potager, menuiserie, minoterie, boulangerie avec pétrin électrique, coupe racines et broyeurs d’ajoncs.

Les jeunes gens viennent de Langonnet, Pont-Scorff, Gourin, Meslan, Priziac, Le Faouet, un véritable quadrillage spatial de l’espace agricole. On échafaude déjà le même type de rencontre à Pontivy et à Lorient.

 

6 Le vivier des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes.

C’est vers les catégories sociales les moins favorisées qu’il va faire porter son effort de conquête des âmes et des coeurs. Pour cela il participe à des journées organisées en 1933 par les syndicats chrétiens, dont la Confédération française des Travailleurs Chrétiens, la CFTC, créée quatorze années auparavant, en 1919.

La particularité de ce syndicat est qu’il offre aux ouvrières/ouvriers et employées/employés une autre voie que le syndicalisme de la CGTU aligné d’abord sur les bolcheviks léninistes, puis à cette date sur les communistes russes staliniens ou les syndicats anarchistes révolutionnaires de Paul Lapeyre. Une autre particularité est qu’il compte en son sein une fédération exclusivement féminine.

Ses adhérents viennent du milieu ouvrier des mines et du textile ou du milieu des employés de ces mêmes entreprises. La CFTC sera dissoute sept ans plus tard, par Vichy en 1940.

 

Mais il va lui falloir donner de sa personne pour se faire connaître dans le milieu. En témoigne cette journée extrêmement physique à laquelle l’abbé participe. On peut espérer qu’il a pu monter dans la voiture car l’énergie de cette jeunesse est absolument inépuisable..

 

Le Rayon, Journal mensuel, août 1930 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Qu’on y songe ! Balade en vélo, avant Saint-Armel, pluie battante pour tout le monde, refuge dans un bistrot, arrivée à Penvins sous une autre averse, tout le monde en maillot de bain, courses sur la plage, baignade, déjeuner, café avec jusqu’à 8 morceaux de sucre dans le verre…, course de bicyclette de 10 tours de 200m sur la plage sous un soleil ardent, puis une partie de rugby…sans ballon remplacé par une sandale, un feu d’artifice tiré sur la plage à 16 heures, une marche de 4 km pour aller dépanner un touriste enlisé, collation et rentrée le soir vers 9 heures. Des journées bien pleines pour l’abbé…

Il s’engage également dans l’organisation d’un voyage de quatre jours à Lourdes en 1931. Plus d’une centaine de jeunes de la JAC et de la JOC le suivent. Toujours la recherche de l’efficacité.

 

C’est au sein de ce syndicat des Travailleurs Chrétiens que l’abbé va chercher des relais pour mettre en place sa politique tournée vers la jeunesse. Ainsi compte-il parmi les participants en juin 1933 d’une rencontre organisée à Pontivy sous le nom de Journée sociale.  L’objectif de cette journée d’études est double, d’abord promouvoir sur le plan religieux le syndicalisme chrétien, puis sur le plan social, se pencher sur le réel, les problèmes professionnels tels qu’ils remontaient du terrain.

 

Ouest-Républicain, 15 juin 1933 © Archives départementales du Morbihan

 

 

L’abbé Laudrin intervient officiellement dans les débats en tant qu’aumônier des oeuvres diocésaines. Par ailleurs il est aussi l’aumônier des Scouts de France et du groupement des Jeunesses ouvrières chrétiennes.

C’est un homme qui aime être une cheville ouvrière rassemblant comme qualités celle d’un travailleur acharné et d’un redoutable bretteur oratoire.

Son talent oratoire et ses profondes convictions font qu’il est immédiatement remarqué. Le compte-rendu du journaliste mentionne « qu’il y prononça une très belle allocution dans la quelle il mit tout son coeur de prêtre et d’apôtre des travailleurs ». L’Ouest Républicain, 15 juin 1933.

Prêtre et apôtre, littéralement celui qui est chargé d’une fonction sacrée et celui qui est chargé de propager la religion chrétienne dans les classes sociales dont le seul revenu est le salariat.

Une terre de mission dans les années trente où le communisme et le fascisme attirent nombre de travailleurs, surtout en pleine crise économique  consécutive à celle, financière, de 1929.

 

Hervé Laudrin est attentif aux analyses qui s’y déploient sur la crise économique, l’attitude des jeunes face au syndicalisme ou l’éducation des jeunes travailleurs en Bretagne, et aussi dans le Maine, où l’abbé Laudrin avait passé ses années de formation à l’Université d’Angers. Il est fort probable qu’il ait été pour quelque chose dans cette action car les relations Bretagne / Pays de Loire sont peu courantes en Centre-Bretagne.

Il comprend la nécessité, mise en avant par de nombreux intervenants, de créer un système relationnel plus étroit entre les différentes organisations catholiques des quatre départements bretons et de départements extérieurs comme le Maine. Un beau projet pour cet organisateur né.

Cette réunion lui permet de côtoyer entre autres le président du syndicat de Lorient, le milieu ô combien influent des pharmaciens des bourgs et villes moyennes, le représentant des cheminots d’Auray, le président le la Jeunesse Ouvrière Chrétienne de Vannes, tous relais bien utiles pour ses futurs projets. Et bien d’autres réunions vont se succéder.

 

En novembre de l’année suivante l’abbé Laudrin officie à la chapelle du Méné de Vannes où se tient une foule nombreuse d’ouvrières et d’ouvriers. Sous le titre « Une cérémonie à la mémoire des travailleurs« , il s’agit d’une cérémonie organisée comme par hasard par la CFTC et la JOC qui font rappeler dans les prières le souvenir « de celles et ceux qui au cours de l’année tombèrent au champ d’honneur du travail. » Ouest Républicain, 8 novembre 1934

Une rhétorique extraordinaire où le milieu de l’usine, de la mine et de l’entreprise est assimilé à un champ de combat qui rappelle la si proche Grande Guerre de 1914 1918, les ouvriers étant comparés aux soldats qui ont donné leur vie pour le développement de l’entreprise.

Les fidèles étaient conduits dans leurs prières par l’adjoint au Directeur des Oeuvres diocésaines, qui leur expliquait comment et pourquoi il fallait prier ces défunts.

Et devant l’autel, le Directeur des Oeuvres diocésaines l’abbé Laudrin célébrait la messe et la JOC assurait les chants…

 

Le même mois, en novembre 1934, on envisage une fusion de tous les patronages catholiques lorientais dont les Bleuets et l’Etoile d’Arvor.  Pour ne pas froisser les susceptibilités et éviter les luttes de pouvoir on a décidé que chaque entité garderait son autonomie au sein du nouveau patronage, sauf une, celle des sports car il n’y aurait qu’une seule section sportive, commune à tous les anciens patronages. Faut-il y voir là la marque de l’abbé Laudrin ?

Toujours est-il que quelque temps après son nom revient de manière de plus en plus insistante dans la presse locale. On met en avant sa fonction de Directeur des Oeuvres diocésaines, c’est donc qu’il aurait l’oreille voire l’imprimatur de l’Evêque de Vannes. Et les milieux catholiques sont très respectueux de la hiérarchie de l’Eglise et surtout de celui qui est considéré comme le pasteur du troupeau chrétien en Morbihan.

On glisse également que cette nouvelle fusion permettrait des investissements importants comme la création d’un stade, voire d’une piscine. Tout Laudrin est là, bâtisseur dans l’âme. Des perspectives qui devaient bien allécher la jeunesse chrétienne des années 30 à Lorient, mais pas seulement elle.

 

Hervé Laudrin en 1928

Elève de la Faculté catholique d’Angers, Photographie argentique, 1928 © Collection particulière

 

Les bruits de couloir se précisent de plus en plus. En fait il s’agit d’une communication bien planifiée par les milieux dirigeants du CEP en accord avec l’autorité épiscopale de Vannes « L’organisation du Cercle d’Education Physique regroupera tous les patronages lorientais. Au CEP tous les sports auront une large place et la plupart des commissions sont déjà formées : athlétisme, basket, football. Sous la vive impulsion du sympathique abbé Laudrin, cette organisation tiendra sous peu une large place parmi les sociétés sportives locales. » Nouvelliste de Vannes, 3 février 1935

Il s’agit de faire du CEP une nouvelle force de pouvoir dépassant l’atomisation précédente des différents patronages lorientais, et qui puisse contrebalancer les pouvoirs de la mairie et des partis politiques locaux.

 

 

II Un engagement pour la jeunesse par le sport : le Directeur du CEP à Lorient

1 La période d’avant-guerre

En 1935, année dense pour l’abbé. Il célèbre la messe de mariage de sa soeur à l’église de Locminé et il est nommé directeur du CEP lorientais.

 

Et pour la première fois le CEP organise ses premiers championnats d’athlétisme.

Le Nouvelliste de Vannes, 14 juillet 1935 © Archives départementales du Morbihan

 

L’abbé Laudrin est présenté comme « le principal animateur de cette jeune société. L’organisation fut en tous points remarquables. Le nombre d’athlètes qui était de 88 montre la grande vitalité de notre nouveau patronage. » En quelques mots, tout est dit, Hervé Laudrin est placé sur une belle rampe de décollage.

Il en profite pour se jeter immédiatement dans l’organisation des championnats d’athlétisme du Morbihan : « LE CEP a accepté d’organiser les championnat départemental du Morbihan du 2 août. Ce sera d’autant mieux qu’il a lui-même un grand nombre d’athlètes à mettre en ligne et qu’il a pu obtenir le magnifique Parc des Sports. Envoyer toutes les inscriptions, nom, prénom, date de naissance, numéro de licence, épreuves choisies avec les droits correspondants avant le 26 juillet, soit  au Secrétariat, 2 avenue Victor Hugo, Vannes soit à M. L’abbé Laudrin, Directeur du CEP, rue Duguay-Trouin à Lorient ». La personnalisation de l’organisation est en marche

 

Le voilà qui assiste désormais à de nombreuses compétitions sportives qui sont autant d’occasions de fréquenter les milieux politiques et décisionnels du Morbihan, comme les championnats d’athlétisme du Morbihan de juin 1935 à Guéméné sur Scorff où il côtoie en tant que Directeur du CEP de Lorient, c’est sa dénomination officielle, le Député-maire Raude, des maires-adjoints, le Directeur général du Foot-Ball Club lorientais,le Président du district d’athlétisme du Morbihan, les dirigeants du Véloce vannetais, le Secrétaire général de Lorient-Sports.

Des relais politiques, sportifs et médiatiques bien utiles, dans un contexte où le maire de Lorient depuis le 19 mai est un socialiste, Emmanuel Svob, un homme de l’autre rive également investi dans la jeunesse puisqu’il a créé le Patronage laïque scolaire à Lorient et a fondé une école de plein-air dans la propriété du château de Soye ainsi qu’une auberge de jeunesse et l’aménagement de jardins ouvriers. Deux animaux politiques issus des mêmes classes populaires, l’un prêtre à l’idéal chrétien, l’autre socialiste à l’idéal laïque sur les mêmes terrains de jeu.

 

Les cépistes ont le bon goût de remporter six titres sur douze, dont Paul Bourron qui en enlève à lui seul quatre, preuve de la vitalité du club lorientais et la marque de son mentor.

 

L’année suivante, premiers retours de ces investissements relationnels. Hervé Laudrin est, en tant que Directeur du CEP récompensé « comme un bon ouvrier du Sport » Ouest Républicain du  19 janvier 1936, et reçoit la médaille d’or dans le cadre de la promotion de l’Education physique.

Même récompense pour le Directeur de la Vannetaise Béven, l’argent allant à un ingénieur-mécanien du navire le Colbert, d’un médecin de 1ère classe de la marine de Lorient, d’un animateur d’une société de tir, le bronze au Président de l‘Etrier lorientais, au Directeur technique du Club athlétique lorientais,  à un maître-clairon de l’école des fusiliers marins de Lorient.

Hervé Laudrin est déjà proche des militaires qu’il va côtoyer de très près pendant la seconde guerre mondiale. La responsabilité des Sports en milieu chrétien catholique à Lorient est une voie d’accès qui lui ouvre bien des portes.

 

L’assemblée générale du District d’athlétisme du Morbihan s’ouvre à Lorient en février 1937. Il s’agit de procéder à l’élection du nouveau président et des membres de la Commission

C’est Chevallier, l’un des principaux dirigeants du CEP qui est élu président. Hervé Laudrin est élu Commissaire du district avec 4 autres personnes, chargées d’élaborer les calendriers des rencontres, de nommer un trésorier et un secrétaire. Voilà une organisation sportive à l’échelle départementale dont l’administration va être gérée et contrôlée par ces deux hommes issus du CEP.

 

Aux commandes de ce nouveau navire qu’est le CEP du port de Lorient et bien introduit dans les instances décisionnelles départementales sportives, Hervé Laudrin va être sur tous les fronts.

Sur le terrain tout d’abord, dès qu’il le peut, il assiste aux rencontres de ses protégés. En participant à l’accompagnement de nouveaux concepts comme le concours du jeune footballeur à Lorient. Dès potron-minet, le dimanche matin ( mais qui dit la messe ? ) il est au bord du terrain du parc des sports à Lorient pour superviser l’organisation et le bon déroulement de cette épreuve originale qui vise le coeur de son projet, la jeunesse. Et pour promouvoir la recherche du dépassement de soi.

Dans les structures administratives à l’échelle de la Bretagne toute entière, ensuite. Un exemple est donné par la réorganisation de la Ligue de l’Ouest qui tient son assemblée générale à Rennes en juin 1937. Il s’agit de décider si le championnat  de Division de Promotion reste bloquée à 32 clubs participants ou sera portée à 40.

Après de multiples débats, Hervé Laudrin intervient en tant que Directeur du CEP. Son plaidoyer est en faveur d’une augmentation du nombre de clubs participants à 40. il écarte de la main l’argument de la baisse de qualité du jeu en soulignant au contraire que la Division d’Honneur ne pourra être que plus qualitative puisque la compétition entre les 40 clubs de la division de Promotion sera plus dure pour accéder à l’Honneur et in fine plus sélective.

 

Il présente aussi un argument étonnant dans la bouche d’un prêtre  » Le changement n’est-il pas condition de vie ? « 

 

Ses qualités personnelles d’orateur et la logique implacable de ce licencié en philosophie font qu’il est applaudi à l’issue de son argumentaire et qu’il emporte les dernières résistances, alors que le Conseil de la Ligue lui-même s’opposait à cette réforme.

Les dirigeants de la Ligue de l’Ouest, qui n’ont pas non plus oublié que sur les 365 clubs que compte la Ligue, le nombre de licenciés au CEP est en très forte augmentation et qu’il est même devenu le premier club de la Ligue en nombre de licenciés. Ces dirigeants vont voter à une majorité écrasante l’élargissement de la Division de Promotion à 40 clubs. Et avec l’élargissement de la Division d’Honneur à 12 clubs, le CEP est quasi-assuré d’accéder en Division de Promotion…

 

Ouest-Républicain, 17 juin 1937 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Une remarquable réussite de l’abbé qui a gagné un double pari  : attirer des jeunes en grand nombre au CEP de Lorient et assurer statutairement au plus haut niveau décisionnel une promotion pour le club. Des résultats qui commencent à ne pas laisser indifférents les socialistes du cru qui sont aux manettes à la mairie.

 

Et en plus les résultats sportifs de la nouvelle équipe ne se font pas attendre. Contre toute logique, et à la surprise générale, le CEP réussit l’exploit d’éliminer en Coupe de France l’Union Sportive Douarneniste par un score sans appel de 6 contre 1, avec des commentaires dithyrambiques : « L’efficacité de la défense cépiste…La Ligne d’attaque s’est tourvée la plus brillante et a soulevé l’enthousiasme des 1500 spectateurs présents au stade de Kergroise… Ce fut un véritable feu d’artifice et l’attaque lorientaise sema constamment le désarroi dans la défense douarneniste…Voilà donc le CEP qualifié pour disputer le 5e tour de la Coupe de France ! »

Les journaliste par l’expression employée « La belle victoire des chemisettes bleues de l’abbé Laudrin »  souligne le rôle important du nouveau Directeur du CEP puisque cette équipe est présentée comme la sienne.

 

C’est lui qui est interviewé : « Nous avons demandé à l’abbé Laudrin où cette prochaine rencontre devait être disputée« , et on peut remarquer dans sa réponse son esprit de décision et la marque d’un homme déterminé qui n’a peur de rien.

« Vous savez que j’avais demandé à la Fédération sportive lorientaise qu’elle accordât la priorité pour la disposition du Parc des Sports à la Coupe de France. Cette demande a été rejetée dans les conditions que vous connaissez.

Ma lettre de réponse étant restée sans réponse, je considère le silence de la Fédération comme une fin de non-recevoir.

Nous jouerons donc à Kergroise dont l’accès dimanche prochain sera facilité au public.

J’ai obtenu en effet qu’on établisse un service d’autocars sur le stade de Kergroise qui recevra, j’en suis certain, une foule encore plus nombreuse qu’hier. » OR, 25 novembre 1937

 

Pour donner plus de retentissement aux activités sportives qu’il met en place désormais dans les rues mêmes de la ville de Lorient, il joue sur l’effet de communication ( on disait propagande en 1936 ) en réussissant à inviter des champions prestigieux comme Jules Ladoumègue, six fois recordman du monde des courses de demi-fond. Le fait que Ladoumègue ait été radié à vie par la Fédération d’athlétisme en 1932 pour non-respect d’amateurisme ne gêne pas l’abbé Laudrin, qui, nous le verrons, n’est pas contre la rémunération des joueurs ou même l’organisation de paris dans le sport. Comment l’abbé a-t-il fait pour attirer un champion aussi prestigieux et très sollicité à Lorient ? Le journal glisse que « L’amitié de Ladoumègue pour l’abbé Laudrin finit par arracher une décision difficile ». C’est une des forces d’Hervé Laudrin, un carnet d’adresses soigneusement entretenu.

Les retombées en termes de public sont énormes.

 

Equipes Nouvelles, mai 1936 © Archives départementales du Morbihan

 

 

La communication est soignée dans les moindres détails. une photographie dans Equipes Nouvelles, le journal interne du CEP montre « Ladoumègue et l’abbé Laudrin causant amicalement ».

Il organise en plein Lorient une manifestation d’athlétisme intitulée Le Tour de Lorient avec 10 équipes seniors et 8 équipes juniors qui rend le CEP visible dans toute la ville « Sur tout le parcours une foule innombrable applaudit les coureurs et c’est un public enthousiaste qui assiste au dernier tour »,  et empiète naturellement sur les plates bandes des organisations de communication sportive et politique promues par la mairie socialiste d’Emmanuel Svob, surtout qu’il arrive à y inviter des internationaux qui donnent encore plus de visibilité à l’évènement..

 

Le Nouvelliste de Vannes, 16 mai 1937 © Archives départementales du Morbihan

 

La saison 1937 se termine par un feu d’artifice de victoires en athlétisme. Pour expliquer cette réussite la presse fait état d’un recrutement en nombre et d’une l’organisation rigoureuse  mise en place par l’équipe dirigeante du CEP qui aboutit à un encadrement compétent et exigeant des athlètes : apprendre à se vaincre dans l’effort et dans la joie pour conquérir une santé.

 

Ouest-Républicain, 20 septembre 1937 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Ouest-Républicain, 20 septembre 1937 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Ouest-Républicain, 20 septembre 1937 © Archives départementales du Morbihan

 

Ouest-Républicain, 20 septembre 1937 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Les deux principales chevilles ouvrières de cette réussite éclatante, Chevalier Président du CEP et l’abbé Laudrin Directeur du CEP sont récompensés par une médaille d’or dans le cadre de la promotion de l’Education physique.

 

Et en football les victoires s’enchaînent l’année suivante.

Ouest-Républicain, 3 mars 1938 © Archives départementales du Morbihan

 

Le journaliste écrit en fin d’article que « M. L’abbé Laudrin au lendemain de cette septième victoire peut dire à ses troupes : Soldats, je suis content de vous » , comme Napoléon..

 

Mais toute réussite fait de l’ombre et la roche tarpéienne n’est jamais loin du Capitole. Le journal d’Alexandre Cathrine, Directeur du Nouvelliste du Morbihan attaque violemment l’abbé

 

Ouest-Républicain, 1er mai 1938 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Une pleine page de journal pour une simple forfait sportif dans un tournoi. On voit bien que les enjeux sont tout autres. il faut désormais détruire l’image positive de l’abbé car il commence à présenter un danger pour l’équipe municipale socialiste.

L’angle d’attaque choisi est de montrer qu’il est un homme comme les autres, qu’il ne respecte pas les valeurs morales et éthiques qu’il prône dans son magistère.

 

Les qualificatifs adressés à l’abbé sont explicites :

« L’abbé a déclaré FORFAIT. Il est rarement donné à un mot de notre langue un sens aussi plein. »   Un forfait sportif devient une forfaiture.

« Il avait donné sa parole. Il a repris sa parole. »    Un argument qui porte dans un milieu urbain ou rural encore fortement imprégné par la parole donnée lors des contrats. C’est le Judas de la trahison figurant dans la Bible

« Il avait apposé sa signature. Il a renié sa signature ».   C’est le Pierre de la Bible reniant Jésus.

« Devant la vérité, la clarté, l’honnêteté, l’intrigue s’effondre ».   A contrario l’abbé est qualifié de fausseté, confusion, malhonnêteté. Une belle démonstration de rhétorique politique, mais comme cela ne suffit pas aux yeux de l’éditorialiste qui signe P.F., on rajoute

« Vous avez saboté le tournoi lorientais. Ce sabotage afin de torpiller notre grande course cycliste internationale ».   Ces termes guerriers sont destinés aux ouvriers et marins de l’arsenal, très sensibles à ces concepts qui induisent la trahison.

 

Le fait de choisir en urgence la Vigilante laïque de Keryado pour remplacer le CEP catholique signe l’origine de l’attaque. Quand aux causes précises, l’article entretient une certaine confusion qui ne permet pas d’en démêler les tenants et aboutissants

Cette attaque directe va être suivie de bien d’autres.

 

En 1939 les lecteurs du très laïque journal  le Populaire de Nantes ont la surprise de découvrir un passage consacré au CEP et à l’abbé Laudrin qui va faire l’objet d’une attaque en règle contre « un curé à l’âme ardente » par l’éditorialiste des Chroniques lorientaises dans L’éveil du Morbihan du 5 mai 1939.

De quoi s’agit-il ? Officiellement selon le rédacteur de l’article il ne peut s’agir que d’une erreur d’imprimerie, cet article étant initialement destiné à un autre journal, Le Phare. Toujours est-il que l’article met en lumière la stratégie gagnante de l’abbé Laudrin à Lorient contre l’équipe municipale socialiste, l’abbé braconnant sur les terres ouvrières que les dirigeants socialistes et communistes considérent comme une chasse gardée.

 » Le Directeur du CEP tour à tour ému, humoristique, anecdotique ou ironique, nous dit sa joie d’assister à cette fête familiale, dans cette atmosphère de sympathie où les petits ouvriers côtoient les petits bourgeois, où « le curé » est près de l’ouvrier de l’arsenal. » Une alliance interclassiste, l’horreur des horreurs pour les spécialistes électoraux de la gauche socialiste.

 

« Nous avons la jeunesse pour nous alors que les autres vont vers leur tombeau ». Ces paroles sont prises comme de véritables provocations par les états-majors des partis socialistes et communistes bretons. L’attaque viendra donc d’abord sous le couvert de la laïcité. Mais elle est avant tout politique. La personnalité de l’abbé attire trop la lumière, et sa stratégie de débauchage des milieux ouvriers notamment par le sport commence à fonctionner à Lorient. Il est temps d’y mettre un coup d’arrêt.

Surtout quand les milieux de gauche lisent de tels propos dans un journal chrétien : « M. Laudrin, avec un aumônier comme vous, à qui l’avenir de la classe ouvrière tient tant au coeur, nous pourrons tout. » Le Rayon, juillet 1931

 

La démarche politique de récupération des ouvriers par la Jeunesse Ouvrière Chrétienne s’affirme désormais ouvertement

 

Le Rayon, Journal mensuel, août 1930 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Le Rayon, Journal mensuel, juillet 1931 © Archives départementales du Morbihan

 

 

Le Rayon, Journal mensuel, août 1930 © Archives départementales du Morbihan

 

 

On comprend qu’avec un tel programme, le tocsin soit en train de sonner dans les états-majors socialistes et communistes du Morbihan !

 

Malheureusement dans le journal L’éveil du même jour, à la section Sports, sous le titre Le banquet annuel du CEP, les succès de l’abbé Laudrin sont encore montrés en exemple. Il est vrai qu’il est difficile de priver le lectorat sportif   – qui paie  –   de joies simplement terrestres.

« Le CEP dont chacun sait l’étonnante vitalité a fêté dans les salons Nédellec une année sportive qui restera dans les annales. L’an dernier pour remercier ses footballeurs d’avoir enlevé le titre de champion de l’Ouest en Promotion, le Comité du CEP avait déjà décidé de leur offrir un banquet.

Outre les membres du Comité de direction du CEP, on notait la présence  » du lieutenant de vaisseau Directeur du Groupement d’entraînement sportif de la Marine, d’un lieutenant chargé des sports au 127e RI, du premier maître de l’Ecole des apprentis mécaniciens de la marine et de nombreux représentants de la presse dont Ouest-Eclair, La Dépêche de Brest, le Phare de Nantes, l’Eveil du Morbihan. »

La stratégie d’Hervé Laudrin est d’attirer au CEP la jeunesse militaire en grand nombre à Lorient et sur le plan médiatique d’avoir des retombées au niveau de la Bretagne toute entière et même de Nantes, ancienne capitale du Duché.

 

Les raisons de l’ouverture du CEP à la marine militaire de Lorient

L’Eveil du Morbihan, 2 juin 1939 © Archives départementales du Morbihan

 

« La grande attraction était l’équipe du Groupement d’entraînement sportif de la Marine  dont les athlètes sont licenciés au CEP et que les sportifs lorientais voyaient pour la première fois….Une réception a été donnée dans les magnifiques salons de l’hôtel Beauséjour

 

Façade extérieure

Façade de l’hôtel Beauséjour, Lorient, Carte postale, s.d. ©  Collection particulière

 

Salle à manger

Intérieur de l’hôtel Beauséjour, Lorient, Carte postale, s.d. ©  Collection particulière

 

 

et dans une improvisation dont il a le secret, M. l’abbé Laudrin, Directeur du CEP les félicita tous chaleureusement, d’avoir procuré au grand public de belles émotions sportives et fit l’éloge du sport ». L’Eveil, 2 juin 1939

Les qualités de l’abbé sont encore soulignées « L’abbé emballa ses quelques 250 invités par un torrent d’éloquence. »

Or la maîtrise fondamentale dans la confrontation politique est celle de l’éloquence, surtout sous la troisième République, le radical Edouard Herriot à Lyon qui disait que « l’éloquence est l’art d’exprimer les pensées des autres » en étant un exemple achevé.

Et encore une fois dans ce discours Hervé Laudrin ne se contente pas de souligner qu’il « voulait un esprit sain dans un corps qui respire à pleins poumons et qui fortifie ses muscles, mais une camaraderie où tous, ouvriers comme étudiants vivent d’une même vie, pour faire de leur club un club toujours plus grand. »

 

Une autre attaque viendra d’un journaliste de la Dépêche de Brest et elle concerne les militaires qui sont licenciés au CEP. Le fond de l’affaire est l’irritation que cause le nombre de licenciés inscrits au CEP de Lorient et non à Brest. L’abbé est d’une efficacité épistolaire redoutable, et redoutée.

 

Réponse de l’abbé Laudrin au journaliste de la Dépêche de Brest, juillet 1939 ©  Source gallica.bnf.fr / BnF

 

 

Les adhérents le suivent et les résultats sont remarquables à l’échelle de la Bretagne

 

L’Eveil du Morbihan, 7 juin 1939 © Archives départementales du Morbihan

 

 

L’Eveil du Morbihan, 7 juin 1939 © Archives départementales du Morbihan

 

 

L’Eveil du Morbihan, 7 juin 1939 © Archives départementales du Morbihan

 

 

L’engagement de l’abbé est tel qu’il donne aussi de sa personne « Le CEP a fait une joyeuse et fructueuse promenade à Rennes, malheureusement attristée par une mauvaise chute de son dévoué directeur. Une grosse entorse compliquée de déchirure musculaire. » L’Eveil du Morbihan 7 juillet 1939

La réputation du CEP et de l’abbé Laudrin a désormais franchi les frontières de la Bretagne administrative.

Mais  3 septembre 1939 la France déclare la guerre à l’Allemagne

 

 

 

La partie ci-dessous est en construction

« Pendant la guerre, les installations sportives sont occupées par les Allemands. En janvier 43, la maison de la rue Duguay-Trouin ne résiste pas aux bombardements ».

En avril 1945 un foyer des jeunes s’installe rue du Morbihan et permet de relancer le Cep. Nouveau départ pour le foot, le basket mais aussi l’athlétisme. Jo Stefan devient champion de France junior du 100m en 1947, recordman de France du 200m et il est sélectionné pour les JO de Londres en 1949″ Le télégramme, 28 mai 2010

 

2  De 1945 à la fin des années 1960

L’abbé Laudrin lors de l’inauguration des locaux provisoires du Cep situés rue du Docteur Villers en 1948

L’abbé Laudrin lors de l’inauguration des locaux provisoires du Cep après-guerre, Photographie, 1948 © Le télégramme, 16 mai 2010

 

Un animateur sportif en soutane

 

L’abbé Laudrin aux côtés de l’équipe de basket du Cep, Photographie, années 1950 © Le télégramme, 20 mai 2005

« L’équipe de 4 x 100 m enlève le titre de champion de France FFA. 1952. La section de basket poursuit son ascension jusqu’à la division nationale. 1953. Champion de l’Ouest de foot, le Cep accède au CFA. »

« Un ecclésiastique qui dirige le patronage lorientais d’une poigne de fer et le conduit vers le haut niveau sportif, aussi bien en football qu’en basket »

 

Le grand patron du Cep à partir des années 1950 : l’abbé Laudrin, Photographie argentique, années 1960 © Le télégramme, 15 juin 2003

 

1960 l’abbé Laudrin à côté de l’équipe de foot du Cep

 

L’équipe de foot en 1960, Photographie, années 1960 © Historique du CEP Omnisports, site internet du Cep

 

3 A partir des années 1970

31 Le Cep, un club très engagé dans la lutte pour l’intégration et la promotion des handicapables par le sport

« Dans les années 1970, le club alors dirigé par l’abbé RAOUL et le président Bernard LEBRET accepte en liaison avec le centre avec le centre de KERPAPE de prendre en charge l’intégration par le sport des handicapés. Des équipes sont alors formées amenant certains athlètes au niveau national voire international. » Historique du CEP Omnisports, site du Cep

Qui dispose de photographies et de témoignages ? Merci par avance

32

En basket, l’arrivée d’Ed O’Brien, en 1979, propulse le Cep vers la Nationale 2. L’équipe masculine renoue avec la qualification suprême en accédant en 1987 à la nationale 1. Le foot n’a pas connu ce même succès: de descente en descente, il se retrouve en 1977 en première série de district. L’année d’après, il enlève le titre départemental jusqu’à parvenir en 1980 à la DRH.

33

 

III Une concurrence avec les clubs de Lorient et la municipalité

1

2

3

1987. Reconstruction du gymnase. La salle est mise à disposition de la ville sur le temps scolaire.

 

IV Une détermination sportive à l’échelle du Morbihan, de la Bretagne et de la France

1 A l’échelle du Morbihan

2 A l’échelle de la Bretagne

En football, le club sera champion de Bretagne en 1952/1953

2 A l’échelle de la France

1957 meilleur club omnisports de France

« Ses interventions ne plaisent pas toujours et ses démêlés avec les institutions sont innombrables : il est même suspendu à vie par la fédération de basket pour une sombre histoire de vente de joueur, sanction ramenée à un an de suspension en janvier 1960 ! » Le télégramme, 15 juin 2003

« Cette forte personnalité, contestée mais reconnue par les siens fait des pieds et des mains à l’Assemblée nationale pour instaurer les concours de pronostics dans le football. Son projet est rejeté. Il avait le tort d’avoir raison trop tôt. » Le télégramme, 15 juin 2003

3

 

Laudrin 4 Un engagement pour la jeunesse par le sport